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Béatrice Roullaud
Question N° 12644 au Ministère du ministère de la justice


Question soumise le 7 novembre 2023

Mme Béatrice Roullaud interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la nécessité de la levée du secret médical pour lutter contre le fléau des violences familiales. Il est en effet largement constaté que les victimes de violences, notamment conjugales, sont sous une emprise qui les enferme souvent dans le silence et la résignation et les empêche de révéler les faits qu'elles subissent à leur entourage comme aux autorités publiques. Afin de favoriser la révélation de ces violences par les professionnels de santé et améliorer la protection des victimes, la loi du 30 juillet 2020 permet une dérogation au secret médical en modifiant les dispositions de l'article 226-14 3° du code pénal. Le professionnel de santé peut ainsi désormais déroger à son obligation de secret à la condition que ces violences mettent la vie de la victime en danger immédiat et que celle-ci ne soit pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l'emprise exercée par l'auteur. Ce professionnel peut alors, en conscience, porter à la connaissance du procureur de la République cette situation sans avoir préalablement obtenu le consentement de la victime. Cette disposition a pour objectif louable de mettre rapidement en place un accompagnement et une protection de la victime, mais dans les faits elle a aussi contribué à complexifier les textes, rendant plus difficile la détermination des cas dans lesquels l'intervention s'impose et ceux dans lesquels la révélation est permise. Si ce texte rend possible la levée du secret en cas de danger immédiat pour la victime, elle ne l'impose pas, laissant ainsi le professionnel face à un choix « en conscience ». Elle lui demande en conséquence si cette disposition a bien permis depuis trois ans une progression des signalements émanant des professionnels de santé ou bien si, au contraire, elle a alimenté leur inquiétude quant à la bonne compréhension des situations permettant de lever le secret.

Réponse émise le 2 avril 2024

La lutte contre les violences intrafamiliales est une des priorités d'action du Gouvernement et constitue une priorité de politique pénale du ministère de la Justice. Afin de compléter l'arsenal législatif existant en matière de violences conjugales, la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 a prévu la possibilité pour les médecins et les professionnels de santé de déroger, à certaines conditions, au secret médical. En effet, malgré le principe posé à l'article 226-13 du code pénal, ils peuvent procéder au signalement des faits auprès du procureur de la République, dès lors qu'ils estiment en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l'emprise exercée par l'auteur des violences (article 226-14 3° du code pénal). Si le médecin ou professionnel de santé doit s'efforcer d'obtenir l'accord de la victime majeure, il doit, en cas d'impossibilité d'obtenir cet accord, l'informer du signalement fait au procureur de la République. Il importe de rappeler que cette modification législative résulte de la conciliation entre d'une part, l'objectif d'intérêt général d'une meilleure détection et identification des situations de violences intrafamiliales, et d'autre part, la préservation du secret médical, véritable devoir attaché à la qualité de médecins et de professionnels de santé. Ce secret s'impose au médecin et professionnel de santé, tant par l'effet de la loi, qu'au titre d'une règle déontologique placée sous le contrôle des instances ordinales des différentes professions concernées. Il est enfin une obligation européenne garantie par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'une prescription constitutionnelle fondée par le Conseil constitutionnel sur le principe de liberté affirmé à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Aussi, en accord avec la position de l'Ordre national des médecins, si la protection du secret médical connaît des exceptions nécessaires à sa conciliation avec des impératifs d'intérêt général, la possibilité nouvelle d'effectuer un signalement en cas d'urgence vitale immédiate en matière de violences exercées au sein du couple ne saurait remettre en cause le principe de ce secret, garantie fondamentale de la relation de confiance entre un patient et son médecin. Afin de favoriser l'appropriation de ces nouvelles dispositions par les différents acteurs, des travaux inédits ont été engagés par un groupe de travail piloté par la Haute fonctionnaire à l'égalité femmes-hommes du ministère de la Justice, en étroite collaboration avec le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) et la Haute autorité de santé (HAS). Tels qu'annoncés par la circulaire du 3 août 2020, ces travaux ont abouti à la rédaction d'un vade-mecum, publié sur le site intranet de la DACG, à la page dédiée aux violences au sein du couple et destiné à accompagner, tant les professionnels de santé confrontés à de telles situations, que les procureurs de la République dans leur mission de définition des modalités de transmission de ces signalements. Ce vade-mecum est ainsi composé d'un modèle type de signalement, d'une notice d'utilisation de cette trame, d'une fiche présentant le circuit de traitement juridictionnel des signalements et d'un document présentant les notions d'emprise et de danger immédiats telles qu'elles émanent des textes et de la jurisprudence. Au 1er février 2024, ce sont 74 protocoles locaux de signalement des situations à risque qui ont été signés et mis en œuvre entre les hôpitaux ou médecins libéraux et les juridictions ; ce sont 47 autres protocoles qui sont en cours de signature dans différents ressorts du territoire national et 29 protocoles qui sont envisagés. Ces travaux s'inscrivent pleinement dans l'engagement continu du ministère de la Justice aux fins de généraliser les dispositifs d'accueil et d'accompagnement des victimes de violences conjugales, intrafamiliales et/ou sexuelles au sein des établissements de santé, avec notamment la généralisation du recueil de plaintes par les forces de l'ordre et du recueil de preuves sans plainte en milieu hospitalier. Ces dispositifs favorisent la libération de la parole de la victime et sa protection immédiate, dans une phase de vulnérabilité particulière, alors qu'elle est blessée et en recherche de soins. Une boîte à outils a été diffusée via la circulaire interministérielle du 25 novembre 2021 afin d'inciter au déploiement de ces dispositifs, mettant à disposition des juridictions des outils à visée opérationnelle, tels qu'un modèle de protocole d'accueil et d'accompagnement des victimes au sein des établissement de santé, des fiches action détaillant les modalités pratiques d'intervention de chaque acteur, ainsi que des trames destinées à faciliter les démarches des professionnels de santé. Enfin, la mesure 19 du plan du Gouvernement 2023-2027 contre les violences faites aux enfants, présenté le 20 novembre 2023 par la Première ministre lors du troisième comité interministériel à l'enfance, énonce qu'il convient de garantir l'obligation de protection des professionnels de santé qui signalent des situations de violence faites aux enfants et qu'ainsi, il s'agit d'engager des travaux de modification des codes de déontologie avec les professionnels concernés pour clarifier leurs obligations d'agir.

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