Mme Mathilde Panot alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la reconduction pour dix ans de l'autorisation du glyphosate et notamment sur la position regrettable de la France lors du vote du 13 octobre 2023. La France s'est abstenue alors qu'elle avait voté contre le renouvellement précédent en 2017. À ce jour, la France reste le premier utilisateur européen de cet herbicide et 70 % des sols agricoles français contiennent du glyphosate. En 2017, le président français Emmanuel Macron avait annoncé son engagement à interdire complètement le glyphosate en France avant 2021. Une promesse rapidement enterrée. Une guerre d'influence avait même opposé le ministre de la transition écologique et le ministre de l'agriculture, aboutissant à la démission du premier, Nicolas Hulot, qui dénonçait alors la pression des lobbies, notamment agricoles. Mme la députée interpelle M. le ministre quant à ces pressions des lobbies maintes fois dénoncées par les experts, chercheurs et spécialistes, alors que la FNSEA interpelait encore le président Emmanuel Macron pour un vote de la France par la voix d'Arnaud Rousseau, le 11 octobre 2023. Il apparaît à Mme la députée que cette abstention française acte une volonté masquée de renouvellement de la substance, sous ces pressions. Elle attire ainsi l'attention de M. le ministre sur l'engagement de l'Allemagne en faveur de l'abandon du glyphosate au sein de l'Union européenne, à rebours de celui de la France : en septembre 2023, le ministre de l'agriculture allemand avait averti des menaces pesant sur la biodiversité et souligné la nécessité d'une sortie coordonnée du glyphosate au niveau européen. Dans le même temps, en France, M. le ministre indiquait à Ouest-France que « tout converge vers une nouvelle homologation » au motif que l'« on fait confiance à la science, aux études qui disent que le glyphosate ne pose pas de problème cancérogène ». C'est également ce qu'avait dit la Première ministre Élisabeth Borne au Salon de l'agriculture en février 2023. Or, pour les toxicologues, cette évaluation des agences européennes est biaisée. Ainsi, dans les agences européennes, la balance penche généralement du côté des études de l'industrie, au détriment de la science. Et pour cause. Le scandale des Monsanto Papers en 2017 a révélé les pratiques frauduleuses et de corruption qui auraient été commises par la firme Monsanto (depuis rachetée par la multinationale Bayer), mettant au jour les biais des études industrielles étudiées : manipulation de données scientifiques, dissimulation d'informations aux autorités, rémunération de spécialistes pour biaiser les études. Monsanto qui a, par ailleurs, déjà été condamné en France. En effet, suite à l'action en justice de l'agriculteur-céréalier Paul François, la Cour de cassation a définitivement confirmé en 2020 la responsabilité de Bayer-Monsanto dans l'intoxication de l'agriculteur en raison d'un produit défectueux et mal étiqueté. Le chercheur Charles Benbrook a par exemple analysé toute la littérature sur les liens entre le glyphosate et la génotoxicité. Selon cette analyse, quand les auteurs des publications ne sont pas en conflit d'intérêts, 75 % des études concluent à un effet génotoxique du glyphosate sous la forme commercialisée du Roundup. D'une part, Bayer Monsanto aurait dissimulé une étude qui met en évidence les effets toxiques du glyphosate sur le développement neuronal. D'autre part, l'EFSA aurait également minimisé les preuves existantes provenant d'études sur les animaux et d'études épidémiologiques concernant les effets du glyphosate qui peuvent causer des dommages à l'ADN chez certains organismes. Déjà en 2017, sur les douze études disponibles sur la cancérogénicité du glyphosate, sept montraient un risque accru pour les rongeurs exposés à cette substance, mais les agences européennes ne les ont pas prises en compte. L'EFSA ne le nie pas : elle répond que « des lacunes de données sont mentionnées ». C'est le canon scientifique qui a été bafoué : ainsi, la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement, en France, demandait déjà à plusieurs reprises que deux évaluations portant sur l'impartialité et sur la rigueur méthodologique des expertises soit instaurées dans les instances