Mme Ersilia Soudais alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les refus arbitraires à des demandes d'autorisation d'instruction en famille. Elle rappelle au préalable son profond attachement à ce que l'instruction se déroule de manière absolument prioritaire au sein de l'école publique, qui a pour vocation de permettre à chaque enfant du pays, sans distinction, de disposer d'une instruction commune. Elle rappelle d'ailleurs également son attachement à ce que celle-ci retrouve enfin un réel soutien de l'État pour lui permettre d'accomplir réellement ses missions intimement liées aux valeurs de fraternité et d'égalité qui fondent la République française. Pour autant et même si encore une fois, elle pense que la règle générale doit être l'instruction au sein de l'école publique, il est évident d'une part que la liberté fait elle aussi partie de la devise de la République et qu'elle est même le socle de celle-ci, et d'autre part qu'un certain nombre de situations particulières échappent à cette règle générale et conduisent en particulier à l'instruction en famille qui est, officiellement encore, reconnue comme un droit par la République. C'est pour ces raisons qu'elle dénonce les dérives arbitraires produites par la « loi confortant le respect des principes de la République », dite « loi séparatisme » et dont les effets privent de nombreuses familles de l'instruction en famille alors qu'elles en remplissaient jusqu'alors les conditions. Il faut rappeler que l'IEF, pour beaucoup d'entre elles, permet de pallier l'accueil dysfonctionnant voire inadapté d'enfants en situation de handicap, faute d'accessibilité bâtimentaire des écoles ou de personnels AESH en nombre suffisant. D'autres familles sont confrontées à des situations difficiles pour leur enfant (phobie, harcèlement, problème d'incontinence, école lointaine, troubles d'apprentissage insuffisamment pris en charge etc.) et sont contraintes par le refus d'autorisation de les (re)scolariser malgré l'absence de solutions trouvées au sein de l'éducation nationale. Se préoccupe-t-on finalement de « l'intérêt supérieur de l'enfant » ? M. Macron affirmait en décembre 2020 : « Il faut que les bonnes exceptions, qui correspondent aux situations que les gens vivent et qui correspondent à une liberté légitime, conforme aux valeurs de la République, puissent continuer à se faire ». M. Darmanin affirmait, quant à lui : « On a respecté un principe fondamental qui était celui demandé par la constitution, qui était de laisser aux parents le choix de l'instruction de leurs enfants, on n'est pas une société totalitaire ». On ne peut tenir un discours pour ensuite s'en dédire par les actes sans créer chez ses administrés une colère légitime. De plus, n'est-il pas hypocrite d'empêcher des familles de faire de l'IEF, tout en laissant pulluler les écoles privées, notamment hors contrat, et tout en favorisant dans de nombreuses villes de France des cartes scolaires séparatistes, aux antipodes de l'idéal de mixité sociale ? Elle lui demande donc ce qu'il compte mettre en œuvre pour mettre fin aux discriminations dans l'accès à l'IEF et faire respecter la liberté fondamentale du choix de l'instruction.
La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (dite loi CRPR) vise à garantir une plus grande protection des enfants et des jeunes, d'une part, en posant le principe de la scolarisation obligatoire dans un établissement scolaire public ou privé de l'ensemble des enfants soumis à l'obligation d'instruction (i.e. âgés de trois à seize ans) et, d'autre part, en substituant au régime de déclaration d'instruction dans la famille un régime d'autorisation. Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2022, il ne peut être dérogé à cette obligation de scolarisation que sur autorisation préalable délivrée par les services académiques, pour des motifs tirés de la situation de l'enfant et limitativement définis par la loi. Outre les motifs liés à l'état de santé de l'enfant ou son handicap, à la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives et à l'itinérance de la famille en France ou à l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public, figure le motif fondé sur l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif. Le Conseil d'État, dans sa décision n° 467550 du 13 décembre 2022, a indiqué que l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation d'instruction dans la famille fondée sur l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif « contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire ». Il en résulte que les responsables légaux sollicitant une autorisation d'instruction dans la famille doivent justifier que le projet éducatif est conçu en fonction de la situation propre de leur enfant, laquelle doit être étayée, et adapté à celle-ci, de telle manière que l'enfant puisse bénéficier d'un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire. Ainsi, il ne s'agit pas d'interdire sans discernement tous les dispositifs d'instruction dans la famille et de porter atteinte aux pratiques positives. La notion d'intérêt supérieur de l'enfant et le respect des droits de l'enfant, en particulier à une éducation complète, sont les critères principaux qui gouvernent l'ensemble du dispositif. S'agissant des données chiffrées relatives au nombre de refus d'autorisation, sur les 59 019 demandes d'autorisation instruites au 1er décembre 2022, 53 014 ont donné lieu à une autorisation, soit 89,8 % des demandes. Sur les 5 211 demandes instruites d'autorisations d'instruction dans la famille, effectuées au titre du motif 4°, 3 196 ont donné lieu à une autorisation, soit 61,3 % des demandes. En tout état de cause, en cas de décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille, les personnes responsables de l'enfant ont la possibilité de former un recours administratif préalable obligatoire devant une commission présidée par le recteur d'académie, laquelle est composée d'une équipe pluridisciplinaire qui pourra se prononcer aussi bien sur des aspects pédagogiques que médicaux dans l'intérêt de l'enfant. Ainsi, au 1er décembre 2022, sur les 2 775 recours administratifs préalables obligatoires instruits, 1 407 ont donné lieu à une autorisation d'instruction dans la famille, soit 50,7 % des demandes. Par conséquent, les recours administratifs préalables obligatoires représentent un levier d'harmonisation au niveau académique des décisions nées de l'instruction des demandes d'autorisation d'instruction dans la famille par les services départementaux de l'éducation nationale. Le Gouvernement entend bien garantir l'application de la loi CRPR dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant et de ses droits, notamment son droit à l'instruction. À cet égard, les services du ministère chargé de l'éducation nationale accompagnent les services académiques dans la mise en œuvre du nouveau régime d'autorisation d'instruction dans la famille en réunissant régulièrement le réseau des référents académiques, en demandant aux services déconcentrés de veiller à l'harmonisation et à la motivation des décisions prises, et de toujous maintenir le dialogue avec les familles.
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