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Pierrick Berteloot
Question N° 15585 au Ministère auprès du ministre de l’agriculture


Question soumise le 27 février 2024

M. Pierrick Berteloot alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la situation préoccupante des producteurs d'endives. Les 280 exploitations endivières des Hauts-de-France représentent 90 % de la production nationale (300 producteurs, 5 000 salariés, 130 000 tonnes de légumes par an et 240 millions d'euros de chiffre d'affaires). 4e légume frais le plus consommé en France, l'endive représente une des solutions pour atteindre les objectifs de souveraineté alimentaire du pays. Après la flambée du coût de l'électricité, indispensable à la production industrielle du végétal et la difficulté de recrutement de main-d'œuvre, les producteurs s'alarment de l'interdiction à partir du 12 mai 2024 de plusieurs substances actives clés (Benfluraline, Triflusulfuron-méthyle, Spirotétramate) permettant de garantir la pérennité technique et économique de cette culture traditionnelle du Nord. L'interdiction de ces produits phytosanitaires constitue à court terme un obstacle insurmontable pour la profession, qui risque d'engendrer un arrêt des projets d'investissement ou d'installation ou reprise de jeunes agriculteurs. Les cycles de la nature autant que la complexité du métier d'endivier ne permettent pas de trouver des réponses dans des délais aussi courts que ceux prévus par la règlementation européenne. Pour que la filière puisse s'engager pleinement dans la transition agroécologique, il conviendrait d'accélérer la recherche d'alternatives concrètes aux trois matières actives prochainement interdites et de prévoir un moratoire sur l'application de l'interdiction de la benfluraline. Il lui demande quelle solution le Gouvernement envisage d'apporter à ce problème.

Réponse émise le 4 juin 2024

Les producteurs d'endives et de chicorées sont directement confrontés à une impasse technique potentielle pour le désherbage à la suite de l'interdiction européenne de la benfluraline, commercialisée en France via le produit phytopharmaceutique appelé Bonalan. Avant de statuer, toutes les voies ont été explorées, à la demande de la France notamment, pour maintenir une approbation européenne permettant certaines utilisations de la benfluraline, même restreintes. L'autorité européenne de sécurité des aliments avait été mandatée pour évaluer l'effet de diverses méthodes d'atténuation des risques. Néanmoins, les analyses ont clairement permis d'identifier des risques écotoxicologiques, ainsi qu'une double suspicion d'un caractère cancérigène et reprotoxique de catégorie 2 (CMR2). En tant que substance fluorée, la benfluraline a été listée par l'agence européenne des produits chimiques parmi les 30 substances actives phytopharmaceutiques de la famille des per- et polyfluoroalkylées (PFAS). L'interdiction de la substance a néanmoins été accompagnée d'un délai de grâce de 15 mois, porté par la France, permettant ainsi une utilisation des stocks de produits pendant une partie de la campagne. La poursuite de la campagne 2024 d'endives et de chicorées pourra être conduite avec les autorisations existantes. S'agissant de la campagne 2025, les filières ont engagé des travaux d'identification d'autres solutions de désherbage, et le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est pleinement mobilisé pour permettre que des herbicides adaptés puissent être disponibles lors de cette campagne, en complément des herbicides déjà autorisés. C'est d'ailleurs l'objectif du cycle de réunion sur les alternatives de courts termes aux produits phytosanitaires interdits lancé le 15 mars 2024. Ce travail permet notamment d'objectiver les distorsions de concurrence liées à des différences d'autorisations de mise sur le marché (AMM) entre la France et les autres États membres de l'Union européenne. Une réunion dédiée à l'endive a eu lieu le 19 avril 2024 et de premiers éléments devraient être présentés le 24 mai 2024. Par ailleurs, dans le cadre du programme national d'expérimentation (PNE), deux substances d'intérêt sont actuellement à l'étude et dans l'attente de données complémentaires : l'halauxifène-méthyl et la pendiméthaline. Ces données pourront être générées en 2024 par des essais via une convention sur le budget du PNE. Un permis d'expérimentation a d'ores et déjà été déposé à l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) pour un produit à base d'halauxifène-méthyl. Selon les éléments qui pourront être générés sur ces substances, des dérogations d'urgence pourraient être déposées par les filières endivière et de chicorée afin d'utiliser de tels produits pour la campagne 2025. En tout état de cause, ces substances présentent un profil toxicologique et écotoxicologique plus favorable que la benfluraline. Néanmoins, afin d'apporter un maximum de visibilité et de pérenniser les solutions de protection, il sera demandé à ce que les détenteurs de ces produits s'engagent à déposer auprès de l'Anses une demande d'AMM, en parallèle des demandes de dérogations. Concernant les méthodes non chimiques, les filières travaillent sur le désherbage mécanique automatisé et la pulvérisation intelligente ultra-localisée. Le désherbage des chicorées en particulier, a été recensé parmi les usages prioritaires du plan de souveraineté alimentaire pour la filière fruits et légumes. Les travaux futurs devront être de nature à pallier les conséquences de l'interdiction du Bonalan pour les filières endivière et de chicorée. À ce titre, le Gouvernement mettra à disposition tous les outils jugés nécessaires afin d'accélérer le développement et l'adoption d'alternatives. C'est tout le sens du travail mené au sein du plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures, dit PARSADA. Les filières pourront ainsi certainement profiter des avancées agronomiques et techniques prévues par l'appel à projets dédié à la gestion de l'enherbement dans les cultures légumières, qui a été ouvert en janvier 2024 dans le cadre du PARSADA.

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