européennes, idée salutaire pourtant classée sans suite. Aujourd'hui, Mme la députée interpelle M. le ministre alors qu'une nouvelle étude toxicologique internationale démontre que le glyphosate provoquerait une leucémie chez des rats et des décès consécutifs à un âge précoce. Les premières données de cette étude mondiale, présentée comme « la plus complète jamais réalisée sur le glyphosate et les herbicides à base de glyphosate », ont été rendues publiques, le 25 octobre 2023, à Bologne en Italie, lors de la conférence scientifique internationale « Environnement, travail et santé au XXIe siècle : stratégies et solutions à une crise mondiale ». Il est totalement irresponsable de réautoriser le glyphosate sans prendre en compte cette nouvelle alerte de la science, du potentiel danger du glyphosate pour la santé humaine. Mme la députée pense donc que, conformément aux directives internationales de l'EPA des États-Unis d'Amérique, le glyphosate devrait être classé comme cancérigène, comme cela a déjà été fait par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et également par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en France. Depuis des dizaines d'années, des milliers d'études scientifiques démontrent la dangerosité des pesticides à base de glyphosate. Des organismes publics comme l'INRAE, l'INSERM, le CIRC, le CNRS alertent sur la nocivité de ces produits sur la santé : cancérogénicité, neurotoxicité, toxicité pour les organes, perturbations endocriniennes, toxicité pour le développement prénatal. Le glyphosate est également un antibiotique, qui attaque les bactéries intestinales, crée un déséquilibre qui peut rendre les gens plus vulnérables à différentes maladies métaboliques comme l'obésité, le diabète, ou encore la stéatose. Les effets ne sont pas non plus neutres sur la nature : pollution des sols, effets sur la faune et la flore, risque pour les pollinisateurs, les vers de terre qui ont un rôle fondamental... Les risques ne doivent en aucun cas être sous-estimés. Enfin, l'EFSA a confirmé que le glyphosate avait un potentiel de perturbation endocrinienne aux doses considérées comme sûres dans l'Union européenne. La sortie du glyphosate est également un enjeu démocratique en Europe : les ONG Foodwatch, Générations Futures et WeMove ont lancé une pétition commune, ayant déjà recueilli plus de 600 000 signatures françaises. De surcroît, en 2022, 77 % des Français étaient favorables à la proposition de loi de La France insoumise pour l'interdire. PAN Europe a réalisé un sondage selon lequel deux tiers des personnes interrogées ont déclaré qu'elles souhaitent une interdiction totale des pesticides comme le glyphosate. Seulement 14 % des citoyens européens ont exprimé leur soutien à l'utilisation totale du glyphosate ! Certes, la FNSEA et les lobbies agricoles insistent sur l'impossibilité de se passer à la fois du labour et de la chimie, alors qu'en réalité, d'autres méthodes durables existent face à la dégradation des sols et que de nombreux agriculteurs et agricultrices sont en train de les expérimenter. C'est le cas en maraîchage, ou la technique dite du maraîchage sur sol. De même, une gestion des mauvaises herbes sans glyphosate est possible selon un rapport réalisé par l'ONG Pan Europe en mars 2023 : il appuie la nécessité de changer de paradigme sur les mauvaises herbes car « seulement 20 % des espèces peuvent nuire aux cultures / aux rendements » et en présente une série d'alternatives, de prévention ou de désherbage. Il est possible d'arriver à faire mieux que simplement le non-labour, en combinant par exemple le non-labour avec les principes de l'agriculture biologique : c'est le sujet de la thèse d'agronomie de Laura Vincent-Caboud, conduite avec des producteurs céréaliers biologiques du Rhône et soutenue il y a deux ans. Elle a pu démontrer, en particulier sur de la culture de soja, qu'il était possible de se passer de glyphosate, par le biais d'un tracteur muni d'un rouleau à l'avant pour coucher les couverts végétaux et d'un semoir à l'arrière pour déposer les graines en même temps. Cette combinaison apporte par ailleurs toute une série d'effets bénéfiques, comme un gain de temps de travail. Les solutions alternatives existent donc, à rebours