M. Jérôme Nury alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les décisions de l'administration envers l'instruction en famille, suite à l'application de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Prévue à l'article 49 de la loi, la réforme de l'instruction en famille prévoyait de passer d'un régime de déclaration à un régime d'autorisation. Une disposition entrée en vigueur à la rentrée scolaire 2022-2023 qui nécessite un an après, un rappel à la fois sur l'esprit du législateur au moment des débats ou du moins, au texte au sens strict tel qu'il a été voté. En effet, force est de constater que de nombreuses demandes sont aujourd'hui refusées aux familles. L'incompréhension est totale dans la mesure où l'article L. 131-5 du code de l'éducation énonce que « les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille ». À cela, quatre raisons sont prévues au même article : l'état de santé de l'enfant ou son handicap, la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives, l'itinérance de la famille ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public et l'existence d'une situation propre à l'intérêt de l'enfant motivé par un projet éducatif. Or l'administration semble nier toute reconnaissance à cette dernière possibilité. Pourtant, l'existence d'une « situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif » est bien encadrée, dans la mesure où les personnes responsables doivent justifier de la capacité d'instruction dans le respect de l'intérieur supérieur de l'enfant. Une autorisation également soumise à la présentation écrite du projet éducatif et l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs considéré dans sa décision n° 2021-8223 du 13 août 2021, et plus précisément au paragraphe 76, qu'« en prévoyant que cette autorisation est accordée en raison de "l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif", le législateur a entendu que l'autorité administrative s'assure que le projet d'instruction en famille comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant ». C'est la raison pour laquelle, M. le député s'étonne qu'un quatrième motif, clairement écrit, voté par la représentation nationale et confirmé par le Conseil constitutionnel puisse faire l'objet d'une interprétation erronée de la part de l'administration. Ce quatrième motif n'ayant nullement besoin d'être cumulatif avec les trois premiers, M. le député demande à M. le ministre de respecter l'application des dispositions législatives. Il l'interroge également sur les raisons qui pourraient conduire l'administration à refuser un dossier quand bien même, toutes les conditions précédemment évoquées relatives au 4° de l'article L. 131-5 du code de l'éducation seraient réunies.
Pour chaque dossier de demande d'autorisation d'instruction dans la famille fondée sur l'un des quatre motifs, les responsables de l'enfant doivent transmettre les pièces justifiant la réalité du motif invoqué. Ces éléments permettent à l'administration d'effectuer une analyse de chaque situation. Le Conseil d'État, dans sa décision n° 467550 du 13 décembre 2022, a explicité les modalités de traitement des demandes d'autorisation d'instruction dans la famille fondée sur l'un des quatre motifs. L'administration doit ainsi « rechercher, au vu de la situation de [l'] enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part, dans un établissement ou école d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, […] retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt ». Il en résulte que l'administration est seule compétente pour apprécier, au regard du dossier de demande transmis par les responsables de l'enfant, les situations qui justifieraient ou non le recours à l'instruction en famille au titre d'un des quatre motifs. Le Conseil d'État a également apporté des précisions sur le traitement des demandes fondées sur l'existence d'une situation propre motivant le projet éducatif (motif 4°). Ainsi, lorsque l'autorité administrative est saisie d'une telle demande, celle-ci « contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire ». Il en résulte que les responsables légaux sollicitant une autorisation d'instruction dans la famille pour ce motif doivent justifier que le projet éducatif est conçu en fonction de la situation propre de leur enfant, laquelle doit être étayée et adapté à celle-ci, de telle manière que l'enfant puisse bénéficier d'un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire. Par exemple n'est pas recevable un projet éducatif standard qui n'expose nullement en quoi il répond à la situation propre de l'enfant. Tel est le cas d'un projet éducatif qui se contente de reprendre la plaquette commerciale d'un organisme d'enseignement à distance sans étayer la situation personnelle de l'enfant et sans préciser en quoi ce projet est adapté à cette situation. Chaque situation fait donc l'objet d'un examen individualisé par les services académiques afin de déterminer le mode d'instruction le plus conforme à l'intérêt de l'enfant, conformément aux dispositions de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. S'agissant des données chiffrées relatives au nombre d'autorisations délivrées au titre de l'année scolaire 2023-2024, sur les 51 229 demandes instruites au 1er décembre 2023, 45 275 ont donné lieu à une autorisation, soit 88,4 % des demandes. Sur les 6 169 demandes instruites d'autorisation d'instruction dans la famille effectuées au titre du motif 4°, 4 041 ont donné lieu à une autorisation, soit 65,5 % des demandes.
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