Mme Sarah Legrain alerte Mme la ministre de la culture sur la situation économique et l'avenir des écoles d'art territoriales. Le 24 novembre, par voie de presse, l'ensemble des équipes administratives et techniques et des étudiantes et étudiants de l'Ecole Média Art (EMA) de Chalon-sur-Saône ont découvert les menaces qui pèsent sur l'avenir de leur école. Dès le mois de septembre prochain, l'enseignement supérieur de l'école sera fermé, "avec des solutions qui pourraient même intervenir dans les semaines à venir". Une annonce réalisée par le président de la communauté d'agglomération du Grand Chalon, également président du conseil d'administration de l'école. Deux mois plus tôt, faute de financements suffisants accordés par la mairie, nous apprenions que l'école d'art de Valenciennes, l'ESAD, était également menacée de fermeture en 2025. Ces deux situations n'ont rien d'isolé mais rejoignent les alertes lancées par l'ensemble des 33 écoles d'art territoriales, à travers un regroupement inter-organisationnel de syndicats et de collectifs, constitué sous le nom "Ecoles d'art et design en lutte". Elles se mobilisent face au constat général de la dégradation générale des conditions d'études et de travail. Les organisations Snéad-CGT, STAA, SUD Collectivités Territoriales, SNAP-CGT, La Buse, Les Mots De Trop, Économie Solidaire de l'Art et Le Massicot alertent tous sur la situation de ces écoles, fragilisées par une crise présentée comme conjoncturelle, devenue structurelle. Inflation, augmentation du prix de l'énergie, gaspillage énergétique lié aux bâtiments passoires thermiques, augmentation du point d'indice des fonctionnaires, sont autant de raisons expliquant des coûts de fonctionnement en hausse. Et face à ces difficultés, le double désengagement de l'Etat et des collectivités territoriales a aggravé leur équilibre financier, entraînant leur asphyxie progressive. Dans ce contexte, les écoles d'art territoriales craignent de disparaître progressivement. Le désintérêt flagrant du ministère de la culture a des conséquences importantes. D'abord sur ces élèves, ayant peur pour leur avenir. Ils ont engagé des frais pour financer leurs études, ont passé le concours sans avoir été avertis des risques pesant sur l'avenir de l'école, et risquent de se retrouver sans diplôme après une ou plusieurs années d'études. Ensuite, sur le personnel de l'école et leurs emplois : des changements d'affectations pour les titulaires, des licenciements ou des non-reconductions sont à prévoir et nous ignorons quand ces bouleversements dramatiques auront lieu d'ici septembre. Enfin, ces fermetures menacent la démocratisation et la diversité culturelle, mettant fin à un maillage territorial important. L'annonce de la fermeture de l'EMA à Chalon-sur-Saône a été justifiée par un avis réservé du Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, mettant en péril l'accréditation du diplôme de l'école. Or, les syndicats expliquent unanimement que l'accréditation du diplôme n'a pas encore été tranchée, laissant penser que l'empressement du président du Grand Chalon cache en réalité sa responsabilité et sa volonté propre de mettre fin à l'enseignement supérieur de l'EMA. Elle souhaiterait donc savoir si Mme la ministre engagera une discussion avec le président du Grand Chalon pour revenir sur cette décision et sauver cette école, élément moteur de son territoire, mais aussi connaître les mesures qu'elle propose pour éviter d'autres annonces de fermetures imminentes faute de financements suffisants et ainsi préserver la diversité culturelle.
Le ministère de la culture et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche n'envisagent pas de reconduire l'accréditation de l'École EMA Fructidor à délivrer le diplôme national d'art (DNA). En effet, l'évaluation par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) de l'École et du DNA pointe de très nombreuses faiblesses sur les plans juridique, financier, pédagogique et de gouvernance : le statut juridique actuel ne lui offre pas d'autonomie en matière pédagogique et le corps enseignant ne correspond pas aux critères de délivrance de diplômes d'enseignement supérieur. La direction a été vacante pendant longtemps. Se sont succédé des directions par intérim qui ne peuvent assurer la stabilité pourtant nécessaire à la consolidation de cette École ; le DNA, option média, qui a pu représenter à son ouverture une originalité, peine aujourd'hui à s'individualiser (à l'objet médias se sont ajoutés le numérique et les arts de la scène et du spectacle). L'offre de formation manque de lisibilité et ne se différencie pas assez nettement de celle des deux autres écoles régionales ; la formation manque d'attractivité, comme le montrent le nombre d'étudiants en baisse, la proportion d'étudiants qui n'achèvent pas leurs trois années de formation à Chalon et l'important taux d'échec ; la gouvernance est déficiente : le conseil de perfectionnement est inexistant ; les outils de pilotage (évaluation des enseignements, suivi des étudiants et de leur insertion professionnelle) n'ont pas été mis en place. Tous ces éléments attestent que la formation proposée en DNA ne répond pas aux attendus du grade de licence. L'avis conjoint des deux ministères, rédigé en 2018 lors de l'obtention du grade de licence pour le DNA, pointait pratiquement les mêmes faiblesses et contenait des recommandations fortes sur lesquelles l'École devait intervenir pour le renouvellement de l'accréditation du DNA en 2023. Ces recommandations portaient notamment sur le suivi des étudiants et l'accompagnement de leur insertion professionnelle ; sur la nécessité d'une pédagogie appuyée sur la recherche ; sur la gouvernance (changement de statut, mise en place d'instances comme le conseil de perfectionnement) et sur le recrutement d'une direction pérenne pour mettre fin aux situations d'intérim. La direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle et la direction générale de la création artistique ne peuvent que constater l'absence d'une réelle mise en œuvre des préconisations d'alors et, de ce fait, d'une situation qui ne s'est guère améliorée. Le projet évalué par l'HCERES, s'il est plus cohérent dans la description d'un futur DNA rénové, n'offre toutefois pas de garantie suffisante. La soutenabilité financière n'est pas assurée, en lien avec le statut de l'établissement. En outre, les dispositifs de pilotage et de suivis des étudiants restent insuffisamment étoffés, tout comme la prise en compte de l'écosystème régional (autres écoles d'arts, Universités) et l'adossement à la recherche. Au vu de l'évaluation de l'HCERES et de l'instruction conjointe des ministères chargés de l'enseignement supérieur et de la culture, le renouvellement de l'accréditation pour le DNA option média de l'EMA Chalon ne peut être proposé. Les cohortes actuelles d'étudiants présents dans l'École pourront achever leur diplôme, mais aucun recrutement ne sera réalisé sur le DNA pour la rentrée 2024. Il appartient désormais à la collectivité du Grand Chalon de rechercher une alternative à une accréditation qui ne peut pas être accordée en l'état, par exemple en envisageant : d'intégrer une classe préparatoire aux concours d'entrée dans les écoles supérieures d'art du ministère de la culture à des enseignements amateurs ; de poursuivre la délivrance d'un DNA dans le cadre d'un partenariat avec une autre école supérieure régionale ; de délivrer un diplôme d'établissement ; de recentrer l'activité de l'école sur la pratique amateur.
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