Mme Géraldine Grangier appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réponse judiciaire à apporter au phénomène des rodéos motorisés. Ce phénomène représente une calamité en ville, comme à la campagne maintenant, pour les forces de l'ordre mais également pour les riverains qui subissent des nuisances insupportables et craignent pour leur sécurité et celle de leurs enfants. Malgré près de 26 900 interventions (chiffres 2021) liées à des rodéos motorisés, ce « fléau national » selon les termes même de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, connaît une réalité judiciaire bien différente alors que la circulaire du 20 juillet 2023 de politique pénale en matière routière a rappelé la nécessité de maintenir une politique pénale particulièrement ferme. Ainsi, le nombre global de condamnations, en augmentation constante de 1 400 % en trois ans, passant de 92 en 2018 à 1383 en 2021, ne peut masquer l'impunité dont semblent bénéficier trop souvent certains délinquants. Récemment, Mme la députée a été informée que 3 jeunes (dont 2 en état de récidive) étaient renvoyés à la barre pour y répondre de rodéos, avec un périlleux épisode de slalom dans une zone réservée aux piétons. Le troisième protagoniste était intervenu en agressant un membre des forces de l'ordre afin de permettre la fuite de ses amis. À l'issue de l'audience et bien que l'article L. 236-1 du code de la route réprime les faits de rodéos motorisés d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende et double cette répression quand les faits sont commis en réunion comme c'est le cas en l'espèce, la révocation des précédents sursis n'a pas été retenue pour cette affaire survenue dans le Doubs mais de simples amendes sont venues sanctionner les récidivistes, pendant que l'agresseur du policier devra effectuer des heures de travail d'intérêt général. À la lumière d'un jugement qui n'envoie pas un message de fermeté aux délinquants, Mme la députée souhaite interroger M. le garde des sceaux. Quelles sont les dispositions qu'il entend mettre en œuvre pour l'application réelle et efficace de la circulaire de juillet 2023 ? Quelles mesures concrètes compte-t-il prendre pour que se généralisent enfin des réponses pénales fermes et dissuasives ? Combien de temps encore, les Français devront ils attendre que des peines à la hauteur des faits soient requises systématiquement ? Elle souhaite avoir des réponses à ces questions.
En application de l'article 1er de la loi du 25 juillet 2013 et des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et de l'indépendance de l'autorité judiciaire, il n'appartient pas au garde des Sceaux de donner quelque instruction que ce soit dans le cadre de dossiers individuels, d'interférer dans les procédures judiciaires, ni de formuler des appréciations sur les décisions rendues. Il est toutefois possible de relever qu'à l'occasion du Comité interministériel de la sécurité routière du 17 juillet 2023, la Première ministre a rappelé la détermination du Gouvernement dans la lutte contre la délinquance routière et sa volonté de réduire le nombre d'accidents, de sanctionner plus durement les comportements dangereux et de mieux accompagner les victimes. Conscient des perturbations majeures générées par les rodéos motorisés, le ministère de la justice est en effet pleinement engagé, depuis plusieurs années, dans la lutte contre ce type de faits troublant gravement l'ordre public et générant des risques graves d'accidents. Pour ce faire, la loi n° 2018-701 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés a inséré dans le code de la route les articles L.236-1 à L.236-3 permettant de poursuivre ces comportements. Si l'article L. 236-1 du code de la route réprime les faits de rodéos motorisés d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, cette répression est doublée lorsque les faits sont commis en réunion et portée jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende en présence de circonstances aggravantes. Les faits d'incitation, d'organisation d'un rassemblement destiné à permettre les rodéos motorisés ou leur promotion par tout moyen sont réprimés de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende (L. 236-2 du code de la route). Les personnes encourent en outre, au titre des peines complémentaires, notamment la confiscation obligatoire du véhicule ayant servi à commettre l'infraction et l'annulation de leur permis de conduire. La loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure est venue renforcer la lutte contre les rodéos en facilitant notamment les procédures lorsque les véhicules ont été loués (article L.321-1-1 du code de la route). Les nouvelles dispositions de l'article L.325-7 du code de la route permettent par ailleurs de constater, sous un délai réduit de sept jours, l'abandon d'un véhicule ayant servi à commettre l'infraction et le livrer à la destruction. Les véhicules pour lesquels les obligations relatives à l'immatriculation ou à l'identification n'ont pas été satisfaites au moment de leur mise en fourrière sont en outre, en l'absence de réclamation, considérés comme abandonnés dès leur entrée en fourrière et livrés à la destruction. Pour permettre la pleine application de ces dispositions, la circulaire du 18 juin 2021 et la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre 2022 ont appelé à la mise en œuvre d'une politique pénale empreinte de fermeté et insisté sur la nécessité de privilégier la voie du défèrement pour les faits les plus graves. Cette dernière a également souligné l'intérêt de la saisie systématique, en vue de leur confiscation, des véhicules ayant servi à commettre l'infraction. A cette fin, la conclusion de conventions avec les acteurs locaux permettant d'assurer le gardiennage à titre gracieux desdits véhicules, est encouragée. Sous l'impulsion de ces circulaires et conscients de l'importance de lutter sans relâche contre ces faits délictuels, les magistrats du parquet ont mis en place une politique pénale ferme afin de réprimer les rodéos motorisés dès lors que les éléments constitutifs de l'infraction ont pu être démontrés au cours de l'enquête. Ainsi, près de 3 000 personnes ont été mises en cause en 2022 dans des affaires de rodéo urbain, contre moins de 1 500 en 2019. La réponse pénale a également quasiment doublé entre 2019 et 2022 (+97%). Le nombre de condamnations visant au moins une infraction de rodéo urbain a plus que doublé en trois ans, passant de 651 en 2019 à 1 538 en 2022. Le quantum moyen ferme est de 6 mois. En outre, 346 mesures de confiscation de véhicule au sens strict ont été prononcées à l'encontre de personnes mises en cause pour au moins une infraction de rodéo urbain. Leur nombre a plus que doublé entre 2019 et 2022, suivant ainsi la même progression que le nombre de condamnations. Comme vous pouvez le constater, le Ministère de la Justice est donc pleinement mobilisé pour lutter contre le fléau des rodéos motorisés. Ces éléments chiffrés témoignent de la mobilisation des juridictions judiciaires au niveau national pour lutter contre ces comportements infractionnels. Pour autant, et au regard de la persistance de leur commission sur le territoire national, la circulaire du 20 juillet 2023 de politique pénale en matière routière a rappelé la nécessité de maintenir une politique pénale particulièrement ferme et dissuasive à l'encontre de leurs auteurs et que soit privilégiée, pour les faits les plus graves, la procédure de comparution immédiate. Afin d'assurer la meilleure appréhension de ces instructions par les magistrats du parquet mobilisés contre la délinquance routière, une boîte à outils relative au traitement judiciaire de la délinquance routière est diffusée à leur profit par le ministère de la Justice et porte, notamment, sur les modalités juridiques permettant de renforcer la lutte contre les infractions de rodéos motorisés.
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