M. Fabien Di Filippo alerte Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur les difficultés rencontrées par certaines collectivités locales et intercommunalités pour souscrire une assurance. En première ligne face aux risques sociaux, aux émeutes de certaines banlieues, aux dégradations de biens publics et aux catastrophes naturelles, les collectivités territoriales rencontrent des difficultés grandissantes dans la gestion de leurs biens. Cette situation a des conséquences directes sur leur capacité à trouver une assurance. Ce constat s'est trouvé accentué par les récentes violences urbaines de l'été 2023, dont le coût assurantiel s'élève à près de 200 millions d'euros pour les collectivités territoriales, avec environ 500 collectivités touchées. De nombreux maires rencontrent en effet aujourd'hui d'importantes difficultés dans leurs recherches d'un prestataire d'assurances pour couvrir leurs risques de dommage : soit les prestataires d'assurances ne répondent pas aux appels d'offres, soit ils proposent des coûts disproportionnés, multipliés parfois par 3 ou plus par rapport aux tarifs précédemment appliqués, que les communes ne peuvent pas supporter, d'autant plus dans cette période d'inflation et d'explosion des coûts de l'énergie qui fragilise leurs budgets. Certaines assurances n'hésitent pas à résilier les contrats dès qu'un sinistre survient. L'Association des maires de France indique que les contrats des compagnies d'assurances ont augmenté de 700 % au cours de ces derniers mois. Lors du Congrès des maires qui vient de s'achever à Paris, de nombreux élus ont fait entendre leur mécontentement face à ce que certains ont qualifié de « retrait massif » des assureurs du marché des communes et intercommunalités. Les deux principaux assureurs des collectivités territoriales, qui ont reconnu un durcissement de leurs conditions contractuelles et la résiliation de plusieurs centaines de communes cette année, indiquent par ailleurs que les tarifs vont continuer d'augmenter pour toutes les collectivités, en raison notamment de l'inflation, qui rend les réparations plus coûteuses qu'il y a deux ans et du coût du climatique. Face à cette situation, le Gouvernement a annoncé fin octobre 2023 le lancement de la mission sur l'assurabilité des collectivités territoriales, qui a pour objectif de repenser le modèle et trouver des solutions d'ici avril. Ce délai est trop long pour certaines collectivités, qui ne pourront plus assurer leurs bâtiments et prévenir les sinistres et qui devront mettre à l'arrêt de nombreux services de proximité au 1er janvier 2024. Face aux envolées des cotisations, aux demandes d'avenants avec hausse des primes, aux augmentations de franchise très importantes, aux résiliations unilatérales, des mesures fortes doivent être prises de toute urgence. Dans une lettre récemment adressée à Elisabeth Borne, le président de Villes de France alerte sur le fait les conséquences pour les collectivités s'annoncent dramatiques avec « la multiplication des difficultés en matière de couverture des risques et l'apparition de nouveaux cas pour lesquels les collectivités ne seraient pas ou plus en mesure de s'assurer ». Certaines communes n'arrivent actuellement même pas à trouver de candidats pour répondre à leurs appels d'offres après la résiliation par anticipation de leurs contrats. C'est le cas d'une commune de la circonscription de M. le député, en Moselle, qui a essuyé 9 refus d'assurance après une résiliation unilatérale de son contrat d'assurance suite à un incendie d'origine criminelle sur la toiture de l'un de ses bâtiments et qui se trouverait désormais contrainte de passer par des courtiers pour assurer à l'étranger ses capitaux afin de couvrir un potentiel sinistre, avec une prime d'assurance exorbitante à payer. Si la nécessité pour les assurances de garantir leur propre équilibre financier et de pouvoir continuer à couvrir leurs assurés doit être prise en compte, l'État ne peut laisser les communes prendre le risque de se retrouver sans assurance, avec des conséquences susceptibles d'entraver le bon fonctionnement du service public local. Ce sont en effet des écoles, des médiathèques, des gymnases, des véhicules de service, des bâtiments municipaux nécessaires au bon fonctionnement des services publics de proximité que les collectivités doivent assurer pour garantir leur ouverture, ainsi que la sécurité des agents qui y travaillent et du public qui y est accueilli. Si les collectivités peuvent saisir le médiateur de l'assurance ou le bureau central de tarification pour les assurances obligatoires, les procédures sont longues, complexes et les éventuelles solutions qui pourront être proposées se révèlent parfois trop onéreuses. Aujourd'hui dans le pays, certaines collectivités se retrouvent donc dans l'impossibilité de souscrire à un contrat d'assurance, ce qui les laisse seules face au risque. Face à cette situation extrêmement préoccupante, il lui demande quelles mesures d'urgence le Gouvernement compte prendre afin de garantir la couverture assurantielle de l'ensemble des collectivités locales.
