M. Hadrien Clouet interroge Mme la ministre de la culture sur l'accessibilité des œuvres cinématographiques pour les personnes en situation de handicap. Une partie des compatriotes est aujourd'hui privée d'une égalité d'accès aux œuvres culturelles. S'il est difficile de dénombrer avec précision le public concerné, les différentes associations en proposent un aperçu. Ainsi, en France, plus de 1 million de personnes souffrent d'incapacité visuelle sévère. C'est-à-dire qu'elles ne distinguent pas un visage à plus de 4 mètres, ne perçoivent pas la lumière ou disposent d'une vision résiduelle limitée à la distinction de silhouette. Les incapacités auditives sont également nombreuses, puisque plus de 2 millions de personnes sont atteintes de surdité profonde, de surdité d'une oreille ou sont malentendantes. S'y ajoutent les personnes dont les capacités cognitives ou de mobilité ne correspondent pas aux infrastructures classiques. Au total, selon le rapport de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) publié en février 2023, plus de 6,8 millions de personnes de plus de 15 ans seraient, en France, atteintes de limitation fonctionnelles sévères et 12 millions de Français touchés par un handicap. À ce titre, par manque d'accessibilité, les personnes en situation de handicap sont exclues de la production artistique et culturelle. C'est ce que démontre le rapport de l'Observatoire des inégalités qui indique que seules 4 % des personnes connaissant une restriction d'activité forte ont des pratiques culturelles intenses, contre 13 % dans le reste de la population. D'autant que ces chiffres ne comprennent que les limitations fonctionnelles les plus sévères. Pourquoi donc ces Français n'auraient-ils pas le droit d'aller au cinéma ? D'accéder aux œuvres cinématographiques ? Sous l'impulsion de la directive du Conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2000, le législateur français a adopté la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Celle-ci entraîne une obligation d'accessibilité de tous les établissements recevant du public. Pour autant, les dispositions législatives ne prévoyaient alors aucune mesure concernant l'accessibilité des cinémas. Aussi, un projet d'arrêté de 2014 devait contraindre les cinémas à s'équiper de dispositifs ou de matériel assurant dans l'ensemble des salles « la transmissions des sons pour des personnes sourdes et malentendantes, la diffusion du sous-titrage des œuvres cinématographiques pour les personnes sourdes ou malentendantes, en respectant le code couleur en vigueur, la diffusion de l'audiodescription des œuvres cinématographiques pour les personnes aveugles ou malvoyantes ». Les moyens techniques et le matériel, individuel et collectif, existent. Pourtant, l'arrêté est toujours en attente de publication neuf années plus tard. En conséquence, seuls 18 % des cinémas sont totalement accessibles à la fois pour les personnes à mobilité réduite et pour celles disposant d'un handicap sensoriel selon le rapport de l'observatoire de l'accessibilité créé en 2022 par le Centre national du cinéma (CNC). Et ce, en dépit de la mise en place d'une aide à l'audiodescription et au sous-titrage des longs-métrages français au sein du CNC. Si cette aide est salutaire, sa portée est néanmoins amenuisée : faute d'obligation d'accessibilité et faute de recensement de salles projetant des films accessibles. Aussi M. le député interroge-t-il Mme la ministre quant à la date prévue de publication du dit arrêté promis depuis 2014. Par ailleurs, envisage-t-elle de contraindre les producteurs de contenus filmographiques à rendre accessibles l'ensemble des films diffusés en France ? Quelles mesures envisage-t-elle pour que chaque cinéma dispose des moyens suffisants pour rendre par des moyens individuels ou collectifs, les œuvres qu'ils diffusent accessibles à tout type de public ? Enfin, il lui demande si elle envisage la mise en place d'un site référençant l'ensemble des évènements culturels accessibles ville par ville.
L'accessibilité des œuvres cinématographiques et des salles aux personnes en situation de handicap, notamment les personnes sourdes ou malentendantes, est l'une des priorités du ministère la culture et du centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Depuis la commission nationale culture et handicap du 14 janvier 2014, il y a eu beaucoup d'évolutions grâce à l'engagement résolu du CNC sur ces enjeux. En matière d'accessibilité du cinéma, il convient de distinguer la salle de cinéma du producteur du film. C'est en effet au producteur qu'il incombe de réaliser les travaux de sous-titrage. À ce titre, depuis le 1er janvier 2020, à l'initiative du CNC, le sous-titrage des films français est devenu obligatoire. Le CNC accompagne par ailleurs les investissements permettant aux exploitants de salles de cinéma de rendre davantage accessibles leurs projections via différentes solutions techniques, dans le cadre de ses aides aux salles de cinéma. Une salle de cinéma accessible est une salle non seulement accessible aux personnes en situation de handicap moteur mais également aux personnes en situation de handicap sensoriel. Elle permet aux aveugles et malvoyants de recevoir l'audiodescription via un casque et propose aux personnes sourdes des séances sous-titrées sur l'écran de la salle ou sur des écrans individuels. Les salles et la caisse sont équipées de boucles magnétiques pour les personnes malentendantes appareillées. Un état des lieux effectué en mars 2023, grâce à un questionnaire en ligne adressé en juillet 2022 à l'ensemble des exploitants, montre une augmentation très nette de l'accessibilité des cinémas. En effet, les établissements cinématographiques sont dans leur grande majorité accessibles partiellement à au moins une forme de handicap (549 établissements sur les 574 répondants, soit 96 %). S'agissant de l'accès des personnes malentendantes, cette enquête montre que 70 % des établissements cinématographiques sont équipés d'au moins un dispositif pour les sourds et malentendants. Cependant, il apparait que la difficulté est davantage, pour les publics concernés, d'être informés sur les séances adaptées. Face à ce constat, le CNC a mis en place, dans le cadre de l'observatoire de l'accessibilité créé en juin 2022, deux groupes de travail, l'un pour recenser tous les outils d'accessibilité actuellement disponibles sur le marché, l'autre pour améliorer la signalisation des séances accessibles aux personnes en situation de handicap. En outre, le 24 mai 2023, une convention a été signée à Cannes entre la plateforme de réservation AlloCiné et Accès Libre, plateforme gouvernementale de référencement des établissements recevant du public, afin de permettre d'afficher sur le site d'Allociné tous les établissements accessibles aux publics porteurs de handicap.
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