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Christine Pires Beaune
Question N° 13970 au Ministère du ministère de l’économie


Question soumise le 19 décembre 2023

Mme Christine Pires Beaune appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la prolifération des logiciels de caisses permissifs auto-attestés qui occupent une place centrale dans les pratiques courantes de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). En l'état actuel, une entreprise peut effectuer ses opérations de caisse sur le logiciel de son choix à condition que ce dernier ait fait l'objet soit d'une certification délivrée par un organisme accrédité, soit d'une attestation individuelle délivrée par l'éditeur du logiciel lui-même. Ce dernier peut effectivement choisir entre l'intervention d'un tiers impartial ou simplement signer une déclaration indiquant que le logiciel est conforme aux critères fixés par la loi permettant d'empêcher la fraude - sans autre forme de vérification. Dans les faits, l'auto-attestation des éditeurs de logiciels pose un nombre important de problèmes. Il s'agit, d'abord, d'un travail supplémentaire et extrêmement complexe de vérification de la conformité des logiciels par l'administration fiscale lorsque celle-ci opère des contrôles sur des entreprises en particulier. Ce contrôle supplémentaire est en pratique techniquement difficile et ne peut être que partiel - lorsqu'il a bien lieu - étant donné les moyens de l'administration. En l'absence de contrôle effectif et dans un système purement déclaratif, les entreprises ont donc accès à des fonctionnalités qui permettent le détournement des recettes et la fraude TVA, sans réelle crainte non plus pour les éditeurs d'être mis en défaut sur leur fausse attestation. Par ailleurs, les logiciels permissifs déploient sans cesse des failles inédites difficilement repérables par l'administration. Ces logiciels concourent donc à rendre aisée et même attractive la fraude à la TVA. Enfin, l'encadrement légal actuel contribue à une situation ubuesque où les éditeurs, afin de satisfaire la demande d'entreprises frauduleuses, se livrent à une compétition en concourant à rendre plus permissifs leurs logiciels. Ceux qui sont certifiés par un tiers agréé perdent des clients au profit de ceux qui ne font l'objet d'aucun contrôle portant sur les qualités intrinsèques du logiciel. L'INSEE évalue (2022) le manque à gagner fiscal imputable à la fraude à la TVA entre 20 et 25 milliards d'euros par an et la Cour des comptes chiffre (2023) le manque à 25 milliards. Mettre fin à la prolifération des logiciels de caisse auto-attestés par les éditeurs eux-mêmes améliorerait, sans aucun coût pour la puissance publique, l'efficacité des contrôles des services de l'administration fiscale et engendrerait un gain significatif de recettes, notamment pour assurer l'effectivité de la lutte contre la fraude dans le cadre de la réforme de la facturation électronique pour les flux de caisse. Au vu de cette situation, elle lui demande si le Gouvernement entend mettre un terme à la capacité d'auto-attestation des logiciels, ce qui, en ne concernant que très peu d'acteurs, permettra d'avoir un impact systémique majeur sur les recettes de TVA de l'État et la concurrence loyale entre les acteurs économiques ; et si oui, alors dans quel délai.

Réponse émise le 27 février 2024

L'article 88 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finance pour 2016, portant l'obligation d'utiliser un logiciel ou un système de caisse sécurisé à compter du 1er janvier 2018, prévoit depuis sa création la possibilité de recourir soit à l'auto-attestation par l'éditeur de la solution soit à la certification par un organisme tiers. En premier lieu, aucun élément actuellement connu de l'administration ne permet de confirmer que les logiciels faisant l'objet d'une auto-attestation de l'éditeur seraient plus permissifs et à l'origine d'un plus grand nombre de fraudes que les logiciels faisant l'objet d'une certification par un organisme agréé. Par ailleurs, la déclaration de conformité aux critères fixés par la loi, que l'éditeur optant pour l'auto-attestation communique à son client, engage sa responsabilité. L'établissement d'un faux document est un délit pénal passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. De plus, l'article 1770 undecies du code général des impôts prévoit une amende fiscale égale à 15 % du chiffre d'affaires provenant de la commercialisation de dispositifs frauduleux et la solidarité de paiement des droits mis à la charge de l'utilisateur. L'application de ces sanctions, depuis l'entrée en vigueur du dispositif, a généré à ce stade près de 1,6 million d'euros d'amende répartis sur une quarantaine de dossiers. Enfin, la certification par un tiers ne constitue pas non plus à elle seule une garantie contre la permissivité des logiciels et le surcoût lié à la généralisation de la certification par un organisme agréé impacterait tant le prix des logiciels acquis par les commerçants que le prix de vente au consommateur final.

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