M. Grégoire de Fournas interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les dispositions contre les prix abusivement bas de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « Egalim ». En application de la loi « Egalim », l'ordonnance n° 2019-358 du 24 avril 2019 relative à « l'action en responsabilité pour prix abusivement bas » élargit l'interdiction de céder à un prix abusivement bas aux produits agricoles et aux denrées alimentaires. Le 11 janvier 2024, un viticulteur du Médoc a été le premier producteur à engager une action en justice sur le fondement de ces dispositions prévues par la loi « Egalim ». Il a ainsi assigné devant le tribunal de commerce de Bordeaux deux négociants qu'il accuse d'avoir acheté son vin à un tarif « abusivement bas ». L'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées prise en application de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « Egalim », modifiée par l'article L. 442-4 du code du commerce, indique que l'action peut être « introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée aux articles précités ». Par ailleurs, il est prévu que « le ministre chargé de l'économie ou le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées aux articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8. Ils peuvent également, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indument obtenus, dès lors que les victimes de ces pratiques sont informées, par tous moyens, de l'introduction de cette action en justice » et « peuvent également demander le prononcé d'une amende civile ». Alors que la question des revenus des agriculteurs n'a jamais été aussi cruciale et que ce procès soulève pour la première fois le dispositif visant à lutter contre les prix abusivement bas prévus par la loi « Egalim », il lui demande les raisons de l'absence de son ministère devant le tribunal de commerce de Bordeaux le 11 janvier 2024.
Le fait pour un acheteur de produits agricoles de faire pratiquer à son fournisseur des prix abusivement bas est prohibé par l'article L. 442-7 du code de commerce. Le caractère abusivement bas du prix s'apprécie, en application des dispositions de cet article, au regard des indicateurs de coûts de production mentionnés aux articles L. 631-24, L. 631-24-1, L. 631-24-3 et L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime ou, le cas échéant, de tous autres indicateurs disponibles dont ceux établis par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires mentionné à l'article L. 682-1 du même code. Dans le cas d'une première cession, il est également tenu compte des indicateurs figurant dans la proposition de contrat émise par le producteur agricole. Le non-respect de ces dispositions est passible de sanctions civiles. Les services chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont amenés à réaliser une enquête lorsque les signalements reçus en matière de prix abusivement bas sont suffisamment précis. Toutefois, les enquêtes menées jusqu'à présent n'ont pas permis de caractériser un non-respect des dispositions de l'article L. 442-7 du code de commerce sur les prix abusivement bas. En effet, le prix abusivement s'appréciant dans les conditions prévues par l'article susvisé, il ne peut être analysé au regard des coûts de production d'une exploitation déterminée qui s'estimerait victime d'un tel prix, mais au regard des seuls indicateurs évoqués plus haut. Or, dans la très grande majorité des cas analysés à ce jour, les prix pratiqués par les fournisseurs ne sont pas apparus abusivement bas au regard des indicateurs mentionnés à l'article susvisé ainsi que des prix du marché. Dans la mesure où, hormis dans le secteur du lait, les opérateurs restent réticents à la contractualisation écrite, il n'a par ailleurs jamais été possible d'apprécier le prix pratiqué au regard des indicateurs figurant dans la proposition de contrat émanant du producteur, de telles propositions n'existant pas. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a à cet égard annoncé plusieurs mesures d'injonction mises en œuvre par la direction générale de la concurence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et visant de premiers acheteurs de produits agricoles ayant un fort pouvoir de marché afin que l'obligation de contractualisation écrite soit mieux respectée. En outre, pour caractériser la pratique, il ne suffit pas de démontrer que la vente s'est faite à un prix qui serait abusivement bas par rapport aux indicateurs mentionnés par la législation, il est au surplus nécessaire de prouver que c'est bien l'acheteur qui a contraint son fournisseur à pratiquer ce prix, dans le cadre d'une relation commerciale déséquilibrée. En effet, la législation française n'interdit pas à un producteur ou à un transformateur de vendre à perte (cela peut même, le cas échéant s'avérer utile notamment en cas de surproduction, ou dans le cadre d'opérations dites de dégagement). Seule la revente à perte d'un produit en l'état est en effet pénalement réprimée par l'article L. 442-5 du code de commerce. Ainsi, les services chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes doivent être en mesure de recueillir des éléments matériels suffisants permettant d'aboutir à la caractérisation d'un délit civil de pratique de prix abusivement bas pour que des conclusions en intervention puissent être déposées au nom du ministre, notamment dans le cadre d'une action intentée par un vendeur à l'encontre de son acheteur. En l'absence d'éléments suffisamment probants concernant la contrainte exercée par l'acheteur, les services du ministère ne sont donc pas en mesure d'intervenir sur la base des dispositions de l'article L. 442-7 du code de commerce. Au-delà de cette difficulté juridique relativement à la mise en œuvre des dispositions sur les prix abusivement bas, le secteur viticole du Médoc évoqué par le parlementaire connaît effectivement une crise structurelle due à une production supérieure à la demande, celle-ci étant en baisse depuis plusieurs années. Pour faire face à cette situation, le Gouvernement a mis en place un fonds d'urgence de 80 M€ pour soutenir nos viticulteurs qui connaissent des difficultés de trésorerie générées par de nombreux aléas. Le dispositif cadré au niveau national de façon générale a été mis en œuvre rapidement, sous la responsabilité des préfets des départements des bassins viticoles en crise. Il est d'ores et déjà déployé, avec une ouverture des demandes en préfecture dès le lundi 5 février 2024, et des premiers paiements avant le salon international de l'agriculture. Un appui structurel de l'État à hauteur de 150 M€ a également été décidé, en complément des crédits du programme national vitivinicole (OCM) pour mettre en œuvre une restructuration différée, comprenant une option d'arrachage « sans replantation » en vue d'une diversification agricole, tout en assurant la continuité des autres actions du programme national d'aide. Cela permettra aux viticulteurs qui se décideraient à se retirer de la production vitivinicole de rester dans l'activité agricole et d'investir dans d'autres productions agricoles, adaptées aux territoires et à leur climat.
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