Du fait de la sinistralité croissante liée notamment à la recrudescence des aléas climatiques et l'apparition de risques nouveaux (cyber-risques par exemple), certains assureurs ont quitté le marché de l'assurance des collectivités dans un contexte d'offre assurantielle réduite et marquée par des équilibres techniques difficiles à trouver pour les acteurs présents. De ce fait, un nombre croissant de collectivités rencontrent aujourd'hui de plus en plus de difficultés à s'assurer. Cette raréfaction de l'offre assurantielle pour les acheteurs publics se traduit par une pression à la hausse des primes, voire par l'absence de réponse à certains appels d'offre. En outre, pour les contrats existants, certains assureurs font application des dispositions législatives du code des assurances pour résilier les contrats ou imposer des conditions tarifaires qui peuvent être difficilement soutenables. Les dispositions législatives du code des assurances – qui priment sur les normes de nature réglementaire du code de la commande publique – autorisent en effet les assureurs à résilier de façon anticipée et unilatérale leurs contrats en cas d'aggravation du risque au titre de l'article L.113-4 du code des assurances. C'est bien cette raréfaction de l'offre assurantielle due à la recrudescence des risques auxquels sont soumis les collectivités qui rend difficile leur assurabilité et non l'application de la convention IRSI (convention d'indemnisation et de recours des sinistres immeubles) qui ne concerne qu'une partie limitée des sinistres des collectivités. Cette dernière est un accord entre les compagnies d'assurance pour faciliter la prise en charge et l'indemnisation des sinistres incendie et dégâts des eaux pour les immeubles en copropriété dont la réparation des dommages ne dépasse pas 5 000 €. Face à ces difficultés assurantielles, l'évaluation du risque et de la valeur assurée avec le plus haut degré de précision possible est, pour les collectivités, une condition indispensable pour faciliter le dialogue avec les assureurs et accroître leurs chances d'obtenir des réponses aux appels d'offres. Par ailleurs, plutôt que de chercher une couverture totale du risque, une évaluation préalable détaillée permet d'accepter des franchises et primes en adéquation avec les réalités économiques de la collectivité et d'envisager l'auto-assurance dans certains cas. La mise en œuvre d'une politique ambitieuse de prévention et de protection contre les risques est en outre fondamentale pour réduire le coût de l'assurance. Il existe notamment une corrélation forte entre l'existence d'un plan de prévention du risque inondation sur un territoire et la fréquence des sinistres, de la même manière que la mise en place d'un plan de prévention des inondations se traduit, en moyenne, par une réduction de 28% du coût des sinistres. A ce titre, il existe des dispositifs permettant d'accompagner les collectivités dans leurs efforts de protection contre les risques. L'Etat a ainsi porté, dans le projet de loi de finances pour 2024 en discussion au Parlement, à 225 M€ le budget pour 2024 alloué au Fonds de prévention des risques naturels majeurs (dit « fonds Barnier »), qui peut être mobilisé par les collectivités pour financer des dépenses d'investissement afin de réaliser des études, des travaux ou des équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels. Dans l'attente des conclusions des missions d'inspection diligentées sur le sujet de l'assurabilité des collectivités territoriales, en soutien aux personnalités qualifiées désignées à cet effet, face aux difficultés rencontrées dans l'exécution des contrats d'assurance et en particulier la crainte de la résiliation unilatérale par l'assureur, les collectivités doivent s'assurer de délimiter le plus précisément possible la notion d'« aggravation du risque » dans le contrat afin que l'assureur soit limité dans son droit à résiliation unilatérale. Elles peuvent également inclure dans le marché public des clauses encadrant l'évolution de son prix.
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