M. Hadrien Clouet appelle l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur l'annulation autoritaire de décisions prises à l'unanimité de l'Assemblée nationale, avec l'assentiment même du ministre du travail, du plein emploi et de la formation. Au cours de cette législature, l'Assemblée nationale s'est prononcée en faveur d'un contrôle de la qualité des offres d'emploi déposées à Pôle emploi. Précisément, le 29 septembre 2023, elle a adopté à l'unanimité et avec double avis favorable du rapporteur et du ministre du travail l'amendement n° 1442 au projet de loi « pour le plein emploi ». Cet amendement prévoyait que Pôle emploi « contrôl[e] la légalité des offres d'emploi qu'il collecte et publie. Il a obligation de supprimer toute offre d'emploi illégale ». Pour reprendre les termes du ministre du travail, du plein emploi et de la formation, « malgré l'implication de la task force dédiée à cette mission, qui a réalisé 5 000 contrôles l'an dernier sur la base d'un échantillonnage lui aussi lié à un référentiel, ce système est très perfectible (...) il est donc utile de consacrer cette mission de vérification de la légalité des offres ». Or le Gouvernement et ses supplétifs ont supprimé cette disposition à l'occasion de la commission mixte paritaire, annulant de fait un consensus politique transpartisan. Et ce, quand bien même le projet France travail va multiplier le nombre d'inscrits dans le service public d'emploi, avec l'intégration des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) et des personnes en situation de handicap, dopant en conséquence le flux d'offres d'emploi. Car la situation est grave. En septembre 2022, la CGT chômeurs opérait un contrôle sur 1 900 offres, dont 76 % présentaient des illégalismes ou des mensonges. Un tel taux atteint 96 % dans le secteur du BTP et 80 % dans le secteur de l'aide à la personne. La situation en Haute-Garonne ne souffre d'aucune exception. Au 1er novembre 2023, dix minutes de recherche sur les serveurs de Pôle emploi permettent d'identifier les offres d'emploi illégales suivantes : préparateur de commandes à Cornebarrieu rémunérée à partir de « 20 000 euros par an », soit en-dessous du Smic (offre n° 5398212) ; ou animateur en contrat à durée déterminée (CDD) d'une durée interdite de 36 mois (offre n° 160MVFK). Comment l'expliquer ? D'abord, par le manque de moyens pour assurer ce contrôle au niveau de l'opérateur public. Dédoublonner les offres absorbe déjà des centaines d'heures de travail. Surveiller la légalité redouble le temps nécessaire. Vérifier la congruence entre le contenu de l'offre qui circule et le poste effectivement proposé est, dans ces conditions, impossible. Elle l'est d'autant plus que la doctrine de « transparence du marché du travail » a conduit à diffuser automatiquement les offres d'emploi hébergées sur des sites internet privés externes, au lieu de les collecter par le biais du service employeur, au terme d'une discussion utile avec l'employeurs. Mais sur ces sites externes, les offres ne sont pas enregistrées de la même manière qu'à Pôle emploi. Déposséder le service employeurs de Pôle emploi a donc appauvri le contenu des offres et directement multiplié les illégalismes en toute impunité. Aussi M. le député demande-t-il à M. le ministre pourquoi il revient sur des consensus parlementaires par le biais de commissions mixtes paritaires ? Pourquoi refuser des dispositions consensuelles, pour la seule raison qu'elles sont déposées par la France insoumise ? Quelles mesures entend-il prendre pour contrecarrer les offres illégales d'emploi ? Enfin, il lui demande quels moyens mettra-t-il au service de l'opérateur France travail à cette fin.
Le projet de loi pour le plein emploi, présenté le 7 juin 2023 en conseil des ministres par le ministre du travail, du plein emploi et de l'Insertion, a été adopté en première lecture par le Sénat le 11 juillet 2023, puis par l'Assemblée nationale le 10 octobre 2023. Le Gouvernement ayant engagé une procédure accélérée sur ce texte, une commission mixte paritaire s'est tenue le 23 octobre 2023. Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, l'objectif de la commission mixte paritaire est de proposer un texte commun entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur les dispositions restant en discussion, c'est-à-dire celles n'ayant pas été adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées lors de la première lecture du projet de loi. Il convient de souligner que le Gouvernement n'est pas représenté au sein de la commission mixte paritaire. En effet, le nombre de membres de cette commission est fixé par les règlements du Sénat et de l'Assemblée nationale à sept titulaires et sept suppléants pour chaque assemblée et comprend notamment les présidents de la commission saisis au fond ainsi que les rapporteurs respectifs du texte au Sénat et à l'Assemblée nationale. Désignés en s'efforçant de refléter au mieux la composition du Parlement, il revient donc aux seuls députés et sénateurs, représentés à parité au sein de la commission, le soin de parvenir ou non à un accord sur un texte commun. Absent lors des débats de la commission mixte paritaire, le Gouvernement ne dispose en outre d'aucun pouvoir d'amendement sur le texte examiné. Les députés et sénateurs ont la possibilité de s'accorder sur la rédaction votée par le Sénat, sur celle votée par l'Assemblée nationale ou bien encore sur une proposition de rédaction des deux rapporteurs du texte ou de l'un des deux, et pour lesquelles chaque membre est libre de proposer des améliorations et des modifications. Ces propositions de rédaction sont délibérées par la commission et ensuite mises aux voix. Aussi, il appartient bien aux seuls membres de la commission mixte paritaire d'accepter ou de refuser des dispositions ayant uniquement été votées par l'une des deux assemblées, et ce, même si celles-ci avaient reçu auparavant un avis favorable du rapporteur du texte et du Gouvernement lors de la première lecture du texte. La Commission mixte paritaire étant parvenue à un accord sur les dispositions du projet de loi pour le plein emploi restant en discussion, le Gouvernement, en application du troisième alinéa de l'article 45 de la Constitution, a soumis à l'approbation du Parlement le texte dans sa rédaction issue des travaux de la commission. Celui-ci a ainsi été définitivement adopté par le Sénat le 9 novembre 2023, puis par l'Assemblée nationale le 14 novembre 2023.
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