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Nathalie Da Conceicao Carvalho
Question N° 12218 au Ministère auprès du ministre du travail


Question soumise le 17 octobre 2023

Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels, sur la nouvelle baisse programmée des niveaux de prise en charge (ou coûts contrats) qui menace la formation aux métiers de l'artisanat. En effet, si Mme la députée se félicite des bons résultats de l'apprentissage en France source de nombreuses embauches, la baisse des coûts contrats est une véritable source d'inquiétude pour les chambres de métiers et de l'artisanat. Ainsi, après une première baisse de 2,7 % intervenue à l'été 2022 (soit environ 300 millions d'euros en année pleine), une seconde baisse des NPEC, initialement prévue en avril et plusieurs fois décalée, est finalement intervenue le 8 septembre 2023 avec une baisse de 5 % (soit environ 500 millions d'euros en année pleine). Or, selon elles, si cette nouvelle baisse du financement des formations (CAP) est maintenue, elle pourrait se traduire par un véritable coup d'arrêt pour la formation par apprentissage dans les métiers de l'artisanat, puisque 57 % de celles-ci deviendraient déficitaires (soit 55 % des effectifs d'apprentis). Effectivement, si aujourd'hui les formations aux métiers de vitraillistes, facteurs d'orgues ou certains diplômes comme le BTM chocolatier peuvent être proposés bien que leur coût réel dépasse le financement alloué par France compétences, tel ne sera plus le cas si demain ce sont également les CAP de boulanger, charcutier, peintre en carrosserie, plombier, coiffeur ou en esthétique qui deviennent déficitaires. Comment poursuivre ces formations lorsque le coût qu'elles représentent n'est plus financé ? Comment continuer à former à perte ? Et au-delà de la question de l'appareil de formation du réseau des CFA, qui formera demain ces jeunes à ces métiers lorsque l'on sait par exemple qu'ils accueillent parfois 88 % des effectifs ? Il existe ici un risque d'effet domino qui ne semble pas avoir été anticipé, selon les détracteurs de cette décision. L'Essonne n'y échappe pas ! À Évry-Courcouronnes, la Faculté des métiers de l'Essonne (FDME), qui forme chaque année 2 900 apprentis, est dans la tourmente. Plus grand CFA dans-les-murs sud-francilien, les répercussions seront proportionnelles à sa taille : sur les 69 formations dispensées par la FDME, 53 sont impactées par la baisse des NPEC, ce qui représente 2633 apprentis directement concernés, soit 90 % des effectifs. Au total la perte de financement pour la FDME s'élèvera à 1,5 millions d'euros par an ! La baisse brutale du financement va s'accompagner d'effets désastreux : parmi eux, des investissements et des rénovations de plateaux techniques en stand-by et une capacité moindre à accompagner les jeunes, notamment les plus fragiles (issus de QPV, décrocheurs, ') dont le territoire ne manque pas, sans parler des personnes en situation de handicap nécessitant un accompagnement renforcé. Et comme il n'est pas envisageable de former à perte, des formations répondant à la demande économique et sociale mais insuffisamment financées seront fermées. C'est d'autant plus révoltant et contre-productif que pour nombre de publics, ces formations en apprentissage faisaient office de derniers remparts contre l'échec scolaire et le chômage des jeunes. C'est pourquoi le réseau des Chambres de métiers et de l'artisanat demande un report de cette baisse et réitère son appel à lancer une véritable concertation sur le financement durable de l'apprentissage en France. Aussi, au moment où l'on vient de franchir la barre des 200 000 apprentis, elle lui demande si le Gouvernement entend les recevoir et dans la concertation réfléchir à de nouvelles modalités pour assurer au mieux la pérennité du financement indispensable de l'apprentissage en France.

Réponse émise le 7 novembre 2023

L'apprentissage constitue une réponse efficace et concrète aux tensions de recrutement que rencontrent de nombreuses entreprises partout sur le territoire, y compris dans le secteur de l'artisanat, historiquement porté sur cette voie d'entrée dans les métiers.  Depuis 2018, le Gouvernement a considérablement favorisé son développement, en lui consacrant des moyens exceptionnels. D'abord pour les jeunes bien sûr, à travers la garantie d'une formation gratuite et de qualité, mais également pour toutes les entreprises, notamment les TPE-PME, à travers la création d'une aide à l'embauche d'alternants, qui permet de maintenir une dynamique d'entrée en apprentissage importante dans notre pays.  Conformément à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l'Etat, grâce à son opérateur France compétences, est chargé d'assurer un travail de régulation des niveaux de financement de l'apprentissage, afin d'en assurer la pérennité et de garantir un usage efficient des fonds mutualisés des entreprises. Ce travail de régulation repose sur l'analyse annuelle des données de la comptabilité analytique des Centres de formation d'apprentis (CFA), qui permet de déterminer les coûts réels de formation, afin d'en adapter le niveau de financement. A ce titre, il est de la responsabilité des pouvoirs publics, et notamment de la mission de régulation de France compétences, de garantir un juste niveau de financement au regard des coûts réels constatés.  La baisse des niveaux de prise en charge ne s'inscrit donc pas dans une logique stricte d'économie mais bien dans une démarche de fixation du juste prix, en responsabilité vis-à-vis de nos finances publiques.  De fait, la méthode de régulation mise en place lors de cet exercice prend en compte les effets de l'inflation (de 5,2 % en 2022 selon l'Insee), puisqu'afin de fixer sa valeur maximale recommandée, France compétences a appliqué à l'ensemble des coûts moyens de formation constatés dans les CFA et par certification, une hausse de 10 %. Aucune baisse n'est intervenue en dessous de cette valeur. A cette première garantie quant à la préservation des équilibres économiques des CFA est venue s'ajouter une seconde garantie, puisqu'il a été acté que, pour les niveaux de prise en charge définis par les branches, l'Etat n'imposerait aux branches aucune baisse au-delà de 10 % pour une formation donnée, et ce même si pour certaines formations, les écarts constatés excédaient largement ce taux. Dans le respect de ces principes, le référentiel de France compétences organise une diminution de 5% en moyenne des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage conclus à compter du 8 septembre 2023. En complément, le Gouvernement a souhaité préserver la capacité de l'appareil de formation à former des apprentis sur les métiers transverses, sur lesquels les branches professionnelles avaient été peu nombreuses à proposer des valeurs, et auxquelles étaient appliquées les valeurs de carence, dont certaines accusaient des baisses importantes. Parce que ces métiers sont essentiels au développement économique de nombreuses entreprises [dont celles de l'artisanat], le Gouvernement a réhaussé les valeurs de carence en limitant la baisse au maximum à 10 % par rapport aux valeurs de 2022.  De surcroît, le Gouvernement est conscient que la complexité que revêt le système de régulation budgétaire de l'apprentissage ne favorise pas une prévisibilité et une stabilité optimale pour le développement de l'appareil de formation en apprentissage. C'est en ce sens que celui-ci est ouvert au dialogue avec les acteurs de l'apprentissage dont les réseaux représentants des CFA, et notamment les chambres des métiers et d'artisanat, afin d'envisager les pistes d'amélioration de ce processus. Une large consultation sera organisée en ce sens à la fin de l'année 2023.  Ainsi, le Gouvernement maintient-il son engagement majeur en faveur de l'apprentissage, tout en conduisant des mesures en faveur de la rationalisation du fonctionnement des centres de formation des apprentis qui participent à l'objectif de soutenabilité budgétaire du système de financement de l'alternance, gage de sa pérennité, avec pour objectif d'atteindre un million de nouveaux apprentis par an dans notre pays d'ici la fin du quinquennat.

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