M. Benjamin Dirx attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les attaques de troupeaux en Saône-et-Loire et la difficulté pour les éleveurs de déterminer si ces agressions sont dues à des loups, à des chiens ou à d'autres animaux. Au cours des derniers mois, plusieurs dizaines de moutons ont été tués dans le Clunisois à la suite d'attaques d'un animal dont les indices conduisent à penser à la présence d'un loup. Toutefois, il semble particulièrement difficile de rapporter la preuve irréfutable que l'animal agresseur est effectivement un loup, condition sine qua non pour engager des procédures d'indemnisations ou de prélèvement. Aujourd'hui, si les services de l'État et particulièrement l'Office français de la biodiversité (OFB) réalisent des analyses génétiques sur des matières dites « sûres » (poil, sang, etc.) pour déterminer quelle espèce est à l'origine de l'agression, aucune analyse génétique n'est réalisée au niveau de la morsure sur la carcasse de l'animal attaqué. Pour justifier cette distinction, certains avancent l'idée selon laquelle « l'indice qualité » de l'analyse serait plus faible lorsque l'analyse génétique est issue d'un échantillon salivaire laissé par l'animal agresseur sur la carcasse de l'animal attaqué. L'argument de la pollution de l'échantillon par l'intervention ultérieure d'un autre animal sur les lieux de l'attaque est également évoqué. Cependant, ce type d'analyse, non effectué en France, est réalisé dans d'autres pays limitrophes et notamment en Suisse et en Belgique. Dans certains cas, cette technique a permis l'identification de l'animal prédateur. Réaliser ce type d'analyse permettrait d'identifier la présence d'un loup si un échantillon ADN, même pollué, laisse apparaître des éléments significatifs permettant son identification. Ainsi, il souhaite que le Gouvernement puisse revoir la doctrine d'utilisation des analyses génétiques et permettre, dans le but d'identifier la présence d'un loup, les analyses réalisées à partir de matière ADN prélevée au niveau de la morsure de l'animal attaqué.
Le loup est une espèce « strictement protégée » au titre de la convention de Berne et de la directive européenne « habitats, faune, flore », mais son expansion dans un contexte d'activités pastorales remet en question la vitalité de certains territoires et des activités d'élevage. La politique mise en œuvre dans le cadre du plan national d'actions pour le loup et les activités d'élevage 2018-2023 vise à concilier un double impératif : d'une part, assurer les engagements en terme de protection du loup et, d'autre part, permettre au pastoralisme d'atteindre ses objectifs économiques, garantir l'aménagement des espaces ruraux et le lien social indispensable à la vie des territoires. Les efforts menés ont permis de réelles avancées sur ce plan. En premier lieu, il convient d'observer que malgré l'augmentation de la population lupine et son expansion géographique (924 individus en sortie d'hiver 2022 contre 783 en 2021), les efforts menés ont permis une stabilisation des dommages aux troupeaux entre 2019 et 2021 (10 826 victimes en 2021 contre 12 451 en 2019). Cependant, la tendance observée cette année 2022, au travers des données provisoires disponibles, semble montrer que le nombre d'attaques a augmenté. Ce bilan conforte l'importance des actions historiquement menées en matière de protection des troupeaux. L'État accompagne financièrement les éleveurs pour la mise en place de mesures de protection des troupeaux (aide au gardiennage par les bergers, achat de clôtures, achat en entretien de chiens de protection, accompagnement technique) dans le cadre de la mesure prédation relevant de la politique agricole commune (PAC). En 2021, 30,42 millions d'euros (M€) ont été engagés afin d'aider un peu plus de 3 000 éleveurs. Un dispositif d'accompagnement technique des éleveurs a été ouvert en 2018 en vue d'optimiser l'efficacité des moyens de protection. Cette mesure a été principalement utilisée pour accompagner les éleveurs à la mise en place et à l'utilisation des chiens de protection grâce à des conseils personnalisés et des formations collectives. Ils ont ainsi pu bénéficier des savoirs et savoir-faire du réseau national d'expertise sur les chiens de protection mis en place courant 2018 et désormais bien implanté. Par ailleurs, depuis 2020, un soutien plus important a été mis en place pour les éleveurs situés dans les foyers de prédation grâce au déplafonnement des dépenses de gardiennage par des bergers salariés ou prestataires et, pour ceux situés en front de colonisation, les éleveurs ont été nouvellement éligibles à l'aide pour l'acquisition, l'entretien et la formation à l'utilisation des chiens de protection. Par ailleurs, un échantillon de 200 élevages fortement prédatés fait l'objet d'expertises et d'un accompagnement spécifique. Enfin, des brigades de bergers mobiles sont déployées dans les parcs nationaux alpins afin de venir prêter main forte aux bergers en difficulté. En matière d'indemnisation des dommages, 3,49 M€ ont été versés en 2021 suite à 3 537 constats d'attaques. Pour réduire la pression de