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Mathilde Hignet
Question N° 13853 au Ministère du ministère du travail


Question soumise le 19 décembre 2023

Mme Mathilde Hignet appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la sanction déguisée envers Caroline Brémaud, ancienne cheffe de service des urgences à l'hôpital de Laval, pour avoir dénoncé la dégradation de l'hôpital public. « Je ferais honte à mon serment si je ne dénonçais pas la dégradation de notre système de santé. Dans mon serment, le premier devoir que j'ai est au regard des enjeux sociaux », rappelle avec justesse Caroline Brémaud, ancienne cheffe de service des urgences à l'hôpital de Laval. Alors que 70 % des structures mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR) n'ont pas pu fonctionner en continu l'été 2023 sur le territoire, alors que près d'un service d'urgences sur deux a fermé au moins une fois pendant les mois de juillet et août, alors que les patients cumulent les nuits sur des brancards faute de lits, Caroline Brémaud a fait honneur à son serment. Elle a dénoncé les conditions de travail et d'accueil indécentes dans les hôpitaux du pays et semble aujourd'hui victime de sanction déguisée pour avoir parlé. Le 7 novembre 2023, elle a été convoquée à une réunion prévue depuis plusieurs jours, lors de laquelle est annoncée la mise en place du rapport Savary. « Ce rapport a été fait en octobre 2021, entre temps il y a eu la mise en place et la généralisation de la régulation et l'obligation d'appeler le 15 avant de se présenter aux urgences, donc l'application de ces directives deux ans après sont hors sol », souligne Caroline Brémaud. Non seulement l'agence régionale de santé (ARS) ne tient pas compte des changements de ces derniers mois, pire elle semble n'appliquer que ce qui l'arrange dans le cas de Caroline Brémaud. Alors que jusqu'ici chaque service avait son propre chef, le rapport préconise désormais de n'avoir qu'un seul médecin chef, relevant à la fois des urgences et du SAMU. Un deuxième point que, cette fois-ci, l'ARS ne semble pas avoir jugé nécessaire d'appliquer. « La personne choisie pour me remplacer comme unique médecin coordinateur ne répond pas à ces critères, l'ARS ne semble appliquer que ce qui les arrange dans ce rapport, c'est une façon déguisée de me mettre de côté », dénonce Caroline Brémaud. Confirmation quelques jours plus tard d'un responsable de l'hôpital : « La mission était de vous évincer » lui a-t-il confié. « Ma communication de cet été aurait déplu. J'ai dénoncé la situation locale, notamment la non-prise en charge SOS AVC, mais aussi la situation au niveau national avec la dégradation de notre service public », raconte Caroline Brémaud. Elle n'est pas la seule dans ce cas-là, les témoignages de soignants à bout de souffle s'accumulent tristement. « C'est accablant. On touche à l'urgence vitale, il y a une mise en danger de la santé des Français. », selon Marc Noizet, président SAMU-Urgences de France ; « Malheureusement, actuellement, nous ne misons plus sur la qualité des soins et la sécurité en pâtit », selon Agnès Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d'urgence (SFMU) et cheffe de Service du SAMU-SMUR-SAU 95 ; « Même si je dois en perdre mon poste, j'en peux plus, je ne peux plus me taire. On est dans une situation de guerre permanente », selon un médecin urgentiste de Strasbourg. Ce n'est pas la première fois qu'un médecin parle et se retrouve évincé de son poste dans le pays pourtant démocratique. « Après avoir été démise de mes fonctions j'ai reçu de nombreux messages d'autres médecins qui ont vécu la même chose, dans quel monde on vit ? », se questionne à juste titre Caroline Brémaud. Doivent-ils continuer à subir en silence ? Non ! Les soignants et patients disent stop à ce muselage. Caroline Brémaud est soutenue non seulement par ses collègues, mais également par le Collectif interhôpitaux, Samu Urgences de France et l'Association des citoyens contre les déserts médicaux. « Avant je me demandais pourquoi les autres ne parlent pas ? Maintenant je comprends. Je pense que je suis soutenue car je ne fais que dire la vérité, tout un chacun peut en faire le constat en allant à l'hôpital ». En 2020, il fallait applaudir les soignants. En 2023, on évince ceux qui parlent trop. Depuis 2020, l'hôpital poursuit son effondrement : le nombre de postes vacants a été multiplié par 8,70 %, les soignants ne cessent de dire que le Ségur n'a pas suffi. En décembre 2022, 150 personnes seraient décédées faute de prise en charge adéquate. Tout cela, c'est le bilan du Gouvernement. On attend de M. le ministre un changement de cap, pas de faire taire les soignants. Caroline fait honneur à la France, elle doit retrouver son poste de cheffe de service des urgences à l'hôpital de Laval. Elle lui demande ses intentions à ce sujet.

