Mme Danièle Obono alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, sur les insuffisances de la politique de développement du fret ferroviaire en France et notamment sur la question des plateformes logistiques. Le fret ferroviaire présente de nombreux atouts à la fois sur le plan écologique, (9 fois moins de CO2 émis que le même trajet par la route et consomme 6 fois moins d'énergie), économique (possibilité de massification importante des volumes de marchandises transportées et donc réduction des coûts de transports à l'unité), mais également en matière de sécurisation des acheminements, de fiabilité (sur les délais) et de compatibilité avec d'autres moyens de transports (multimodalité). Malgré ces atouts, le fret ferroviaire n'a fait que de perdre du terrain : depuis l'an 2000, il a vu une baisse drastique des volumes transportés (-43 %) et a vu ses parts de marché diminuer fortement, passant de 2/3 des marchandises transportées dans les années 50 à seulement 9,6 % en 2020. De nombreux facteurs sont mis en avant, tels que l'ouverture forcée à la concurrence du secteur sous l'effet du droit de l'Union européenne et la fragmentation du marché qui en a résulté, la faible densité industrielle de la France, la dégradation du réseau actuel (l'âge moyen des voies était de 28,6 ans en 2021, contre 17 ans en Allemagne) ou encore la concurrence indirecte du fret routier dont les coûts sont devenus de plus en plus compétitifs. Face à cette situation, le Gouvernement a annoncé de nombreux plans de soutien à la filière tels que la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire en 2021 - qui vise à augmenter la part de marché du fret ferroviaire de 9 % à 18 % en 2030 tel que prévu par l'article 131 de la loi n° 2021-1104 - mais également du plan d'avenir pour les transports doté de 100 milliards d'euros d'investissement en faveur du transport ferroviaire de proximité et visera notamment à rénover le réseau ferré français vieillissant. Son financement repose sur différents acteurs tels que les régions, à travers notamment la conclusion de contrats de plan État-Région (CPER). Sur les 100 milliards d'euros, 4 milliards seront spécifiquement alloués sur la période 2023-2032 aux infrastructures de fret ferroviaire, dont 2 milliards financés par l'État. Or, notamment dans le cadre de la commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir menée actuellement par l'Assemblée nationale, la mise en œuvre des plans annoncés, comme celui du plan d'avenir pour les transports, tarde à se préciser. Aussi, Mme la députée souhaiterait obtenir des précisions du Gouvernement concernant la mise en place concrète de ce plan dans les prochains mois à venir, sachant que les négociations entre l'État et les régions des contrats de plan État-Région (CPER) pour le financement du plan sont toujours en cours. Ces précisions sont essentielles afin que les acteurs publics et privés de ce secteur puissent se projeter et définir par exemple les investissements nécessaires pour s'y préparer. Par ailleurs, les faibles gains de parts de marché enregistrés par le fret ferroviaire, notamment en 2021 avec 10,7 % - soit une hausse de +1,1 point en 1 an - grâce notamment au développement du transport combiné, qui permet de conjuguer différents modes de transports grâce à l'utilisation de conteneur adaptés. Ce chiffre souligne ainsi l'importance du développement des plateformes logistiques multimodales. Or la structure du capital de certaines de ces plateformes - lorsque des parts sont notamment achetées par des acteurs extra-européens - n'est pas de nature à assurer la pleine souveraineté du pays sur des infrastructures pourtant essentielles au bon fonctionnement des chaînes logistiques nationales. Face à cet enjeu stratégique majeur, elle lui demande des précisions concernant la stratégie du Gouvernement pour éviter que les capitaux de ces plateformes soient trop éparpillés au profit d'acteurs étrangers et qu' in fine, on perde le contrôle de ces infrastructures essentielles.
L'Etat est pleinement mobilisé pour la relance du fret ferroviaire. Dans cet objectif, la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, publiée en septembre 2021 et validée par décret du 18 mars 2022, est en cours de déploiement et comprend 73 mesures opérationnelles construites en partenariat étroit avec les acteurs du secteur. Dans le sillage du lancement de cette stratégie, une enveloppe budgétaire additionnelle de 170 M€ a été mise en place à partir de la loi de finances pour 2021 afin de renforcer les soutiens à l'exploitation aux services. Si la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire prévoyait initialement le maintien de cette enveloppe supplémentaire jusqu'en 2024, son maintien jusqu'en 2030 a été annoncé en mai 2023 afin de continuer à soutenir les opérateurs fortement touchés par les crises récentes (coûts de l'énergie, mouvements sociaux début 2023), de donner de la visibilité aux acteurs pour favoriser l'investissement. Dans le prolongement des engagements pris dans le cadre du plan de relance et des travaux menés par le conseil d'orientation des infrastructures, le Gouvernement a également annoncé, en mai 2023, un plan d'investissements de 4 Md€ dont la moitié financée par l'Etat. L'ambition est, d'ici 2032, de poursuivre la dynamique d'investissement initiée dans le cadre du plan de relance en faveur des infrastructures spécifiques aux services de fret ferroviaire. Un travail partenarial d'identification et de programmation des investissements est actuellement mené entre l'Etat, SNCF Réseau et les représentants de l'Alliance 4F. Concernant le financement des plateformes multimodales, à ce stade, la structuration financière des projets récemment suivis par les services du ministère des transports n'a pas conduit à identifier le risque évoqué. Le Gouvernement restera néanmoins effectivement vigilant à ce que la Nation conserve la maîtrise de ces infrastructures particulièrement importantes.
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