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Laurent Jacobelli
Question N° 1318 au Ministère de la justice


Question soumise le 20 septembre 2022

M. Laurent Jacobelli interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur une situation préoccupante se déroulant en ce moment même en Guyane. En effet, le procureur local a envoyé un courrier aux chefs de la police, de la gendarmerie et des douanes de Guyane afin de les informer d'une nouvelle « expérimentation » en matière de lutte contre le trafic de drogue. Cette expérimentation consiste en la possibilité de recourir pour les personnes interpelées avec une quantité de cocaïne inférieure ou égale à 1,5 kg à une procédure simplifiée et de notifier, en accord avec le parquet, un classement sous conditions de l'affaire. La personne interpellée est donc libérée, interdite de paraître à l'aéroport de Cayenne pendant 6 mois et est inscrite au fichier des personnes recherchées. En prenant le prix moyen d'un gramme de cocaïne en métropole - 70 euros selon une étude Statista de 2018 -, une mule aurait donc en Guyane la possibilité de transporter jusqu'à 105 000 euros de cocaïne sans être inquiétée par la justice. Outre la faille évidente que les trafiquants s'empresseront d'exploiter, il est scandaleux de constater que depuis la décision du procureur en Guyane la justice renonce purement et simplement à juger certains délits pourtant graves. Pour ces raisons, il lui demande s'il était informé en amont de cette expérimentation et s'il compte y mettre fin.

Réponse émise le 10 janvier 2023

La lutte contre les trafics de stupéfiants constitue une priorité forte du Gouvernement, reprise dans le plan interministériel signé le 19 septembre 2019 entre les ministres de l'Intérieur, de la Justice et de l'Action et des Comptes publics. Plus spécifiquement, il convient de relever que la Guyane est largement impactée par le narcotrafic implanté dans les Etats voisins notamment par le biais de la problématique des passeurs, communément appelées « mules », transportant par le vecteur aérien de la cocaïne tantôt in corpore après ingestion, tantôt dissimulée entre les vêtements ou dans les bagages. Dans ce contexte, le protocole de lutte contre le phénomène des mules en Guyane, adopté le 27 mars 2019, a régulièrement été reconduit, amélioré et intégré au plan interministériel de lutte contre les stupéfiants précités. Néanmoins, confronté à des flux qui ne cessaient de croître - près de 300 passeurs interpellés sur le seul ressort de Cayenne au second semestre 2021 - et à une capacité de traitement (par les services d'enquête et judiciaire) limitée à 5 à 10 % de ces flux, le procureur local avait fait le choix de mettre en place, à titre expérimental, en concertation avec le Préfet et après une réflexion associant les services d'enquêtes, une politique pénale dédiée venant s'articuler avec les mesures administratives d'entrave mises en œuvre dans le cadre de contrôles renforcés en vue de perturber cette voie d'expédition des stupéfiants par la systématisation des opérations de détection et la dissuasion. Outre l'objectif de réduction des importations de cocaïne à destination de la métropole en interdisant l'accès aux vols aux passagers suspects, le but poursuivi était également d'optimiser la charge que faisait peser le trafic de stupéfiants sur les services de police judiciaire, afin de contourner la stratégie de saturation des trafiquants et permettre également de recentrer l'effort sur les violences graves commises sur la voie publique et les trafics d'armes. Plus de 1500 personnes ont ainsi fait l'objet d'une décision administrative de refus d'embarquer en l'espace de deux mois, sur la période considérée. La circulaire de politique pénale territoriale pour la Guyane du 29 septembre 2022, diffusée à l'occasion des assises de la sécurité en Guyane, a pris acte des résultats de cette expérimentation qui aura duré quelques semaines. Si les mesures administratives, destinées à empêcher l'accès aux vols à l'égard d'individus dont la présence de produits in corpore a pu être objectivée, restent pratiquées avec des résultats très encourageants sur l'évolution des flux, la voie judiciaire est désormais privilégiée à l'encontre de profils mieux ciblés et au moyen d'une politique de poursuites pénales construite en lien avec les services interpellateurs, autour d'un triple objectif de saisie du produit, de condamnation du passeur mais également de développement d'investigations destinées à démanteler les réseaux d'acheminement. Cette montée en puissance progressive de la réponse judiciaire – mise en œuvre en cohérence avec les parquets compétents à l'arrivée en métropole – s'effectue en lien avec l'évolution en cours des capacités de traitement des services douaniers et de sécurité intérieure. L'objectif est, d'une part, de permettre la mise en œuvre de sanctions dissuasives et adaptées, d'autre part, de parvenir au prononcé de peines complémentaires d'interdiction du territoire ou de séjour, notamment sur l'emprise de l'aéroport. Dans le but de soutenir l'effort de judiciarisation de ces situations, impliquant un nécessaire renforcement des moyens techniques et capacitaires de l'ensemble des échelons de la chaîne de traitement, les effectifs du tribunal judiciaire de Cayenne ont été renforcés. Une division dédiée à la criminalité organisée non JIRS doit être créée au sein du tribunal judiciaire de Cayenne, au parquet et au siège. Au sein de ce pôle, un magistrat du parquet sera spécialement chargé des relations avec la JIRS de Fort de France, laquelle sera renforcée également par un parquetier JIRS dédié à la Guyane afin que l'action judiciaire sur les réseaux internationaux et les flux financiers puisse être investie à la hauteur des enjeux en présence. En parallèle, un dispositif expérimental et exceptionnel a été créé à l'occasion de la circulaire précitée pour permettre le renfort de magistrats supplémentaires nommés, pour une durée de six mois, au sein du tribunal de Cayenne avec la garantie de retrouver, à l'issue, leurs fonctions initiales dans leur juridiction d'origine. Les effectifs locaux de policiers, de gendarmes et de douaniers ont parallèlement été augmentés afin d'améliorer les capacités de traitement des services douaniers et de sécurité intérieure. qui ont réuni le garde des Sceaux, le ministre de l'intérieur et celui des comptes publics sur la question notamment de la lutte contre le trafic de stupéfiants.

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