M. René Pilato appelle l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les risques de rupture d'accès aux droits que fait courir le recours à des sociétés prestataires pour gérer les demandes de visas auprès des ambassades de France. Initiée dans les années 2000, cette externalisation concerne aujourd'hui 90 % du traitement des demandes de visas en France. Du fait de la privatisation de ce qui relevait auparavant d'une mission d'État, ces prestataires se rémunèrent directement auprès des usagers en facturant leurs services. En plus des frais de visas à régler aux autorités consulaires, les ressortissants de pays tiers doivent s'acquitter de « frais de service » supplémentaires, qui correspondent au service de collecte d'informations, de saisie de données, ou encore de prise de rendez-vous. M. le député a été sollicité par une citoyenne française d'origine camerounaise qui, cherchant à faire une demande de visa pour la venue de son père en France pour un rendez-vous médical, se voit contrainte de payer un service « premium » pour espérer obtenir un rendez-vous dans les deux mois. En effet, un rapport parlementaire remis à l'Assemblée nationale en 2021 révèle que certaines « officines », notamment en Algérie, ont pour pratique de préempter l'ensemble des rendez-vous pour en faire un business lucratif, au détriment des usagers. Suite à une alerte lancée par le sénateur Arnaud Bazin en décembre 2022, Mme la ministre assurait être en mesure, d'une part, de réduire techniquement la possibilité pour ces officines de préempter les rendez-vous et, d'autre part, avoir rappelé aux prestataires le caractère gratuit de la prise de rendez-vous. Puisque ce problème se produit à nouveau au Cameroun où la sous-traitance a été mise en place cette année, que compte-elle mettre en place pour empêcher ses dérives ? Plus encore, au vu des nombreux disfonctionnements des plateformes, des difficultés à joindre les prestataires, de cas de refus injustifiés de dossiers, il lui demande comment assurer que la prise de décision de l'obtention de visas soit pleinement et entièrement l'œuvre de l'autorité publique et non de l'entreprise privée.
A l'instar de ses principaux partenaires européens, la France a mis en place, depuis une quinzaine d'années, diverses procédures d'externalisation de tout ou partie des tâches non régaliennes liées aux demandes de visas, afin de faire face à la hausse constante de la demande et d'offrir aux demandeurs de meilleures conditions d'accueil. Dans sa forme la plus large, le prestataire de service se substitue aux postes diplomatiques ou consulaires pour l'information donnée aux demandeurs (fonction déjà largement assurée par la plateforme en ligne France-Visas), la prise des rendez-vous, l'accueil des demandeurs et le recueil des dossiers et de leurs pièces justificatives, ainsi que la prise de biométrie, la perception des droits de visas et la restitution des passeports. Les demandeurs peuvent se voir offrir des services annexes que ne peut fournir un poste diplomatique, comme le service premium. Il est à noter qu'aucun de ces services annexes n'est un coupe-file permettant d'obtenir un rendez-vous plus rapidement. L'administration centrale et les postes y veillent scrupuleusement, et effectuent régulièrement des contrôles en ce sens. Tout abus justifierait une sanction contractuelle. L'externalisation des services permet ainsi aux agents consulaires de se recentrer sur l'instruction des demandes et de déceler plus aisément la fraude potentielle. L'instruction et la décision d'octroyer un visa relèvent strictement de la compétence des autorités consulaires. La France disposera au 31 décembre 2023 de 141 centres de collecte, répartis dans 45 pays et territoires, dont 5 dans lesquels elle n'a pas de service des visas (Jamaïque, Fidji, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Népal et Libéria), permettant ainsi d'offrir un service au plus près des demandeurs. L'activité des prestataires de service extérieurs (PSE) est strictement encadrée par un cahier des charges fixant les conditions de leur travail et contrôlée sur un rythme semestriel par les postes diplomatiques et consulaires, avec l'appui de l'administration centrale, sur la base d'une grille d'analyse très précise visant à vérifier que l'ensemble des exigences du cahier des charges sont remplies. Les prestataires sont tenus de transmettre des tableaux d'indicateurs et d'effectuer des contrôles internes, dont ils doivent transmettre le compte-rendu. Par ailleurs, les administrations centrales (ministère de l'intérieur et des outre-mer, ministère de l'Europe et des affaires étrangères) mènent un dialogue constant et exigeant avec les prestataires de services, portant notamment sur la qualité des services rendus aux demandeurs de visas. Le problème des officines et de la préemption des rendez-vous est bien connu des deux ministères de tutelle. Il fait l'objet d'un suivi très attentif conjoint avec tous les acteurs concernés : les prestataires chargés de la collecte des demandes de visas, les postes diplomatiques et consulaires, et les deux administrations centrales. Ce phénomène n'est pas spécifique aux prestataires de service extérieurs ou aux créneaux de rendez-vous dédiés aux visas. Pour lutter contre ces officines, et au-delà des messages de rappel des postes diplomatiques et consulaires sur le caractère gratuit de la prise de rendez-vous, l'expertise des prestataires et leurs moyens techniques mis à la disposition des postes permettent, en fonction du contexte local, de mettre en place plusieurs solutions efficaces : - le prépaiement des frais de service auprès des prestataires de service extérieurs, accompagné de l'impossibilité de modifier un rendez-vous ; - le système « captcha » dans le but de perturber les mécanismes automatisés permettant de prendre plusieurs rendez-vous sans intervention de l'utilisateur ; - l'ouverture par les postes de créneaux de rendez-vous de manière progressive et aléatoire.
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