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Julien Odoul
Question N° 13313 au Ministère de la santé


Question soumise le 28 novembre 2023

M. Julien Odoul alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur la pénurie de médicaments en pharmacie à l'approche de la saison hivernale. En effet, selon le rapport de France Assos santé, en 2023, 37 % des Français ont déjà été confrontés à une pénurie de médicaments en pharmacie, notant une augmentation de 8 % par rapport à 2022. En ce sens, les pharmaciens appréhendent l'hiver 2023-2024, qui connaît naturellement une augmentation des virus (rhumes, rhinopharyngite, bronchite, grippe, etc.). Au cours de l'hiver 2022-2023, dans un contexte de triple épidémie de covid-19, de grippe et de bronchiolite, certains médicaments comme l'amoxicilline et le paracétamol avaient déjà connu des soucis d'approvisionnement. Depuis, aucune solution n'a été proposée aux pharmacies, qui se voient contraintes d'importer des médicaments en provenance de la Chine ou de l'Inde, où les entreprises pharmaceutiques ont délocalisé en raison des coûts de production moins élevés. Selon un recensement de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), à la date du 18 octobre 2023, les pharmacies étaient déjà à flux tendus sur plusieurs médicaments majeurs de l'hiver. Au total, ce sont 4 000 médicaments du quotidien qui sont touchés par une rupture de stock ou une tension d'approvisionnement en France : l'amoxiciline, la cortisone, des antidiabétiques ou encore des anti-cancéreux... D'après l'Union des syndicats pharmaciens d'officines, si certaines ruptures seraient « ponctuelles », d'autres s'inscrivent dans la durée. Cette situation n'est pas tenable pour les pharmaciens et pour beaucoup de Français, qui, dans la 7e puissance mondiale, n'arrivent même plus à se soigner correctement. À l'évidence, les multiples politiques de désindustrialisation menées depuis quinze ans par les gouvernements successifs sont les premières responsables de la pénurie que connaît aujourd'hui la France. En octobre 2023, l'entreprise Sanofi a annoncé vouloir mettre fin à sa production de médicaments grand public d'ici fin 2024. Cette décision pourrait avoir un impact non négligeable sur les laboratoires pharmaceutiques français, comme celui de Galien LPS à Sens, dans l'Yonne, qui produit en grande quantité des produits pharmaceutiques de base, dont le Doliprane. Le 18 juin 2020, l'ancien ministre des solidarités et de la santé et actuel porte-parole du Gouvernement, Olivier Véran, déclarait lors de sa présentation d'un plan d'action pour la relocalisation en France de projets de recherche et de sites de production de produits de santé : « Le "jour d'après" doit être celui d'une indépendance et d'une autonomie retrouvées dans la production des biens essentiels. Nul ne peut concevoir que la France soit un jour dans l'incapacité de permettre à chacun d'accéder à des soins, à des traitements et à des médicaments ». Une énième fois, force est de constater que le Gouvernement a laissé se tiers-mondiser le système de santé français. Pour toutes ces raisons, il lui demande s'il va enfin passer des incantations aux actes quant à la relocalisation de l'industrie pharmaceutique française afin qu'elle soit en mesure d'assurer l'approvisionnement, la mise en circulation et le contrôle des prix des molécules et des médicaments et ainsi faire cesser cette pénurie.

