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Christophe Blanchet
Question N° 12357 au Ministère de la justice


Question soumise le 24 octobre 2023

M. Christophe Blanchet interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le sujet des liquidations judiciaires et de leur effets sur les créanciers, notamment sur les créanciers privilégiés tels que l'URSSAF et l'administration fiscale. Il a été observé que les liquidations judiciaires représentent une part prédominante de l'activité des tribunaux de commerce, avec plus de 70 % des affaires traitées. À la clôture de ces liquidations pour insuffisance d'actif, une grande proportion des créanciers de l'entreprise liquidée ne sont pas indemnisés et leur perspective de recouvrer leur créance est fortement compromise, étant donné l'absence de droit de poursuite individuelle post-procédure. En outre, l'engagement de la responsabilité des dirigeants est rare et est généralement circonscrit à des cas exceptionnels. Cela met en exergue la problématique de l'absence de garantie pour le recouvrement des créances, notamment pour les créanciers privilégiés qui représentent la collectivité. De plus, certaines de ces liquidations judiciaires concernent des entrepreneurs pour qui cela ne représente pas le premier dépôt de bilan. Si l'inexpérience ou un droit à l'erreur peuvent naturellement être entendus pour la première liquidation judiciaire, un devoir de vigilance devrait être de mise et signifié dès la deuxième. Au bout de la troisième liquidation judiciaire, il serait peut-être judicieux d'instaurer une peine plancher au regard du poids que cela représente pour l'État et la société. Il lui demande si le ministère envisage des mesures pour renforcer les sanctions à l'égard des dirigeants récidivistes, par exemple en instaurant une peine plancher, voire une interdiction de gérer après la troisième liquidation judiciaire d'une même personne ?

Réponse émise le 26 décembre 2023

Lorsqu'une entreprise se trouve en état de cessation des paiements, c'est à dire qu'elle ne peut plus payer ses créanciers à l'échéance convenue, et que son redressement est jugé manifestement impossible, le tribunal compétent prononce à son égard la liquidation judiciaire. Un mandataire judiciaire est alors désigné aux fonctions de liquidateur pour réaliser les actifs de l'entreprise et en répartir le produit entre ses créanciers. Lorsque les créanciers venant en rang utile sont payés et qu'il n'existe plus d'espoir pour les autres créanciers d'être désintéressés, la procédure est alors clôturée pour insuffisance d'actif. En ce cas, le principe est celui de la non reprise des poursuites individuelles. S'agissant d'une entreprise individuelle, l'objectif est de favoriser le rebond du chef d'entreprise. Le principe est néanmoins tempéré, puisque les poursuites individuelles peuvent notamment reprendre si la faillite personnelle est prononcée à l'encontre du débiteur ou si celui-ci a déjà fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif dans les cinq années qui précédent.  S'agissant d'une personne morale, le principe de la non reprise des poursuites individuelles découle de la disparition de la société consécutive à la clôture de la procédure. Qu'il s'agisse d'une entreprise individuelle ou d'une personne morale, des sanctions peuvent cependant être prononcées par le tribunal à l'encontre du chef d'entreprise. Des sanctions professionnelles peuvent être prononcées par le tribunal de commerce qui décide d'évincer de la vie des affaires le dirigeant jugé inapte ou indélicat : le chef d'entreprise est alors interdit de gérer pour une durée pouvant aller jusqu'à quinze ans. Contrevenir à une telle interdiction est susceptible de sanctions pénales pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 375 000 € d'amende.  Des sanctions patrimoniales peuvent également être prononcées par le tribunal de commerce qui décide de mettre à la charge du dirigeant, reconnu fautif, tout ou partie du passif de l'entreprise. Des sanctions pénales peuvent enfin être prononcées par le tribunal correctionnel notamment à l'encontre du chef d'entreprise reconnu coupable de banqueroute (cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende). Les tribunaux disposent donc d'un large éventail de sanctions susceptibles d'être prononcées à l'encontre du chef d'entreprise, dans le respect du principe d'individualisation des peines.

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