Mme Murielle Lepvraud interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la dérégulation de nouveaux organismes génétiquement modifiés (OGM). Depuis 2001, la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement est encadrée par une directive européenne. Les plantes issues de techniques de mutagenèse répondent à un suivi particulier en matière d'évaluation des risques, de traçabilité et d'étiquetage. Ces conditions de contrôle particulières sont des pis-aller afin de protéger la santé des consommateurs, de l'environnement et des agriculteurs tout particulièrement exposés. Alors même que les agriculteurs manifestent pour des conditions de travail plus dignes, les libéraux, la droite et l'extrême droite prévoient pourtant de contourner ces règles et de briser le principe de précaution qui les protège. En effet, cette semaine, les députés européens se prononcent sur un règlement facilitant à l'extrême la délivrance d'autorisations de mise sur le marché pour les végétaux obtenus grâce aux nouvelles techniques d'édition du génome (NTG). Sous prétexte que les mutations perpétrées par les NTG peuvent survenir naturellement, les végétaux qui en seraient issus ne feraient l'objet d'aucune évaluation des risques. Pourtant, il s'agit bel et bien d'OGM et les organismes scientifiques tels que le Comité consultatif commun d'éthique INRAE-Cirad-Ifremer-IRD, le Cese, le Comité consultatif national d'éthique ou bien encore l'Anses expliquent qu'il est impossible de garantir à moyen et long terme que les NTG n'engendrent aucun risque. Par ailleurs, du fait de la pollinisation et de la dissémination des graines, les cultures OGM pourraient contaminer les exploitations vertueuses, notamment d'agriculture biologique, qui font la fierté du système agricole français. S'il était adopté, le règlement européen ruinerait ainsi le travail des paysans qui s'efforcent d'améliorer leurs pratiques malgré les difficultés. Dans un contexte où la colère du monde paysan s'exprime envers les marges démesurées de la grande distribution, la concurrence internationale déloyale et l'accaparement des terres, elle lui demande si le Gouvernement aura le courage d'intervenir pour obtenir le rejet de ce règlement inique.
Le Conseil de l'Union européenne (UE) a demandé à la Commission européenne de conduire une étude sur le statut des nouvelles techniques génomiques (NGT) dans le droit de l'UE, à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice de l'UE du 25 juillet 2018 sur la mutagenèse. L'étude de la Commission européenne, publiée le 29 avril 2021, montre que la réglementation européenne relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM) n'est pas adaptée à certaines NGT ainsi qu'à leurs produits et qu'il est donc nécessaire de l'adapter aux progrès scientifiques et technologiques. Après une étude d'impact, la Commission européenne a présenté le 5 juillet 2023 un projet de règlement visant à adapter la réglementation pour les plantes issues de certaines NGT, ne contenant pas de gènes étrangers provenant d'espèces incompatibles. La Commission européenne propose de distinguer deux catégories de plantes NGT, selon la nature et l'ampleur des modifications génétiques apportées, et prévoit une procédure réglementaire adaptée à chacune de ces catégories. Il n'est pas envisagé de modifier l'encadrement réglementaire applicable aux OGM issus de transgénèse. L'objectif de cette initiative est d'aboutir à une réglementation proportionnée pour ces plantes, et d'adapter les procédures d'autorisation et d'évaluation des risques ainsi que les exigences de traçabilité et d'étiquetage, tout en maintenant un haut niveau de protection de la santé et de l'environnement et en tirant parti des bénéfices de l'innovation pour contribuer aux objectifs des stratégies pacte vert, « De la ferme à la table » et biodiversité. Les nouvelles techniques de sélection accélérée peuvent constituer un outil intéressant, parmi d'autres, pour accompagner la transition écologique, mais aussi l'adaptation des agricultures au changement climatique. Pour la France, il est essentiel de disposer d'un cadre réglementaire adapté à ces NGT, qui garantisse une maîtrise des risques pour la santé humaine et l'environnement, au service d'une agriculture plus durable. Il s'agit d'un enjeu de souveraineté alimentaire, autant que de transition écologique, dans un contexte où l'UE ne doit pas se priver des progrès que la création de nouvelles variétés peut apporter pour atteindre ses objectifs. La France soutient une approche en deux catégories de végétaux NGT incluant une catégorie 1 de plantes semblables aux plantes conventionnelles. La France soutient également les dispositions prévues pour la catégorie 1 concernant l'étiquetage des semences et l'exclusion en agriculture biologique. La traçabilité et l'étiquetage au niveau des semences permettront aux agriculteurs de la filière biologique ou d'autres filières qui souhaiteraient mettre en avant l'absence de NGT d'éviter les NGT au stade de la culture et de mettre en place une traçabilité documentaire tout au long de la chaîne de production. Une telle traçabilité documentaire est déjà requise dans le cadre de la réglementation sur l'agriculture biologique. Des améliorations ont été apportées au texte au cours des négociations sur des points importants pour la France, comme l'exclusion des plantes NGT tolérantes aux herbicides de la catégorie 1, la possibilité d'interdire la culture sur le territoire national (opt-out) pour la catégorie 2 ou le nouvel article sur les brevets prévoyant une étude de la Commission européenne pour 2025. La question des brevets a fait l'objet d'une attention particulière des États membres. Il s'agit de préserver l'équilibre de la filière semences et de protéger les petits obtenteurs. À la demande de certains États membres, dont la France, le calendrier de remise de l'étude de la Commission européenne, initialement prévu pour 2026, a été avancé à 2025, avant l'entrée en application du règlement NGT, prévue 2 ans après son adoption. La Commission européenne devra également, compte tenu des résultats de l'étude, fournir des informations sur les mesures de suivi ou, le cas échéant, présenter une proposition législative. De plus, il est prévu de mettre en place un groupe d'experts chargé de suivre les effets de la réglementation des brevets et de sa mise en œuvre. Lors du Conseil du 11 décembre 2023, la France a rappelé son soutien à l'initiative réglementaire mais a considéré que le texte pourrait encore être amélioré sur certains points, comme la prise en compte de la durabilité ou la prise en compte des connaissances scientifiques pour faire évoluer les critères d'équivalence de la catégorie 1 et s'assurer de leur robustesse. Cette position a été maintenue lors de la réunion du comité des représentants permanents des Gouvernements des États membres de l'UE du 7 février 2024. Le Parlement européen a adopté le 7 février 2024 sa position sur le projet de règlement, en vue des négociations avec les États membres sur la proposition de la Commission européenne. Les négociations sont toujours en cours dans le cadre du Conseil. Un accord à la majorité qualifiée (55 % des États membres représentant au moins 65 % de la population totale de l'UE) sur le texte est nécessaire pour que des discussions puissent être engagées avec le Parlement européen. La France souhaite que les négociations puissent se poursuivre pour pouvoir adopter au plus vite un cadre réglementaire européen adapté et sécurisé qui permettra de mieux accompagner les agriculteurs dans leurs transitions.
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