M. Laurent Panifous attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur les grandes difficultés rencontrées par les Ehpad et notamment sur leur situation financière dégradée. Pour y faire face, législateur, Gouvernement et administrations doivent créer les conditions d'un exercice réaliste de ces métiers en les dotant d'un cadre réglementaire, financier, budgétaire, mais aussi fiscal, qui soit suffisant et stable, à la hauteur de l'enjeu que représente l'accompagnement des aînés dans la dignité. Or, depuis octobre 2021, le ministère des finances a décidé de remettre en cause la faculté des Ehpad publics de récupérer la TVA sur les dépenses d'investissement et, partiellement, sur les dépenses d'exploitation. En effet, les Ehpad publics ont eu la possibilité, eu égard à la nature de leurs activités et à leur caractère concurrentiel, de bénéficier du régime fiscal dit de l'assujettissement à la TVA. Les Ehpad privés lucratifs en bénéficient également. Ce régime fiscal permet une exonération de TVA sur la plupart des opérations d'investissement, notamment les travaux, un amortissement comptable de ces mêmes opérations sur une base hors-taxe. Il leur permettait aussi et surtout de bénéficier d'une exonération de la taxe sur les salaires - dont bénéficie toujours le secteur privé. De plus, s'ajoute à cette décision de non-assujettissement à la TVA, confirmé par le Conseil d'État, le rappel des sommes dues sur les trois années précédentes, comme c'est l'usage en matière fiscale. Les conséquences pour de nombreux Ehpad publics sont considérables et les sommes dues consécutives au rappel sur les 3 années antérieures, pourraient être fatales pour des établissements publics auxquels l'administration fiscale avait pourtant, depuis de nombreuses années, confirmé l'application de ce régime. Dans le contexte actuel que connaît le secteur des Ehpad, cette initiative de l'administration fiscale apparaît en total décalage avec les besoins croissants dans les territoires et les récentes prises de parole du Gouvernement. M. le député demande donc à M. le ministre le rétablissement de l'éligibilité au régime fiscal de l'assujettissement à la TVA pour les Ehpad publics afin de revenir ainsi à l'égalité de traitement entre les établissements quelle que soit leur nature juridique et éviter toute concurrence déloyale. À défaut, il lui demande a minima s'il va revenir sur le principe de rétroactivité sur les 3 années antérieures afin de soulager ces établissements publics déjà en grande difficulté, pour lesquels cette mesure, en particulier dans sa dimension rétroactive, sera probablement celle de trop.
Les règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sont fixées par le droit de l'Union européenne (UE), plus précisément la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA (dite « directive TVA »). Les règles d'assujettissement à la TVA des personnes morales de droit public sont prévues à l'article 13 de cette directive, transposé dans le droit national à l'article 256 B du code général des impôts (CGI). La question adressée à l'administration porte sur l'application de ce texte, lequel ne date pas de 2021 et fixe la situation, en matière de TVA, des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) exploités par une personne morale de droit public (établissement public, centre communal d'action sociale ou établissement public hospitalier). La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a précisé (arrêt du 29 octobre 2015, aff. C-174/14, Saudaçor - Sociedade Gestora de Recursose e Equipamentos da Saúde dos Açores SA) que le non- assujettissement à la TVA de tels organismes implique le respect de deux conditions cumulatives : - les activités ou les opérations sont accomplies par les personnes publiques en tant qu'autorité publique, cela même si elles perçoivent pour ces activités des droits, redevances, cotisations ou rétributions ; - le non-assujettissement des personnes publiques ne conduit pas à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. Lorsque ces conditions sont remplies, le droit de l'UE interdit de soumettre à la TVA les opérations des organismes en cause. Par une décision du 7 avril 2023, n° 463241, le Conseil d'État s'est appuyé sur l'arrêt précité de la CJUE pour préciser la situation au regard de la TVA des EHPAD gérés par une personne morale de droit public. Il ressort de cette décision que les EHPAD gérés par des personnes morales de droit public ne sont en principe pas assujettis à la TVA, cette analyse s'imposant autant aux contribuables qu'à l'État. S'agissant de la première condition prévue par la loi, le Conseil d'État a jugé que, par les dispositions prévues à l'article 256 B du CGI, la France a fait usage de la faculté offerte aux États membres à l'article 13 de la directive TVA, combiné avec le g du 1 de l'article 132 de cette même directive, de regarder comme une activité effectuée en tant qu'autorité publique le service social d'hébergement des personnes âgées dans des structures publiques telles que les EHPAD. S'agissant de la seconde condition, le Conseil d'État a posé une forme de présomption en considérant que la situation, en matière de TVA, des EHPAD gérés par une personne morale de droit public ne porte pas une atteinte à la concurrence d'une certaine importance à partir du moment où ces derniers sont soumis à une tarification administrée de leurs prestations d'hébergement correspondant à leur habilitation, pour l'ensemble ou la majorité des hébergements, à accueillir des personnes âgées à faibles ressources éligibles à l'aide sociale à l'hébergement. En comparaison, un opérateur privé à but lucratif est libre de choisir sa clientèle et de fixer ses tarifs dans les conditions prévues aux articles L. 342-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles. Cette situation n'entraîne pas non plus de distorsion de concurrence d'une certaine importance avec les établissements privés à but non lucratif qui accueillent dans des proportions significatives des personnes âgées dépendantes disposant de faibles ressources puisque ces derniers sont exonérés de TVA pour l'ensemble de leurs prestations en application des dispositions du b du 1° du 7 de l'article 261 du CGI. En sens inverse, les EHPAD publics qui se sont assujettis, à tort au regard de la loi, à la TVA, l'ont notamment fait pour éviter d'avoir à payer la taxe sur les salaires. Ce faisant, ils se sont appliqués un régime plus favorable que celui des établissements privés à but non lucratif ainsi que des EHPAD publics non assujettis à la TVA, lesquels sont redevables de la taxe sur les salaires, à propos de laquelle il est rappelé qu'elle est une importante ressource de la protection sociale. Lorsqu'un EHPAD public s'est assujetti à tort à la TVA après avoir reçu en ce sens une indication erronée de l'administration fiscale ayant la nature d'une prise de position opposable à l'administration, les rappels de TVA ne sont pas possibles. L'administration ne peut que demander à l'établissement de se mettre en conformité avec la loi dans les meilleurs délais. Tant que l'administration n'a pas formellement rapporté sa position, celle-ci lui demeure opposable, ce qui assure la sécurité juridique des établissements concernés. Par ailleurs, les EHPAD publics non assujettis à la TVA bénéficient pour leurs investissements du régime dit de « livraison à soi-même (LASM) à taux réduit de TVA à 5,5 % » prévu par les dispositions combinées du 2° du 3 du I de l'article 257 du code général des impôts (CGI) et du IV de l'article 278 sexies du même code. Ce dispositif permet au maître d'ouvrage, durant la réalisation des travaux de construction, de déduire la TVA qui lui est facturée au taux normal. À l'achèvement de l'immeuble, l'EHPAD est considéré comme se vendant à lui-même le bien construit. Il doit alors collecter la TVA à taux réduit sur cette opération. Globalement, ce régime lui procure donc une ressource pour financer l'opération, le montant de la TVA déduite sur les travaux étant supérieur à celui de la TVA collectée sur la LASM. Enfin, il est rappelé que la situation des EHPAD les plus fragiles a donné lieu à la mise en place d'un financement d'urgence ainsi que d'une instance de dialogue avec les collectivités départementales (les commissions départementales de suivi des établissements et services sociaux et médico-sociaux).
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