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Matthieu Marchio
Question N° 12725 au Ministère du ministère du travail


Question soumise le 7 novembre 2023

M. Matthieu Marchio appelle l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la vive inquiétude des dirigeants d'entreprises de restauration des monuments historiques. La Commission européenne a effet présenté, le 13 février 2023, une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil qui concerne les valeurs limites pour le plomb et ses composés inorganiques. Cette proposition de directive vise à introduire des valeurs plus protectrices contre le plomb, qui représente environ la moitié de l'ensemble des expositions professionnelles à des substances reprotoxiques et donc de cas associés de maladies reprotoxiques. Elle conforte aussi le droit des travailleurs aux conditions de travail respectant la santé, la sécurité et la dignité. Le plomb a été massivement utilisé dans les bâtiments sous différentes formes et il n'existe pas de substitut satisfaisant présentant les mêmes performances techniques et la même facilité de mise en œuvre. Les recommandations formulées sont particulièrement contraignantes et mettent en cause l'utilisation du plomb par les professionnels de la restauration du patrimoine. Mais la diminution drastique des valeurs limites risque de condamner un nombre important d'entreprises de petite taille ayant développé un savoir-faire unique qui contribue à la restauration et la mise en valeur du patrimoine bâti français. Les métiers de maçon, couvreur, maître verrier, restaurateur de peintures murales sont particulièrement menacés. Aussi, il lui demande si elle va prendre les initiatives utiles afin de protéger les entreprises et les métiers du patrimoine, tout en faisant valoir bien entendu, auprès des instances européennes, les exigences spécifiques et nécessaires en matière de protection de la santé humaine et de l'environnement.

Réponse émise le 11 juin 2024

Il est évoqué la question de l'impact, pour le secteur de la restauration des monuments historiques, des négociations européennes autour des valeurs limites du plomb et de ses composés inorganiques dans le cadre de la mise à jour de la directive 2004/37/CE relative à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes ou à des substances reprotoxiques au travail (CMRD). Depuis 2021 et les premières discussions sur le sujet au sein du Comité consultatif pour la santé et la sécurité au travail (CCSST) de la Commission européenne, le ministère du travail, de la santé et des solidarités est chargé, pour la France, du suivi des négociations de cette directive. Les services du ministère sont en contact étroit avec ceux du ministère de la culture et le secteur des métiers d'art et du patrimoine (cristallerie, vitrail, instruments de musique, sculptures, peintures murales, couvertures et maçonnerie du patrimoine bâti) afin de prendre en compte les particularités de ces métiers riches de nombreuses très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) et très féminisés dans certains secteurs comme le cristal ou le vitrail. Une journée technique portant sur « Le plomb dans les monuments historiques » a été organisée le 7 octobre 2022 avec le ministère de la culture pour informer les professionnels du patrimoine des textes discutés au niveau européen et débattre notamment de la manière de concilier protection des travailleurs et conservation des métiers, techniques et savoir-faire mettant en œuvre le plomb, tant au bénéfice de la production artistique que de la conservation et de la restauration du patrimoine culturel. Plus récemment, en juin et juillet 2023, des échanges ont eu lieu avec le secteur sur la proposition de directive de la Commission et sur les amendements du rapporteur du Parlement européen. Dans le contexte du nouveau cadre stratégique sur la santé et la sécurité au travail (2021-2027), la commission s'est engagée à mettre à jour les valeurs limites de protection des travailleurs pour le plomb. Les changements issus de la proposition de directive sont cruciaux pour protéger les travailleurs dans le contexte de transition climatique et de mise en œuvre de l'objectif européen de neutralité carbone dans lequel le plomb est susceptible d'être utilisé notamment. Pour rappel, le plomb et ses composés inorganiques peuvent notamment affecter la fertilité, nuire au développement du fœtus sans effet de seuil et endommager le système nerveux, les reins, le cœur et le sang des personnes exposées et est suspecté de provoquer des cancers. Les avis scientifiques de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), rendus en 2019 et 2022, du Haut conseil de santé publique (HCSP) en 2021, et de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de 2020 s'accordent pour recommander un abaissement significatif des valeurs limites actuelles et demandent une vigilance particulière pour les femmes en âge de procréer. C'est à la lumière de ces différents enjeux qu'a été portée, en concertation avec l'ensemble des ministères concernés, une position équilibrée au Conseil de l'Union européenne visant tant à améliorer la protection des travailleurs qu'à préserver notamment l'accès de ces métiers aux femmes. La France a, en particulier, soutenu une application progressive des dispositions pour donner le temps aux entreprises d'adapter les postes de travail et de rechercher des substitutions au plomb par des produits moins dangereux, lorsque cela est possible. A également été porté le souhait de ne pas inclure une valeur guide biologique réglementairement opposable pour les femmes, qui aurait pu aboutir à leur interdire l'accès à ces métiers, en contrepartie d'un renforcement de leur suivi médical. Par ailleurs, puisque l'élimination du plomb présent dans le corps d'un travailleur est un phénomène lent, de plusieurs mois à plusieurs années, il est acquis qu'à l'entrée en application des dispositions de la future directive et quel que soit le niveau retenu, un nombre important de travailleurs préalablement exposés conserveront une plombémie (concentration de plomb dans le sang) supérieure à la nouvelle valeur limite biologique. C'est pourquoi le gouvernement français a défendu avec succès lors des négociations le fait de permettre auxdits travailleurs de rester en poste si la surveillance médicale conclut à une diminution constante de cette plombémie. Ces dispositions équilibrées permettent de préserver à la fois la santé des travailleurs et leur emploi. La directive a été adoptée par le Parlement européen le 7 février 2024 et publiée le 19 mars 2024. La réglementation française est particulièrement protectrice pour les travailleurs exposés au plomb en prévoyant, en complément des dispositions relatives aux agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, des mesures spécifiques telles que des valeurs limites biologiques à respecter, la mise en place d'installations sanitaires et de décontamination, etc. Les nouvelles dispositions permettront également la mise en place plus précocement du Suivi individuel renforcé (SIR) déjà effectif par les services de prévention et de santé au travail. Cette mesure va renforcer la surveillance de l'état de santé des femmes exposées au plomb et de leurs enfants à naître, sans porter préjudice à leur accès et à leur maintien équitable dans l'emploi, notamment dans les métiers d'art et de la restauration du patrimoine. En outre, les ministères chargés du travail et de la culture sont particulièrement attentifs aux mesures de prévention des risques sur les chantiers et en ateliers. A ce titre, l'inspection du travail effectue de nombreux contrôles contribuant à la protection des travailleurs face à l'exposition au plomb. Dans ce cadre, il paraît intéressant de citer le chantier de Notre Dame de Paris, qui a permis de tirer de nombreux enseignements sur l'utilité des mesures de prévention à mettre en œuvre et sur l'accompagnement nécessaire des entreprises en la matière. Aussi, les différentes directions ministérielles travaillent activement, en lien avec les organismes de prévention et les organisations professionnelles concernées, à la révision des outils et guides d'accompagnement des entreprises dans l'objectif de faciliter la mise en œuvre de ces mesures de prévention.

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