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Louise Morel
Question N° 12661 au Ministère de la transition écologique


Question soumise le 7 novembre 2023

Mme Louise Morel alerte M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la situation défavorable dans laquelle est placée la filière bois du fait de la mise en application de la filière responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB). En effet, la mise en œuvre de la filière REP depuis le 1er mai 2023 génère des distorsions de concurrence non seulement avec les produits importés qui ne sont pas soumis à cette éco-contribution, mais également vis- à-vis des autres produits de la construction (acier, béton) dont l'éco-contribution est plus faible (0,08 euros la tonne pour l'acier contre 8 euros la tonne pour le bois en 2023 par exemple). De plus, le coût de traitement des déchets du bâtiment dans la REP PMCB est également moins favorable pour le bois : alors qu'il est de 23 euros pour le bois, il est de 3,5 euros seulement pour le béton. Cette situation va entraîner logiquement une préférence pour le béton et l'acier au détriment du bois, allant à l'encontre des objectifs de décarbonation du secteur du bâtiment. Par ailleurs, alors que l'ADEME proposait à l'origine que le contributeur soit le dernier acteur industriel ayant transformé ou assemblé les produits et matériaux avant-vente, ce sont aujourd'hui les industriels de la première transformation (scieurs, trancheurs, dérouleurs de bois) qui doivent s'acquitter de l'éco-contribution. Dans le contexte d'une conjecture économique déjà difficile, les barèmes de l'éco-contribution sont difficilement supportables pour la filière bois. Or ils vont entamer une montée en charge à partir de 2024 jusqu'à 2027, ce qui pourrait être fatal à nombre d'entreprises du secteur. Enfin, il y a aujourd'hui plus d'entreprises qui ne sont pas affiliées à un éco-organisme que d'entreprises disposant d'un agrément. Aucune action n'ayant été intentée depuis l'entrée en vigueur de la REP PMCB au 1er mai 2023 pour redresser cette situation, les entreprises qui respectent la loi sont paradoxalement désavantagées par rapport à celles qui ne la respectent pas. Alors que les professionnels du secteur réclament le gel des barèmes existant, elle lui demande s'il entend revenir sur les règles de la REP PMCB afin de les faire correspondre aux objectifs de décarbonation du bâtiment que l'on a définis.

Réponse émise le 5 décembre 2023

La loi anti-gaspillage de février 2020 a créé la filière à responsabilité élargie des producteurs de produits et matériaux de construction du bâtiment. En effet, compte tenu de l'absence d'exutoires pour les déchets de chantiers des professionnels du bâtiment, et de la multiplication des dépôts sauvages de déchets, qui avait conduit au tragique décès du maire de Signes dans le Var le 5 août 2019, le Parlement avait décidé de soumettre la collecte, le tri et la valorisation des déchets du bâtiment à la responsabilité élargie des producteurs. S'agissant d'une filière comportant de très nombreux acteurs, la définition du cahier des charges de la filière, et l'agrément des 4 éco-organismes qui à la fois collectent les éco-contributions des entreprises metteurs en marché des produits et matériaux de construction et organisent la collecte et soutiennent les collectivités locales participant à la collecte de ces déchets pour les particuliers ou les professionnels, a été pleinement effective au début de l'année 2023. Si dans un premier temps, les éco-organismes avaient défini en septembre 2022 le montant des éco-contributions qu'ils appellent, en tenant compte de la trajectoire de montée en puissance des soutiens à accorder aux nouvelles installations de collecte et de tri à mettre en œuvre, plusieurs d'entre eux ont finalement décidé de revoir à la baisse ce montant fin 2022, remettant en cause leurs engagements de déployer des points de collecte des déchets triés comme ils s'y étaient engagés. De fait, alors que les points de collecte et les actions à mener en 2024 nécessitent des moyens supplémentaires, ces éco-organismes n'ont d'autre choix que d'augmenter le montant de l'éco-contribution à appeler pour 2024. C'est effectivement une augmentation d'éco-contribution plus importante qui est demandée à l'ensemble des producteurs de produits et matériaux de construction, sachant que la collecte et le recyclage du bois est l'un des postes les plus coûteux aujourd'hui dans cette filière. Elle a conduit au moins un des éco-organismes à augmenter l'éco-contribution des acteurs de la filière bois, tout en prévoyant, comme la loi le lui permet, de répartir cette augmentation de contribution sur les producteurs d'autres matériaux, comme l'acier ou le plâtre. La décision de faire contribuer les producteurs de matériaux très en amont de la filière, qu'ils soient produits en France ou importés, au lieu de faire contribuer des producteurs de produits finis, par exemple les charpentiers qui livrent des éléments préfabriqués sur les chantiers, conduit en termes d'affichage à une augmentation potentielle du prix des produits plus importante. Ce choix a été motivé par la très forte opposition des professionnels du bâtiment d'eux-mêmes de contribuer au financement de la filière, ce qui est regrettable car ils en sont avant tout les principaux bénéficiaires en mettant à leur disposition toute une infrastructure qui manque cruellement aujourd'hui. Les éco-organismes ont le devoir vis-à-vis de leurs adhérents, de rechercher et de relancer les entreprises non-contributrices. Or, à ce stade, aucun effort n'a été entrepris pour identifier ces non contributeurs, contrairement au fonctionnement normal de ces éco-organismes. De fait, s'il y a des entreprises non-contributrices, il est difficile pour les services de contrôle de l'Etat de les poursuivre. Des discussions sont en cours avec les metteurs en marché et les éco-organismes, mais les solutions proposées à ce stade par ces derniers ne sont pas suffisantes pour permettre une juste sanction des non contributeurs. Il importe avant tout que la filière à responsabilité élargie des producteurs de la filière des produits et matériaux de construction monte en puissance selon le calendrier prévu, afin de pleinement lutter contre les dépôts sauvages, et que l'ensemble des acteurs concernés se mobilisent pour atteindre cet objectif.

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