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Karen Erodi
Question N° 12285 au Ministère du travail


Question soumise le 24 octobre 2023

Mme Karen Erodi alerte M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur le nombre conséquent d'accidents du travail comptabilisé chaque année en France. En 2021, près de 640 000 accidents du travail ont été déclarés pour les salariés du régime général et du régime agricole, dont 39 000 accidents graves et près de 700 mortels. Mercredi 11 octobre 2023, un travailleur intérimaire de 35 ans est mort sur son lieu de travail à Paris lors de sa première journée de travail. Dans le Tarn, en mai 2023, un terrible accident a failli coûter la vie à un agent d'une entreprise spécialisée dans le béton à Labastide-de-Lévis. Outre une campagne de communication culpabilisante envers les salariés et évoquant la mort d'un ouvrier sur son lieu de travail lancée fin septembre 2023, quelles sont les réelles actions mises en place par le ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion pour éradiquer les accidents du travail, notamment graves et mortels ? La France est première sur le triste podium du nombre de décès au travail devant l'Italie et l'Allemagne au niveau européen. Force est de constater que les mesures actuellement en place ne sont pas suffisantes. En outre, Mme la députée s'interroge sur les conséquences néfastes que pourrait entraîner l'adoption de l'article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Pour reprendre les termes de Michel Ledoux, avocat de plusieurs victimes de l'amiante, cet article est un « retour en arrière désastreux » puisque s'il est voté en l'état, il serait un revirement de la jurisprudence et surtout un cadeau du Gouvernement au patronat. Il viendrait en effet à réduire les potentialités d'indemnisation que peuvent obtenir les victimes en cas de faute inexcusable par l'employeur négligent. Elle souhaiterait donc connaître sa position à ce sujet.

Réponse émise le 19 décembre 2023

Pleinement engagé dans l'amélioration de la santé et de la sécurité au travail, le ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion inscrit son action dans le cadre de deux feuilles de route stratégiques dédiées au sujet, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et les organismes de prévention en santé au travail. Le 4ème plan santé au travail (PST4 – 2021-2025) déploie ainsi 90 actions portant sur les enjeux actuels de la santé au travail tels que le développement d'une culture de prévention, la priorisation de certains risques professionnels, la promotion de la qualité de vie et des conditions de travail, ou encore la mise en œuvre de la prévention de la désinsertion professionnelle. Il se décline dans les régions par des plans régionaux santé travail. Il s'accompagne, pour la première fois, d'un plan dédié à la prévention des accidents du travail graves et mortels (PATGM - 2022-2025) dans lequel 27 mesures concrètes et opérationnelles ciblent les publics les plus exposés aux accidents du travail que sont les jeunes et nouveaux embauchés, les travailleurs intérimaires, les travailleurs indépendants et détachés, ainsi que les risques principaux à l'origine des accidents graves ou mortels (risque routier, chutes de hauteur, utilisation de certaines machines…). Grâce à une mobilisation importante des partenaires, de nombreuses actions ont d'ores et déjà été engagées et ont abouti à des réalisations concrètes : intégration des enjeux de santé et de sécurité au travail dans les conventions de stage pour les élèves en lycée professionnel et diffusion de messages de prévention à leur égard ; déploiement d'une campagne de prévention multilingue à destination des travailleurs allophones, détachés et saisonniers ; conventionnement avec certaines branches professionnelles pour mieux prévenir les risques professionnels prioritaires ; production d'outils de sensibilisation sur les risques professionnels liés aux vagues de chaleur, etc. De plus, une campagne inédite de communication sur le sujet a été lancée en septembre 2023. Elle a permis de mettre en œuvre un dispositif de communication d'ampleur impliquant la diffusion de spots télévisés, de spots radio, et de messages de prévention dans la presse écrite nationale et régionale ainsi que sur les réseaux sociaux. Des messages ciblés ont également été diffusés dans la presse professionnelle. Les objectifs de cette campagne, présentés aux partenaires sociaux au niveau national, sont multiples : comme pour d'autres enjeux de société, il s'agit de sensibiliser le grand public, les employeurs et les travailleurs à l'importance du phénomène et au nombre de victimes, mais aussi de mieux informer sur les risques et les actions de prévention à mettre en place par l'employeur, et de responsabiliser les entreprises sur le sujet.  Ces actions opérationnelles et ciblées sur la prévention des accidents du travail viennent en complément de l'action quotidienne en faveur de la prévention menée par les services du ministère du travail et les organismes de prévention (Caisse d'assurance retraite et de santé au travail, Institut national de recherche et de sécurité, Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics…). Le contrôle du respect des obligations en matière de santé et de sécurité au travail constitue une dimension centrale de l'activité de l'inspection du travail, pleinement mobilisée dans la lutte contre les accidents du travail graves et mortels. En 2022, près de 30 000 interventions ont ainsi concerné le risque de chute de hauteur, risque inscrit sur le plan national d'action 2023-2025 du système d'inspection du travail, et 5 500 décisions d'arrêt de travaux ont été prises afin de soustraire des travailleurs à ce risque. Par ailleurs, l'article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, dans sa rédaction initiale, avait vocation à transposer dans la loi une mesure demandée à l'unanimité des partenaires sociaux dans l'Accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023. Dans cet accord, les partenaires sociaux ont appelé « le législateur à prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir que la nature duale de la rente accident du travail et maladie professionnelle (AT/MP) ne soit pas remise en cause ». L'article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) transpose précisément cette stipulation, comme l'ont relevé unanimement les partenaires sociaux qui siègent à la commission AT-MP, lors de sa réunion du 5 octobre 2023 et augmente le niveau moyen des rentes servies, comme cela est indiqué dans l'étude d'impact.  Toutefois, à la suite du dépôt du projet de loi à l'Assemblée nationale, les organisations syndicales et patronales ont exprimé une divergence quant à la portée et aux implications de l'ANI qu'elles ont signé, notamment sur la question de l'indemnisation des préjudices résultant de la faute inexcusable de l'employeur. Dans ce contexte, les conditions d'une transposition intégrale et fidèle de l'ANI ne sont pas réunies. Son processus de transposition est donc suspendu pour laisser place à de nouvelles discussions entre partenaires sociaux. L'article 39 du PLFSS 2024 a donc été retiré.

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