Réponse émise le 12 décembre 2023

La situation telle que nous l'observons en ce moment n'est plus tant celle de pénuries de médicaments que d'enjeux de répartition des stocks sur le territoire. C'est en particulier la situation de l'amoxicilline et du paracétamol. Le Gouvernement a agi avec volontarisme et détermination ces derniers mois. Une feuille de route a été développée sous la coordination de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), pour anticiper, minimiser les risques et résoudre au plus vite les situations de tension. Elle s'inscrit dans le prolongement de la précédente feuille de route 2019-2022 qui a permis des avancées majeures (plan de gestion des pénuries pour les médicaments d'intérêts thérapeutiques majeurs, obligation de détention de stocks de sécurité…). En outre, une liste de 450 médicaments dits essentiels a été établie sur la base des recommandations des autorités scientifiques. A partir de cette liste évolutive, publiée le 13 juin 2023, des travaux sont engagés pour mieux garantir la disponibilité des médicaments (suivi renforcé sur les capacités d'approvisionnement, analyse des pratiques de prescription et des tendances d'achat, cartographie et renforcement des chaînes de production, mise en œuvre de solutions de production de secours, actions de prévention…). L'ANSM, en lien avec la Direction générale de la santé, a également établi un plan de préparation des épidémies hivernales pour anticiper d'éventuelles tensions et renforcer notre capacité à faire face à des pics saisonniers de consommation de médicaments. Ce plan hivernal inclut une phase d'anticipation qui vise : - à sécuriser les approvisionnements afin de garantir la couverture des besoins, - à améliorer la mise à disposition des données,   - et à communiquer sur les gestes barrières et les règles de bon usage des médicaments dans un esprit de responsabilisation collective de l'ensemble des acteurs du soin et des assurés. Enfin, un « plan blanc » reste activable en cas de situation exceptionnelle qui conduirait à devoir prendre des mesures spécifiques pour sécuriser la prise en charge des assurés. Concernant la constitution des stocks, le Gouvernement a travaillé avec les industriels du secteur à : - un moratoire sur les baisses de prix des génériques stratégiques sur le plan industriel et sanitaire, - des hausses de prix ciblées sur certains génériques stratégiques produits en Europe, en contrepartie d'engagements sur une sécurisation de l'approvisionnement du marché français. Le Président de la République a en outre annoncé le 13 juin 2023, la relocalisation de la production de 25 médicaments stratégiques. De plus, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit de nouvelles mesures pour lutter contre les tensions d'approvisionnement notamment : - l'obligation, sous peine de sanction financière, pour les laboratoires pharmaceutiques de chercher un repreneur en cas d'arrêt de commercialisation d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur et la création d'un statut de préparations officinales spéciales permettant aux pharmaciens de pallier à des pénuries, - la généralisation de la délivrance à l'unité par les pharmaciens d'officines des médicaments concernés par une rupture d'approvisionnement, - l'interdiction de prescription en téléconsultation de certains médicaments, en priorité les antibiotiques, - la systématisation pour les antibiotiques du recours à des ordonnances conditionnant la délivrance de médicaments à la réalisation d'un test rapide d'orientation diagnostique (TROD), - ou encore le renforcement des pouvoirs de police sanitaire de l'ANSM. Enfin, concernant la répartition des stocks, le ministre de la santé et de la prévention a récemment réuni l'ensemble des industriels pour identifier collectivement les pratiques les plus adaptées à adopter. Le ministre leur avait demandé d'établir sous 10 jours une charte des bonnes pratiques, sous l'égide de la présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et de la directrice générale de l'ANSM. Cette charte a été dévoilée le 22 novembre, signe d'un engagement collectif des acteurs en faveur de la confiance et de la responsabilité. Au niveau européen, il convient également de noter que de nombreuses actions sont menées. La France s'est très tôt associée, avec 18 autres pays, à la proposition portée par la Belgique de Critical Medicines Act, pour adapter à ces médicaments essentiels la stratégie adoptée pour les métaux rares. Le règlement (UE) n° 2022/123 du 25 janvier 2022 qui a introduit des dispositions visant à prévenir et gérer les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux considérés comme critiques, en renforçant le rôle de l'Agence européenne des médicaments, est par ailleurs entré en application. Il s'agit là d'une première étape visant à mettre en place un cadre renforcé pour la notification et la surveillance des pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux lors d'urgences de santé publique ou d'événements majeurs dans l'Union européenne. De même, dans le cadre du projet de révision de la législation pharmaceutique présenté par la Commission européenne, des mesures visant à anticiper et réduire les tensions d'approvisionnement sont prévues, reprenant les dispositions françaises (obligation d'avoir des plans de gestion des pénuries pour les laboratoires, liste de médicaments critiques, déclaration des ruptures notamment).

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