Réponse émise le 12 mars 2024

La situation des urgences dans le département de la Mayenne est suivie avec beaucoup d'attention. Il manque en effet environ vingt urgentistes au total dans les hôpitaux de Laval, Mayenne et Château-Gontier.  Aujourd'hui, chacun des trois services d'urgence du département est en difficulté pour assurer la continuité H24 de ses activités ; ce qui oblige parfois à suspendre ou réguler l'accès sur certaines dates. L'objectif du ministère chargé de la santé reste bien l'ouverture en permanence des urgences des trois hôpitaux de Laval, Mayenne et Château-Gontier. Dans l'attente de nouveaux recrutements, dans un souci de sécurisation de la prise en charge des patients et de lisibilité, il est nécessaire, en cas de manque de médecins, qu'au moins deux services d'urgences sur les trois du département de la Mayenne puissent être ouverts la nuit. Lorsque cette cible n'est pas atteinte, la localisation du seul Service d'accueil des urgences (SAU) en nuit dans le département se fait sur le plateau technique du Centre hospitalier Laval au centre du département. Dans ce contexte difficile, l'établissement central du département, pivot au sein du groupement hospitalier de territoire et possédant le plateau technique le plus important, est central. Or, c'est ce centre qui concentre la plus grande partie des difficultés, et ses urgences y sont régulées plus souvent à Laval qu'à Mayenne ou Château-Gontier. Le Centre hospitalier de Laval rencontre des difficultés importantes dans la prise en charge des urgences depuis plusieurs années. Ces difficultés sont évidemment liées aux problèmes de démographie médicale, mais également à des problèmes d'organisation et de cloisonnement des services. Cela a notamment été mis en avant par un rapport d'expertise, mené par des urgentistes universitaires reconnus, responsables des urgences d'Angers et de Rennes, ayant pointé des dysfonctionnements internes et le manque d'attractivité du service des urgences du Centre hospitalier de Laval. Il a été difficile d'y affecter des internes en médecine cette année du fait des difficultés d'encadrement et d'organisation. L'Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire a donc demandé à la direction de l'hôpital et à la gouvernance médicale de prendre les mesures nécessaires afin que leur établissement joue pleinement son rôle d'établissement pivot sur le territoire. Les diverses mesures engagées par le Centre hospitalier de Laval mais aussi par le Centre hospitalier du Haut Anjou et le Centre hospitalier du Nord Mayenne ont pour objectif d'améliorer le fonctionnement des urgences sur l'ensemble du département de la Mayenne en lien avec le Centre hospitalier universitaire d'Angers, établissement de référence de l'hémi-région. Parmi ces mesures, figurent la nécessité d'avoir un responsable unique pour les unités d'urgence du Centre hospitalier de Laval. Ceci, afin de décloisonner les unités et d'avoir une polyvalence dans l'activité des médecins. Trois médecins exerçaient une responsabilité au sein des urgences du Centre hospitalier de Laval, un des trois a été choisi par la Direction en lien avec l'ensemble de la gouvernance médicale de l'établissement. Ce choix d'un responsable unique pour mieux coordonner les unités des urgences ne remet pas en cause la place des deux médecins au sein de l'équipe d'urgentistes. Il faut bien rappeler que leur activité principale reste de soigner les patients. Ces évolutions, qui ne se limitent pas à un changement de gouvernance et qui sont à fort enjeu pour le Centre hospitalier de Laval, sont portées par la direction et les représentants médicaux de l'établissement et du territoire, soutenus par l'ARS.

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