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Cécile Untermaier
Question N° 1455 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 27 septembre 2022

Mme Cécile Untermaier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conséquences de la méthanisation industrielle. Le principe initial de la méthanisation, processus biologique permettant de produire du biogaz à partir de biodéchets, présente plusieurs atouts : énergétique, par la valorisation du biogaz sous forme d'électricité, de chaleur, de biométhane ou de biocarburant, une meilleure gestion des déchets en valorisant la matière organique et en réduisant la mise en décharge, climatique avec une diminution des gaz à effet de serre par captation de méthane et agricole grâce à un complément de revenu pour l'agriculteur. Afin de garantir le caractère vertueux de la méthanisation, l'article L. 541-39 du code de l'environnement ainsi que le décret n° 2016-929 du 7 juillet 2016 limitent à 15 % l'approvisionnement des méthaniseurs par des cultures alimentaires. Cette mesure prévoit toutefois trois dérogations. Il est possible de dépasser cette proportion pour une année donnée si elle a été inférieure en moyenne sur les trois dernières années. Par ailleurs, les volumes d'intrants issus de prairies permanentes et de cultures intermédiaires à vocation énergétique ne sont pas pris en compte dans la limite de 15 %. Enfin, le taux maximal peut être dépassé pour des cultures alimentaires ou énergétiques provenant de zones reconnues contaminées, notamment par des métaux lourds, définies par arrêté préfectoral. Malgré cet encadrement, la méthanisation est de moins en moins vertueuse et de plus en plus industrielle, à raison de sa rentabilité, posant ainsi de nombreux problèmes, entrepreneuriaux, agricoles et écologiques. De manière croissante, des investisseurs accaparent de grandes surfaces terres pour développer une activité à échelle industrielle au détriment des petites fermes qui n'ont alors plus accès au foncier, voyant le prix des fermages exploser, risquant de faire disparaître les petites entreprises agricoles. De même, alors que le concept de départ prévoyait que les agriculteurs transforment sur place leurs résidus agricoles en énergie, les installations industrielles utilisent comme ressource première, des cultures alimentaires, spécifiquement cultivées pour la méthanisation. Il est à redouter que ce type production de biométhane se fasse aux dépens des autres activités agricoles, comme l'élevage ou la culture à des fins alimentaires. Enfin, le maïs, qui offre le meilleur rendement de gaz lors de sa fermentation dans les bio-digesteurs, est privilégié, transformant des territoires entiers en monocultures de maïs. Pourtant cette céréale est très demandeuse en eau, ressource naturelle qui est donc massivement utilisée pour produire du biogaz, alors que cette activité répond à l'origine à des fins écologiques. En Allemagne en 2011, le pays comptait 700 000 hectares de maïs cultivés pour le biogaz, c'est un million d'hectares en 2018. Des alternatives plus respectueuses de l'environnement comme le sorgho, céréale peu demandeuse en eau, pourraient être privilégiées. Aussi, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer d'une part la nature et la fréquence des contrôles relatifs à l'approvisionnement des méthaniseurs par des cultures alimentaires et d'autre part, les mesures que compte prendre le Gouvernement pour encadrer l'activité de méthanisation et notamment l'accès au foncier et l'utilisation de méthodes peu respectueuses de l'environnement.

Réponse émise le 28 février 2023

La méthanisation agricole contribue activement à la politique nationale de développement des énergies renouvelables, tout en assurant un complément de revenus pour les agriculteurs. La question de l'approvisionnement des installations de méthanisation a été identifiée comme fondamentale pour éviter la concurrence de la production d'énergie à partir de biomasse avec les usages alimentaires, à la fois en ce qui concerne les productions elles-mêmes, mais aussi les surfaces agricoles. Il s'agit d'encourager un modèle de méthanisation basé sur l'économie circulaire et la transition agro-écologique, valorisant en priorité des effluents d'élevage selon les objectifs fixés par le plan énergie méthanisation autonomie azote (EMAA). Aussi, cette question a été prise en compte dès l'élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit à son article 112 que : « Les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peuvent être approvisionnées par des cultures alimentaires dans la limite de seuils définis par décret. Les résidus de cultures associés à ces cultures alimentaires et les cultures intermédiaires à vocation énergétique sont autorisées ». Le décret n° 2016-929 du 7 juillet 2016 initialement pris pour l'application de cet article a été publié le 8 juillet 2016, après une concertation approfondie avec les parties prenantes. Ce décret a été modifié au mois d'août 2022, par le décret n° 2022-1120 du 4 août 2022 relatif aux cultures utilisées pour la production de biogaz et de biocarburants. Ce nouveau décret maintient un plafond maximal de 15 % en tonnage brut des intrants pour l'approvisionnement des installations de méthanisation par des cultures, alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale ; il permet de clarifier les définitions et de renforcer l'encadrement de l'utilisation de cultures alimentaires. En ce qui concerne la filière de la cogénération, dans le cadre de l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les conditions d'achat pour l'électricité produite par les installations utilisant à titre principal le biogaz produit par méthanisation de déchets non dangereux et de matière végétale brute implantées sur le territoire métropolitain continental d'une puissance installée strictement inférieure à 500 kilowatts telles que visées au 4° de l'article D. 314-15 du code de l'énergie, il est prévu à l'annexe II, paragraphe II, « Prescriptions relatives à l'approvisionnement de l'installation et de l'unité de méthanisation amont en cultures », une prime « Pef » uniquement fonction de la proportion d'effluents d'élevage utilisés comme intrants de l'installation (la prime « Pef » étant maximale pour une proportion d'effluents d'élevage supérieure à 60 %). Il est également prévu que le producteur doit transmettre, avant le 15 février de chaque nouvelle année, au préfet de la région d'implantation de l'installation, un rapport dans lequel il explicite la nature et la proportion des cultures utilisées en intrants sur les trois dernières années de fonctionnement de l'installation, et qu'en cas de dépassement du seuil de 15 % en moyenne sur trois ans, le préfet en informe le cocontractant concerné qui procède à la régularisation de la rémunération versée au titre de l'année écoulée, le tarif de cette année étant diminué de deux fois le dépassement observé. Le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables prévoit, à son article 77, que les installations de biogaz par méthanisation produit exclusivement à partir d'effluents d'élevage bénéficient d'un régime de soutien complémentaire dans les conditions déterminées par la programmation pluriannelle de l'énergie, mentionnée à l'article L. 141-1 du code de l'énergie, publiée à compter de la promulgation de la loi. En ce qui concerne la filière biométhane, les dispositions d'obligation d'achat du biométhane ont été modifiées par l'arrêté du 23 novembre 2020 fixant les conditions d'achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel : la prime « p2 » jusque-là existante pour la valorisation en méthanisation de produits issus de cultures intermédiaires et des déchets ou résidus provenant de l'agriculture, de la sylviculture, de l'industrie agroalimentaire ou des autres agro-industries, a été remplacée par une prime « Pef » uniquement fonction de la proportion d'effluents d'élevage utilisés comme intrants de l'installation (la prime « Pef » étant maximale pour une proportion d'effluents d'élevage supérieure à 60 %, comme pour la filière de la cogénération).

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