M. Joël Aviragnet appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'état de la pédopsychiatrie en France et sur la santé mentale des enfants et des jeunes. Les professionnels du secteur de la santé mentale alertent, les études le démontrent, sur l'état de santé mentale des Françaises et Français qui se dégrade sévèrement. Cette dégradation est particulièrement inquiétante chez les enfants et les jeunes. Le nombre de passages annuels au moins une fois en court séjour à l'hôpital à la suite d'une tentative de suicide ou d'actes d'automutilation a été multiplié par deux pour la classe d'âge 10-14 ans. On estime qu'entre deux et trois millions de jeunes Françaises et Français de moins de 19 ans souffrent de troubles de santé mentale. En pédopsychiatrie, les délais de prise en charge peuvent dépasser deux ans et les services d'hospitalisation sont surchargés. Directement liée à une pénurie de spécialistes encore plus prononcée comparée à l'ensemble des métiers de la santé mentale, la dégradation de la santé mentale des enfants et des adolescents appelle une réponse rapide et forte. Avec sa collègue Chantal Jourdan, M. le député a auditionné des dizaines d'acteurs de la santé mentale pendant près de six mois. Mme et M. les députés ont rédigé un plan paru à la Fondation Jean Jaurès de dix propositions pour faire de la santé mentale une grande cause nationale ainsi qu'une proposition de loi. Concernant les enfants et les jeunes, ils proposent notamment de : créer au moins 3 postes universitaires en pédopsychiatrie dans chaque faculté de médecine ; ouvrir des lits d'hospitalisation de pédopsychiatrie, grâce au renfort de professionnels proposé dans les mesures d'urgence ; consacrer la pédopsychiatrie comme une spécialité à part entière. Au-delà de la pédopsychiatrie, c'est l'ensemble des acteurs de la santé mentale qu'il faut renforcer. Notamment, on a besoin d'un tournant structurel dans l'organisation de la santé à l'école. Mme et M. les députés proposent ainsi de revaloriser les rémunérations (médecins, infirmiers, psychologues), d'investir dans l'embauche de personnels et de mettre en place un programme de formation continue et d'accompagnement de la communauté éducative et de la petite enfance : formations à l'accueil des enfants en situation de handicap, mais aussi à la détection de troubles mentaux, ou encore aux premiers gestes de secours en santé mentale. Enfin, des bilans de santé mentale pourraient être intégrés dans les examens médicaux obligatoires au cours de la scolarité. Ils proposent également d'avoir une action ciblée sur les enfants et les adolescents en situation de vulnérabilité accrue. Mme et M. les députés pensent ici aux enfants de l'aide sociale à l'enfance (ASE), aux enfants et adolescents suivis par la protection judiciaire de la jeunesse, aux enfants vivant dans des familles aux revenus précaires et aux enfants migrants. Enfin, ils pensent qu'un travail important sur le rapport de l'enfant à l'émotion doit être fait. Ils proposent notamment de créer un cours spécifique d'éducation à la santé mentale dans le premier et le second degré, à relier au cours d'éducation à la vie affective et sexuelle ou au cours d'empathie dont la création a été évoquée par le Gouvernement. Ainsi, il souhaiterait savoir s'il compte étudier les propositions formulées par le groupe Socialistes et apparentés pour la santé mentale des enfants et des jeunes et plus largement pour la santé mentale de l'ensemble de la population.
L'action du ministère du travail, de la santé et des solidarités en matière de santé mentale des enfants et des jeunes porte sur plusieurs champs. Dans le champ de la prévention, il s'agit de l'une des priorités ministérielles. Afin de libérer la parole en matière de santé mentale et lutter contre la stigmatisation des troubles psychiques, Santé publique France a lancé en 2021 puis reconduit en 2022 une campagne de communication et d'information pour les jeunes de 11-17 ans (#JEnParleA). Une action d'affichage a également été organisée au printemps 2022 au sein des établissements d'enseignement, en partenariat avec l'Education nationale et l'enseignement agricole. Par ailleurs, la stratégie multisectorielle de développement des compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes 2022-2037 publiée en août 2022 et signée par neuf directions d'administration centrale appartenant à huit ministères différents (dont l'Education nationale) fixe un objectif générationnel, à savoir que les enfants nés en 2037 soient la première génération à grandir dans un environnement continu de soutien au développement des compétences psycho-sociales. Elle définit pour les 15 prochaines années un cadre commun à tous les secteurs, incluant les étapes et les moyens à mobiliser, et prévoit une déclinaison opérationnelle au travers de feuilles de routes pour chaque secteur par période de 5 ans. Sur le volet des ressources humaines spécialisées en psychiatrie et pédopsychiatrie, le ministère du travail, de la santé et des solidarités est conscient des difficultés rencontrées par les professionnels sur le terrain, du fait des tensions sur les ressources humaines. Pour mémoire, en 2021, l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) comptabilisait 15 500 psychiatres ainsi que 59 000 infirmiers exerçant en psychiatrie et estimait la fin de la baisse du nombre de ces professionnels pour l'année 2023. A la suite de la révision de la maquette de formation des