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Alexis Jolly
Question N° 14120 au Ministère des ministère de l’Europe et des affaires étrangères


Question soumise le 26 décembre 2023

M. Alexis Jolly interroge Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation politique interne en Russie. La candidature de Vladimir Poutine à la prochaine élection présidentielle russe de mars 2024 est un tournant de la stratégie médiatique accompagnant la guerre en Ukraine. Après 18 mois d'enlisement, les forces russes semblent reprendre du terrain à la faveur du blocage de l'aide financière américaine par le parti républicain de Donald Trump. Le journal La Dépêche, dans un article en date du 14 décembre 2023, évoque « les victoires militaires, (la) santé de fer, (l')économie et (la) diplomatie solidifiées » de la Russie, soulignant que « tout a souri à Poutine en 2023 ». Devant ce revirement de la situation politique en Russie, suite au putsch raté de Wagner et devant la résilience de l'économie russe vis-à-vis des sanctions imposées par l'Union européenne, le rapport de force semble s'inverser et Vladimir Poutine arrive en position favorable pour la présidentielle. Il souhaite savoir comment elle analyse ce changement des rapports de force et les perspectives politiques internes pour la société russe.

Réponse émise le 30 avril 2024

Sur le plan militaire, les gains limités de la contre-offensive ukrainienne en 2023 ne doivent pas nous faire perdre de vue l'échec stratégique global de la guerre d'agression russe en Ukraine. L'Ukraine a déjà récupéré plus de la moitié des territoires conquis par la Russie lors de l'invasion de février 2022, et l'armée russe, malgré ses tentatives répétées, ne parvient pas à progresser de manière substantielle, et reste loin des buts de guerre affichés par le Kremlin. Au cours de l'année écoulée, les Ukrainiens ont, par ailleurs, remporté des succès marquants en Crimée et en mer Noire, parvenant à rétablir une capacité d'exportation maritime et à contraindre la flotte russe à se retirer de la partie occidentale de la mer Noire. Surtout, la guerre a eu pour effet d'accélérer le rapprochement entre l'Ukraine et l'Union européenne (UE), comme le montre la récente décision du Conseil européen en décembre dernier d'ouvrir les négociations d'adhésion du pays à l'UE, à rebours de ce que souhaitait la Russie. L'agression russe a eu pour effet de renforcer la solidarité européenne et transatlantique en défense de nos intérêts et de nos valeurs. Les accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité de l'Ukraine que négocient les désormais 31 pays signataires de la déclaration de Vilnius avec l'Ukraine sont la preuve de notre engagement collectif à soutenir Kiev dans la durée. La France a signé son accord bilatéral le 16 février 2024. S'agissant de l'économie russe, l'hypertrophie du secteur de la défense a pour effet de déséquilibrer la structure d'ensemble de l'économie, au détriment des secteurs porteurs de croissance à long terme (recherche et innovation, éducation, santé). Malgré le volontarisme affiché par les autorités, les signes de fragilité persistent et se renforcent : nouvelle hausse du taux directeur de la banque centrale russe à 16 % le 15 décembre 2023, bulle immobilière alimentée par le crédit, inflation à 7 %, dépréciation du rouble, etc. Enfin, le capital humain se dégrade rapidement du fait de la mobilisation militaire, de l'émigration massive de la main-d'œuvre qualifiée voire très qualifiée et de la baisse tendancielle de la natalité, ce qui pèse sur la croissance potentielle russe. Par ailleurs, la politique de sanctions affecte la capacité du complexe militaro-industriel russe à se fournir en technologies critiques. La France continue de travailler avec ses partenaires à renforcer la lutte contre le contournement des sanctions, y compris de la part de pays tiers, notamment dans le cadre des 12e et 13e paquets de sanctions de l'UE. Sur le plan diplomatique, malgré son activisme, la Russie continue de payer les conséquences de son invasion de l'Ukraine, condamnée à plusieurs reprises par l'Assemblée générale des Nations unies. Elle a récemment essuyé des revers aux Nations unies : échec à obtenir un siège au Conseil des droits de l'Homme et à être réélue au sein du conseil exécutif de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques ou à l'Organisation maritime internationale.

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