Mme Catherine Couturier alerte M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'urgence de mettre à l'ordre du jour un texte de loi sur l'adaptation de la politique forestière au changement climatique. Le 14 février 2024, le cabinet de stratégie climat, Carbone 4, émettait une étude sur les projections de carbone susceptible d'être stocké dans les forêts sur la période 2020-2050 sous l'impulsion de 3 organisations professionnelles (France Bois Forêt, Codifab et Copacel). Contrairement aux projections de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) qui table sur 35 millions de tonnes de capacité de stockage carbone, le cabinet table sur une division par 3 de cette capacité sur les prochaines années. Cette étude intervient alors même que la capacité de stockage de carbone du bois à déjà été divisée par deux en l'espace de 10 ans. Concrètement, entre 2015 et 2050, l'étude prévoit une baisse de 53 à 12 millions de tonnes de carbone captées sur le territoire hexagonal. Pire, en période de crise à partir de 2040, la forêt devient même émettrice nette de carbone ! Parallèlement, les prélèvements de bois dans les forêts françaises ont augmenté de 10 % pour satisfaire une demande en énergie plus importante, non nécessaires et déconnectés des enjeux environnementaux, comme les projets d'avion à biomasse. Aujourd'hui, il y a urgence à préserver la forêt existante en soutenant une transition vers une gestion forestière plus vertueuse et adaptée au changement climatique. La sylviculture intensive qui incite aux coupes rases doit être abandonnée, au profit d'une sylviculture mélangée à couvert continu, respectueuse de l'environnement et de la biodiversité. Face à ces réalités, les citoyens et citoyennes prennent de plus en plus conscience des enjeux de la forêt. Ils sont en ce moment même plusieurs milliers à se mobiliser, à l'initiative de l'association Canopée, pour demander à leurs parlementaires un vrai texte de loi sur la gestion forestière. Fort de cette idée, plusieurs parlementaires membres de la mission d'information sur « l'adaptation au changement climatique de la politique forestière et la restauration des milieux forestiers » ont élaboré une proposition de loi transpartisane. Ce texte en 13 articles prévoit de nombreuses mesures pour remettre la préservation de la forêt au cœur de la politique forestière nationale. Concrètement, il propose : un nouveau cap durable à la stratégie nationale forestière, d'encadrer les coupes rases, de promouvoir la sylviculture irrégulière, de diversifier les essences, d'interdire le dessouchage et d'améliorer le droit de préemption forestier. À la date du 13 février 2024, la députée de Gironde, Mme Sophie Panonacle, a également rédigé une proposition de loi portant modification de la politique forestière pour répondre aux enjeux d'adaptation des forêts au changement climatique cosignée par de nombreux parlementaires. Cette proposition de loi permettrait d'adresser le sujet de la gestion forestière et des coupes rases au Parlement. Elle lui demande donc de prendre ses responsabilités en mettant à l'ordre du jour l'une de ces propositions de lois.
Les forêts françaises bénéficient d'une gestion durable et multifonctionnelle encadrée par le code forestier puis par le code de l'environnement. La continuité et la qualité de gestion des forêts françaises, prises en référence par la communauté forestière internationale, sont objectivées par l'Inventaire Forestier national. Depuis deux siècles, la forêt française n'a cessé de progresser et de s'améliorer. La surface de forêt hexagonale a doublé depuis le milieu du 19ème siècle et continue de progresser au rythme de + 80.000 ha par an. Le volume de bois sur pied a augmenté de + 50% depuis les années 1980 avec un stock de bois sur pied proche de 3 milliards de m3. L'indice de bois mort et l'indice de diversité des essences recensés au sein des Indicateurs de Gestion Durable de l'IGN progressent depuis 20 ans signe d'une biodiversité mieux préservée en forêt que dans d'autres milieux. D'après les derniers indicateurs du Muséum national d'histoire naturelle, les populations d'oiseaux restent globalement stables en forêt alors qu'elles se sont effondrées par ailleurs. La dégradation récente et rapide de nos écosystèmes forestiers est imputable aux effets du réchauffement climatique, matérialisé par un ralentissement de la croissance des arbres et par une forte progression de la mortalité. Cette dégradation est analysée et intégrée au sein des travaux de mise à jour de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) qui s'appuieront sur les études récentes qui la recense. Nos experts français indiquent qu'un réchauffement de +2,5°C à 3,5°C à horizon 2050 entrainerait en France hexagonale la perte d'un tiers de l'aire de répartition des chênes sessiles et pédonculés, deux tiers de l'aire de répartition du hêtre, 60% de l'aire du sapin pectiné et 90% de l'épicéa. Les paysages forestiers vont ainsi beaucoup évoluer sous les effets des dépérissements. Il n'est pas possible d'attendre l'effondrement de nos forêts pour agir. Accompagner nos forêts vers de nouveaux profils sylvicoles avec des bouquets d'essences diversifiées mieux adaptées au climat sec et chaud, valoriser en usage matériaux les bois actuellement présents dans nos forêts avant que leur qualité technologique ne se dégrade au point de les condamner à un usage bois énergie, étendre et amplifier la prévention des incendies, voilà les trois priorités du Gouvernement qui fonde notre stratégie forestière. Elles figureront en bonne place parmi les objectifs du prochain Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNACC3). Cette transition forestière nécessitera agilité et innovation. Elle passera par une diversité de solutions, une diversité de modes de sylvicultures adaptées au profil des peuplements forestiers et au contexte de chaque massif. Certes, cette transition forestière oblige à être encore plus attentif aux enjeux de la protection du capital naturel que constituent les sols forestiers, de progresser encore dans la prise en compte de la biodiversité sur les chantiers forestiers, de renforcer la résilience des futures forêts par le mélange des essences de reboisement ou bien de prioriser les coupes de renouvellement en fonction des études de vulnérabilité. Cette transition forestière appelle surtout à une mobilisation collective et positive aux côtés des propriétaires, gestionnaires, exploitants et industriels du secteur forestier, qui sont en première ligne face au défi du changement climatique. Le Gouvernement est aux côté de ceux qui agissent en consacrant, dans le cadre de la planification écologique, des moyens inédits au secteur forestier.
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