futurs psychiatres, le pourcentage des postes non choisis par les étudiants en psychiatrie est passé de 17,5 % en 2019 (531 postes ouverts aux Epreuves classantes nationales (ECN) pour 438 postes pourvus) à 6 % en 2022 (539 postes ouverts aux ECN pour 505 postes pourvus). En outre, afin de renforcer l'attractivité de la filière psychiatrique et pédopsychiatrique, la réforme du troisième cycle des études de médecine de 2017 a créé les options Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (PEA), anciennement appelée pédopsychiatrie, et Psychiatrie de la personne âgée (PPA), conférant à l'étudiant l'exercice d'une surspécialité sans conduire à un exercice exclusif. S'agissant plus spécifiquement de l'option pédopsychiatrie du DES de psychiatrie, pour l'année 2019-2020, 103 étudiants étaient inscrits pour 144 postes ouverts. Pour l'année 2022-2023, ce sont désormais 157 postes ouverts et 127 étudiants inscrits. Sur le plan universitaire, les assises de la santé mentale et de la psychiatrie ont fixé pour cible la présence d'au moins un professionnel hospitalo-universitaire titulaire en pédopsychiatrie par faculté et par centre hospitalo-universitaire. En 2023, deux postes de professeurs des universités – praticiens hospitaliers (PH) ont ainsi été créés (dont un dans le cadre des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie) et sept postes de maîtres de conférences des universités - PH (dont deux dans le cadre de ces mêmes Assises). S'agissant des financements des établissements de santé, un rattrapage financier global sur l'offre de soins en psychiatrie, et spécifiquement en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, a été amorcé depuis 2019 et est poursuivi chaque année depuis : - en opérant un rééquilibrage global des moyens financiers dévolus à la psychiatrie depuis 2018 : +50 M€ en 2018, +80 M€ en 2019, +110 M€ en 2020 et à nouveau +110 M€ en 2021. Ces crédits pérennes ont pu bénéficier à la pédopsychiatrie dans les territoires, selon les orientations stratégiques des Agences régionales de santé. - en mobilisant dès 2022, suite aux annonces issues des assises nationales de la santé mentale et de la psychiatrie qui se sont tenues fin septembre 2021, des crédits pérennes supplémentaires à un niveau historique, dont une partie concerne spécifiquement la santé mentale des jeunes et la pédopsychiatrie, au regard des effets de la crise sanitaire, avec en particulier : - le renforcement des Centres Médico-Psychologiques de l'enfant et de l'adolescent (CMP-EA) : principal acteur de la psychiatrie de secteur et de la prise en charge de proximité, ces structures font face depuis plusieurs années à une demande de soins croissante et à des délais d'attente qui s'allongent : +8 M€ par an pendant 3 ans (2022 à 2024). Le renforcement financier de ces structures doit permettre de recruter du personnel non médical afin de faciliter les premiers rendez-vous et ainsi réduire les délais d'attente. - le renforcement des Maisons des adolescents (MDA). Ce sont des lieux ressources sur la santé et le bien-être des jeunes qui maillent le territoire, à hauteur de 125 établissements : +10,5 M€ sur 2022-2023 ; - le développement de l'Accueil familial thérapeutique (AFT) : cette modalité offre une prise en charge adaptée dans un milieu familial et en restant suivi par une équipe de psychiatrie : + 5 M€ sur 2022-2023 ; - le renforcement des moyens dédiés à la prise en charge du psychotraumatisme, particulièrement pour la prise en charge des mineurs victimes de violences qui constitue une priorité gouvernementale : +3,5 M€ sur 2022-2023. Depuis 2019, un appel à projets national annuel portant spécifiquement sur la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent visant à renforcer l'offre dans les territoires les plus sous-dotés au regard des besoins a été mis en place. Cet appel à projet a bénéficié d'un financement à hauteur de 20 M€ entre 2019 et 2022. Devant le succès renouvelé année après année de cet appel à projets et l'ampleur des besoins remontés, cette enveloppe a été augmentée à 25 M€ de crédits en 2023. Après quatre années de pilotage national du dispositif, il a été décidé en 2023 de donner la main aux agences régionales de santé pour la répartition de ces crédits, celles-ci étant davantage en position d'apprécier les besoins et les réponses à apporter sur leur territoire. En 2024, une nouvelle vague d'appels à projets régionaux sera organisée afin de poursuivre et consolider les actions engagées, tout en incluant des actions en direction des publics vulnérables (enfants confiés ou publics très éloignés des soins). Dans le cadre du comité interministériel à l'enfance ainsi que des assises de la santé de l'enfant et de la pédiatrie, la santé mentale des enfants et des adolescents a été clairement énoncée comme une priorité gouvernementale et figure dans les axes de travail actuels de ces instances, dont les conclusions seront partagées en mai 2024. Le Premier Ministre a également annoncé en avril 2024 la refonte et le renforcement du dispositif Mon Soutien Psy, afin de mieux accompagner les Français, notamment les plus jeunes. Ils auront accès à davantage de séances gratuites chez le psychologue, rémunérées 50 euros pour les professionnels et sans avoir à passer par le médecin généraliste. Ce dispositif est central pour améliorer la prise en charge le plus tôt possible des jeunes qui en ont besoin.
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