prédation sur les troupeaux et tenir compte de la dynamique démographique du loup, le Gouvernement met également en œuvre une politique de tirs dérogatoire à l'interdiction de destruction de l'espèce prévue par le cadre européen. Depuis 2020, le plafond est fixé à 19 % de l'effectif estimé, en se fondant sur les données du suivi hivernal de la population de loups fournies par l'office français de la biodiversité (OFB). Ce cadre d'intervention prévoit la possibilité d'un plafond supplémentaire de 2 % si le seuil de 19 % venait à être atteint avant la fin de l'année, afin de permettre la poursuite des tirs de défense simple toute l'année pour défendre des troupeaux. Au 13 octobre 2022, 126 loups ont été abattus dans ce cadre sur un plafond maximum de 174. En 2020, 105 loups avaient été prélevés dans le cadre d'un plafond de 110 individus. Une gestion maîtrisée de ce plafond permet de cibler les prélèvements vers les loups en situation d'attaque et les foyers de prédation. En 2022, au-delà des actions historiques, conscient des conséquences de l'augmentation de la population lupine, des pistes de progrès ont été identifiées et des nouvelles actions ont été lancées. Dans le cadre de la nouvelle PAC qui commence en 2023, le dispositif d'aide à la protection des troupeaux sera conservé et intégrera des adaptations visant à mieux couvrir les besoins identifiés par les éleveurs, notamment pour les élevages situés dans des foyers de prédation et en zone de plaine. En matière d'indemnisation, une revalorisation des montants liés aux pertes directes dues à la prédation sera mise en œuvre début 2023. Pour les pertes indirectes (perte de lactation, avortements etc.), une étude a été engagée afin d'ajuster au mieux les montants d'indemnisation aux préjudices financiers. Par ailleurs, des travaux sont en cours pour simplifier les procédures et réduire les délais de paiement à travers notamment l'utilisation d'une application permettant les constats dématérialisés sur le terrain. Concernant le suivi de la population de loups, des efforts de formation des acteurs du réseau de collecte ont été développés afin, d'une part, de mieux faire connaître et reconnaître la méthode utilisée, identifiée par la Commission européenne comme l'une des plus complètes et efficaces en Europe, et, d'autre part, de renforcer la confiance en l'OFB, opérateur compétent en la matière qui mobilise un réseau sans équivalent de près de 4 000 correspondants en France. Cette confiance est une dimension essentielle pour concilier présence de loup et activités d'élevage. En complément de la constitution d'un réseau d'expertise sur les chiens de protection piloté par l'institut de l'élevage visant à conseiller et former des éleveurs à leur utilisation, des travaux ont été engagés pour mettre en place une « filière » chiens de protection. Il s'agit du recensement et de la caractérisation des chiens en activité pour pouvoir disposer, à terme, d'un outil de sélection des reproducteurs, ainsi que de la mise en place d'un réseau d'éleveurs naisseurs. En parallèle, un meilleur suivi des incidents impliquant les chiens de protection a été mis en place depuis l'été 2021. Enfin, le Gouvernement a engagé une analyse des leviers juridiques et réglementaires afin de parvenir à une meilleure adaptation des différents textes qui s'imposent aux propriétaires des chiens, notamment concernant leurs conditions de détention et d'élevage. Le sujet de la révision du statut de « protection stricte » du loup dans les textes internationaux constitue une demande régulière des représentants du monde de l'élevage en tant que solution permettant de mieux réguler la population de loups dans un contexte de forte croissance de l'espèce. La France considère qu'une évolution à la baisse du statut de protection du loup est, à ce jour, prématurée. Elle invite toutefois la Commission européenne, au regard des tendances d'évolution favorable des populations de loup, en particulier en France, à mener sans tarder une réflexion prospective portant, d'une part, sur les conditions à remplir pour qu'un changement d'annexe de la convention de Berne soit justifié pour le loup et d'autre part, sur les conséquences qu'un tel changement aurait sur les modalités de gestion du loup, au regard de l'objectif de réduire les dommages aux troupeaux et en complément de l'ensemble des autres mesures visant à encourager la cohabitation entre les activités pastorales de l'élevage. Dans ce contexte, l'élaboration du futur plan national d'actions va très prochainement faire l'objet de discussions avec les organisations professionnelles agricoles et les associations de protection de l'environnement sous l'égide du préfet coordonnateur du plan loup en particulier sur la question de la simplification des procédures de prélevement et d'indemnisation. Elles seront soumises au groupe national loup et activités d'élevage. L'objectif est de conserver un esprit de dialogue et de concertation avec l'ensemble des parties prenantes et de parvenir à un traitement équilibré du dossier au regard des différents enjeux.
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