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Emmanuel Maquet
Question N° 11976 au Ministère du ministère de la justice


Question soumise le 10 octobre 2023

M. Emmanuel Maquet appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la tolérance de certains délits lorsqu'ils sont associés au droit de manifester. Ces dernières années, un nombre important de délits ont été commis par des groupuscules protestataires en vue d'attirer l'attention des médias et de faire le « buzz » sur les réseaux sociaux. Les méthodes provocatrices se sont dernièrement imposées, étant particulièrement propices à obtenir le résultat escompté. Il s'agit notamment des types de faits suivants : vandaliser des œuvres d'art, avions, ministères ou entreprises avec de la peinture ; se coucher sur une route pour entraver la circulation, parfois en collant sa main sur l'asphalte ; perturber des évènements sportifs ; piétiner ou arracher des cultures. Tous ces comportements sont davantage motivés par la recherche du « buzz » que par la volonté de défendre efficacement une cause qui le mériterait. Ils sont à la lisière de la violence et doivent faire l'objet d'une réponse pénale appropriée. Or la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme impose de mettre la répression de ces délits en balance avec le droit de se réunir pacifiquement, garanti à l'article 11 de la convention européenne des droits de l'Homme. Il serait particulièrement pernicieux que cette position soit comprise comme une permission de commettre un certain nombre d'atteintes aux biens et aux personnes dès lors que l'on défend une cause. C'est pourtant le message qui a été envoyé lorsque quelques-uns de ces militants ont bénéficié d'une dispense de peine, le tribunal reconnaissant que les faits répréhensibles qu'ils avaient commis étaient proportionnés à la situation qu'ils dénonçaient. Il lui demande donc de décrire quelle a été la réponse de l'institution judiciaire, en indiquant notamment le nombre de condamnation qui ont été prononcées pour de tels faits, leur teneur moyenne et plus largement sa stratégie en la matière.

Réponse émise le 23 janvier 2024

Plusieurs circulaires et dépêches ont été diffusées au cours des dernières années afin de permettre aux parquets de répondre de manière ferme et cohérente aux infractions commises à l'occasion ou en marge de manifestations, qui se caractérisent par la recherche d'une action directe et par l'affrontement avec les forces de sécurité intérieure. Ainsi, et notamment, la circulaire du 20 septembre 2016 de lutte contre les infractions commises à l'occasion des manifestations et autres mouvements collectifs (zadiste), la circulaire du 22 novembre 2018 relative au mouvement de contestation dit des « gilets jaunes », la circulaire du 22 avril 2021 relative au traitement des infractions commises en lien avec des groupements violents lors des manifestations ou encore, très récemment, la dépêche du 18 mars 2023 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'occasion des manifestations ou regroupements en lien avec les contestations contre la réforme des retraites, sont venues rappeler aux parquets généraux et aux parquets la nécessaire adaptation du dispositif judiciaire à la prévention et au suivi des procédures engagées à l'occasion ou en marge de manifestations et les orientations pénales devant être privilégiées dans ce cadre. En outre, à travers la circulaire du 9 novembre 2022 relative au traitement judiciaire des infractions commises dans le cadre de contestations de projets d'aménagement du territoire, le ministre de la justice a notamment rappelé que si la protection de l'environnement et la préservation du patrimoine commun constituent des sujets de préoccupation légitimes, les actions menées en marge de mouvements de contestation de projets d'aménagement du territoire portent quant à elles atteinte à l'ordre républicain lorsqu'elles prennent la forme d'affrontements violents et de jets de projectiles, dirigés de manière systématique, à l'encontre des forces de l'ordre. Ces troubles graves à l'ordre public et les atteintes aux forces de sécurité intérieures commises en marge de ces manifestations requièrent une réponse pénale ferme, systématique et rapide. Si le nombre total de condamnations prononcées ne peut être recensé dans la mesure où il n'existe pas de qualifications pénales propres aux infractions commises en marge de manifestations ou du fait d'actions militantes, le ministère de la justice veille à définir une politique pénale adaptée qui allie la nécessité d'apporter une réponse judiciaire à ces faits et le respect de la liberté d'expression. La jurisprudence de la Cour de cassation témoigne également de la conciliation de ces deux impératifs. En effet, par trois arrêts du 18 mai 2022 (Crim. 18 mai 2022, n° 20-87.272 ; Crim. 18 mai 2022, n° 21-86.647 et Crim. 18 mai 2022, n° 21-86.685) la Cour s'est prononcée sur la proportionnalité de l'atteinte portée à la liberté d'expression -telle que garantie par l'article 10 CEDH-, de condamnations prononcées des chefs de vol aggravé commis dans le contexte d'une action politique militante et d'un débat d'intérêt général. Dans les trois affaires, portant sur la situation de plusieurs militants écologistes ayant dérobé des portraits du président de la République en agissant à visage découvert, la Cour de cassation a énoncé que l'exercice de la liberté d'expression pouvait être soumis à certaines limites au nom de l'ordre public pouvant justifier, dans certaines circonstances, des poursuites pénales et/ou une condamnation. C'est à ce même équilibre que s'engage le ministère de la justice à travers la conduite de l'action publique envers les auteurs de ces infractions qui portent atteinte à l'autorité de l'Etat.

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