M. Raphaël Gérard alerte Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe, sur l'incidence de l'évolution de deux réglementations européennes concernant l'usage du plomb sur la pérennité de plusieurs domaines des métiers d'art. Le règlement REACH envisage d'inclure le plomb sur la liste des substances soumises à autorisation, ce qui rendrait son utilisation impossible pour les TPE/PME. La directrice CRMD (directive 200437/CE) concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques sur le lieu de travail prévoit de réduire la valeur limite d'exposition du plomb à des taux aujourd'hui inatteignables pour les entreprises. Le secteur des métiers d'art compte aujourd'hui 37 000 entreprises, principalement des TPE ou PME, qui emploient moins de deux salariés en moyenne. Parmi elles, de nombreux professionnels dans le domaine du vitrail, de la facture instrumentale (facture d'orgues) et du patrimoine bâti ont recours au plomb. Il s'agit, en effet, d'un matériau à forte valeur patrimoniale qu'il n'est pas possible de substituer dans le cadre de restaurations à l'identique. La recherche de substituts nécessite du temps et des moyens financiers. À titre d'illustration, le Centre européen de recherches et formation aux arts verriers (CERFAV) a lancé un programme de recherche pour trouver un premier alliage qui pourrait se substituer au plomb pour un équivalent. Néanmoins, pour poursuivre la recherche sur les différents types de baguette, 5 ans supplémentaires paraissent nécessaires aux acteurs, sous réserve de la possibilité de mobiliser les fonds nécessaires à cette fin. Dans ce cadre, la mise en application de ces réglementations selon le calendrier prévu fait courir un risque de précarisation des métiers et de délocalisation des activités dans des pays avec de moindres contraintes sur la santé des travailleurs, conduisant à la fermeture d'entreprises et la disparition de savoir-faire emblématiques du patrimoine culturel français. Or la préservation et la valorisation de ce secteur constituent un objectif prioritaire de la politique économique et culturelle du Gouvernement, comme en témoigne la stratégie nationale en faveur des métiers d'art présentée en mai dernier. Le secteur présente un poids économique majeur en France. Selon l'Institut national des métiers d'art, les entreprises des métiers d'art et du patrimoine vivant produisent près de 19 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel cumulé, dont 8 milliards à l'export. Dans ce contexte, M. le député sollicite l'appui de Mme la ministre afin que la France plaide pour un report des échéances prévues au niveau européen au-delà de 2028 dans le but de permettre aux professionnels d'adapter de manière progressive leur activité, tout en assurant leur pérennité économique.
Le ministère de la Culture est particulièrement attentif aux consultations et discussions qui sont menées sur le sujet d'une interdiction générale de l'usage du plomb et à ses conséquences pour les entreprises du secteur du vitrail, des monuments historiques et, de manière générale, pour le patrimoine culturel. Une consultation publique a été ouverte du 2 février au 2 mai 2022 par l'Agence européenne des produits chimiques sur le projet de recommandation de substances prioritaires pour leur inclusion dans la liste des substances soumises à autorisation (annexe XIV) du règlement européen REACH (« Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals »), entré en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et l'utilisation des substances chimiques dans l'industrie européenne. Le plomb figure parmi les 8 substances prioritaires du projet de recommandation soumis à cette consultation publique. La recommandation ne prévoit pas d'interdiction mais de soumettre le plomb à autorisation. La consultation publique désormais terminée, le comité des États membres, dit comité REACH, devra se prononcer sur le tonnage, la dangerosité et le caractère dispersif. Par ailleurs, la révision du règlement REACH, initialement prévue pour l'année 2024, n'aura pas lieu et est pour le moment reportée sine die. Le Gouvernement demeure pleinement mobilisé, auprès de la Commission européenne, sur cet enjeu important pour la France et reste vigilant pour que des dérogations soient permises afin de préserver l'ensemble du secteur du vitrail, des monuments historiques et du patrimoine culturel. À cet égard, la stratégie nationale en faveur des métiers d'art, portée par le ministère délégué chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme et le ministère de la culture, prévoit la création d'un observatoire de la recherche au sein des manufactures nationales, en charge de repérer, d'encourager et de partager les résultats des recherches fondamentales conduites en France dans le domaine des métiers d'art. Ce nouvel instrument aura particulièrement à cœur de prendre en charge les problématiques de matériaux et de polluants auxquels les métiers d'art peuvent être exposés. En ce sens, l'initiative prise par le Centre européen de formation et de recherche aux arts verriers qui, conjointement avec l'Institut Carnot, a lancé un programme de recherche pour mettre au point un nouvel alliage moins toxique pouvant remplacer le plomb dans l'art du vitrail, est prometteuse.
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