du nouveau discours tenu sous la pression des lobbies. Il faut en financer l'approfondissement : les agriculteurs ne peuvent pas y arriver tout seuls. On peut relever ce défi pour la santé et l'environnement, avec le concours d'une planification écologique et agricole ambitieuse, de moyens pour la recherche publique à la hauteur de l'enjeu écologique, d'une réorientation des fonds de la PAC en conséquence, pour accompagner les agriculteurs dans la transition. Mme la députée souhaite ainsi interroger M. le ministre sur la prise en compte, dans l'élaboration de la position française qui sera entendue ce novembre 2023, pour ou contre le renouvellement de l'autorisation du glyphosate qui arrive à terme le 15 décembre 2023, sur le respect de l'engagement du président Macron, dans l'élaboration de la position française qui sera entendue en novembre 2023 ; sur le respect du principe de précaution inscrit dans les textes européens et la Constitution française, concernant les risques largement documentés susmentionnés pour l'environnement et la santé humaine, dans l'élaboration de la position française qui sera entendue en novembre 2023 ; sur la prise en compte du manque de données sur l'exposition des consommateurs aux résidus du pesticide, dans l'élaboration de la position française qui sera entendue en novembre 2023 ; sur la prise en compte des risques élevés à long terme pour les mammifères dans l'élaboration de la position française qui sera entendue en novembre 2023. Elle souhaite connaître sa position sur ce sujet.
Le 16 novembre 2023, la Commission européenne a soumis à un comité d'appel un projet de règlement renouvelant l'approbation du glyphosate pour 10 ans. À cette occasion, la France s'est abstenue, dans le cadre du renouvellement tel que proposé par la Commission européenne. Dans ce contexte, la Commission a le 28 novembre, comme elle l'avait annoncé à l'issue du comité d'appel, adopté sa proposition. À l'égard du glyphosate, la position française est claire : le Gouvernement n'est pas opposé au principe de renouvellement de la molécule, mais souhaite pour autant réduire rapidement son usage et encadrer l'utilisation de la molécule, afin d'en limiter les conséquences, et la remplacer par des alternatives, dès que celles-ci sont disponibles. Le Gouvernement a, à plusieurs reprises, formulé le souhait d'un encadrement plus strict des usages du glyphosate et fait des propositions à la Commission en ce sens. Ce point de vue, porté par la France, a permis une réduction de 27 % de l'utilisation du glyphosate depuis 2017, tout en ne laissant aucun agriculteur sans solution. Concrètement, il s'agit de mener des interdictions ciblées, d'encadrer les doses utilisées et d'accompagner les agriculteurs. Cette approche est fondée sur l'expertise scientifique, notamment de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, reconnaissant que le produit ne dispose pas d'effet avéré sur la santé dans le strict respect des doses et conditions d'utilisation. Toutefois, les agences soulignent un manque d'analyse sur les conséquences de la molécule sur la biodiversité. À cet égard, les recherches se poursuivent. La France a ainsi exprimé le souhait d'un délai de réhomologation plus court que les 10 ans proposés, afin de pouvoir intégrer les compléments d'analyse, dès lors qu'ils seraient disponibles. Dans ce contexte, le Gouvernement a demandé à la Commission européenne d'accélérer les travaux de mise au point des méthodes d'évaluation des risques indirects pour la biodiversité. Au niveau national, le glyphosate continuera à être encadré : son utilisation demeurera autorisée dès lors qu'il n'existe pas d'alternative, et le Gouvernement, à travers le plan Écophyto, poursuivra son effort de recherche d'alternatives et continuera à accompagner au mieux les agriculteurs. À ce titre, le Gouvernement a lancé, le 30 octobre 2023, une consultation des parties prenantes relative à la stratégie Écophyto 2030, qui fera l'objet d'une publication dans les prochains mois. Cette stratégie prévoit d'accélérer le développement d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques et de renforcer l'accompagnement des changements de pratiques.
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