M. Damien Maudet interpelle M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la non-application de l'article 44 de la loi « Egalim ». En 2021, l'Assemblée nationale votait le texte appelé « Egalim », dont l'article 44 énonçait : « Il est interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d'aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation. L'autorité administrative prend toutes mesures de nature à faire respecter l'interdiction prévue au premier alinéa ». Cet article devait protéger - à juste titre - les consommateurs français notamment contre la viande de bœuf dopée aux antibiotiques activateurs de croissance. En effet, si elles sont interdites en France, ces pratiques sont autorisées dans de nombreux pays dans le monde et il est essentiel de s'assurer que les bêtes élevées dans ces conditions ne puissent pas être vendues dans nos supermarchés. Pourtant, trois ans après, on attend toujours le décret. S'est-il perdu dans les services du ministère ? Non seulement M. le ministre n'agit pas pour protéger concrètement la santé des Français, mais pire, il signe des traités de libre-échange avec des pays qui autorisent ces pratiques : avec le Canada, la Nouvelle-Zélande et bientôt avec les pays du Mercosur. Pourtant, en 2020, un audit de la Commission européenne a montré de façon très claire que l'on est incapable de contrôler la provenance des bœufs importés. L'audit était réalisé au Canada, mais on peut facilement imaginer que les résultats seraient les mêmes au Brésil. En refusant de publier ce décret et d'agir concrètement pour empêcher cette viande dopée d'arriver dans les assiettes françaises, M. le ministre met en danger, non seulement la santé des consommateurs français, mais également la survie des éleveurs. Comment peut-on leur demander d'être compétitifs face à cette concurrence déloyale ? Les éleveurs ne sont pas dupes : les discours rassuristes de M. le ministre ne masquent pas l'ampleur de son inaction, voire concernant les accords de libre-échange, de son action néfaste pour l'agriculture française. Il lui demande s'il va enfin, appliquer la loi et garantir l'interdiction en France des produits ne respectant pas les normes sanitaires françaises.
Le ministère chargé de l'agriculture veille à l'application, dans un cadre juridique sécurisé et compatible avec le droit de l'Union européenne (UE), des dispositions prévues par la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous dite « loi EGALIM » inscrite au code rural et de la pêche maritime (art. L. 236-1 A), afin de garantir un haut niveau de protection sanitaire des produits mis sur le marché, quelle que soit leur origine, nationale, européenne ou de pays tiers. En particulier, le service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP) déploie un plan de surveillance des produits d'origine animale importés sur le territoire français. Il s'agit notamment de rechercher la présence éventuelle de résidus de produits chimiques et de substances interdites. De plus, un contrôle orienté ou renforcé peut être déclenché sur certains couples produits/origines, en fonction d'une analyse de risque. Les produits d'origine végétale sont, de la même façon, contrôlés par la direction générale des douanes et droits indirects du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Les préoccupations exprimées, à la fois par les producteurs et les consommateurs, ne portent pas seulement sur la qualité sanitaire des importations ; elles concernent également l'équivalence des modes de production. Ainsi, en matière de médicaments vétérinaires, c'est l'action déterminée du Gouvernement français à Bruxelles et Strasbourg qui a convaincu le législateur européen d'adopter l'article 118 du règlement (UE) n° 2019/6. Cet article établit l'interdiction d'utilisation de certains antimicrobiens ou de certains usages (promoteurs de croissance) pour les animaux élevés dans les pays tiers, dont les produits seraient importés dans l'UE. Pour que cet article entre en application de manière effective, une série d'actes secondaires devaient être élaborés et adoptés par la Commission européenne. Dans l'attente de leur publication, le Gouvernement français a tenu ses engagements et pris les mesures de sauvegarde nationales nécessaires par l'adoption de l'arrêté du 21 février 2022 portant suspension d'introduction, d'importation et de mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viande issus d'animaux provenant de pays tiers à l'UE ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement. Les arrêtés du 27 février 2023 et du 26 juin 2023 le complètent et assurent ainsi la protection des consommateurs français dans l'attente de l'applicabilité des règlements européens. La publication des règlements européens d'exécution a été régulièrement demandée par le Gouvernement français auprès de la Commission européenne et l'adoption du dernier acte d'exécution nécessaire est enfin intervenue en janvier 2024. L'interdiction de l'importation d'animaux et de produits animaux originaires de pays tiers ayant été traités avec des antimicrobiens interviendra ainsi, à l'échelle de l'UE en septembre 2026. Son application permettra d'atteindre un double objectif : sanitaire en réduisant le risque d'importation de bactéries résistantes aux antibiotiques, et économique en rétablissant des conditions de concurrence plus équitables entre les producteurs de l'UE et ceux des pays tiers. Concernant les hormones de croissance, leur usage est d'ores et déjà interdit pour les produits animaux importés. Des non-conformités (défauts de traçabilité notamment) ont effectivement été constatées par la Commission européenne, dans la filière bovine en particulier, lors d'un audit qu'elle a conduit au Canada en septembre 2019. Le Gouvernement a demandé à la Commission européenne de conduire dans les meilleurs délais un nouvel audit aux fins de vérification de la conformité des systèmes de contrôle canadiens. La Commission européenne a ainsi réalisé en septembre 2022 un second audit sur place afin d'évaluer les systèmes de contrôle régissant la production de viandes bovine et porcine destinées à l'exportation vers l'UE. Les échanges se poursuivent avec la Commission européenne sur le suivi des mesures correctives auxquelles s'est engagé le Canada pour se conformer aux recommandations formulées à l'issue de ce second audit. Le Gouvernement agit également pour interdire l'importation de produits végétaux traités avec des substances phytopharmaceutiques interdites dans l'UE en raison des risques pour la santé et pour l'environnement qu'elle entraîne. Ainsi en mars 2023, le Gouvernement a interdit l'importation de cerises traitées au phosmet. Cette interdiction d'importation a été reprise au niveau européen en septembre 2023. De même, le 23 février 2024, le Gouvernement a décidé de suspendre l'importation et la mise sur le marché national de fruits et légumes frais provenant de pays tiers, traités au thiaclopride, substance reconnue comme cancérogène et perturbateur endocrinien interdite d'usage au sein de l'UE. La réciprocité des normes sanitaires et environnementales imposées aux produits alimentaires importés est un enjeu essentiel sur lequel le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est pleinement mobilisé et qu'il porte dans les instances européennes et les forums internationaux.
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