M. Fabien Di Filippo alerte Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées, sur le manque flagrant de moyens alloués au secteur médico-social, notamment en ce qui concerne les places d'accueil dans les établissements spécialisés. 33 500 personnes handicapées en France seraient actuellement sans solution, selon l'Unapei. Un chiffre regroupant 12 500 enfants et 21 000 adultes, sans compter ceux attendant une place en établissement et service d'aide par le travail ou en entreprise adaptée. Cette pénurie, qui ne cesse de se renforcer, est liée à plusieurs facteurs. Ainsi, la logique d'inclusion qui consiste à orienter un maximum d'enfants en situation de handicap vers le système scolaire classique a conduit à la fermeture d'un nombre important de places dans les différentes structures spécialisées, ou en leur transformation de ces places en places de semi-internat ou en service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD). Malheureusement, le manque d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) mais aussi l'impossibilité d'inclusion de certains élèves en milieu ordinaire donnent lieu à des situations dans lesquelles des enfants se retrouvent sans suivi adapté et des parents en grande difficulté pour assurer leur prise en charge. Il s'avère également que de nombreux enfants entre 6 et 20 ans ne peuvent intégrer un établissement adapté à leur situation car les places sont occupées par des adultes, c'est-à-dire des personnes âgées de plus de 20 ans. Ces adultes hébergés dans des structures médico-sociales destinées aux enfants seraient environ 6000 en France. Cette situation est liée à l'application de l'amendement « Creton » à la loi du 13 janvier 1989, qui permet le maintien, dans l'attente d'une solution adaptée, de jeunes handicapés âgés de plus de vingt ans dans les établissements médico-sociaux pour enfants handicapés qui les accueillent. En effet, le manque de places dans les établissements et services d'aide par le travail (ESAT), dans les foyers de vie, les foyers d'accueil médicalisés (FAM) ou encore les maisons d'accueil spécialisées (MAS), structures adaptées aux adultes porteurs de handicaps, pousse de nombreux adultes à déposer auprès de la MDPH une demande d'autorisation pour rester au-delà de leurs 20 ans dans l'établissement qui les accueille, au détriment des enfants et adolescents qui pourraient bénéficier de ces places. Ces adultes maintenus en instituts médicoéducatifs sous amendement « Creton » peuvent représenter près de 50 % des effectifs dans certains établissements. En Moselle, ce sont environ 150 à 200 enfants qui se retrouvent chaque année en recherche de places, suite à une décision d'orientation de la MDPH vers un établissement médico-social. Or ce sont environ 150 à 200 places qui sont occupées par des adultes. Une bonne prise en charge dans les établissements médico-sociaux destinés aux enfants et adolescents est donc indissociable d'une augmentation des capacités d'accueil dans les structures pour adultes handicapés : ESAT, foyers de vie, maisons d'accueil spécialisées et foyers d'accueil médicalisés. Les créations de places ne permettent actuellement pas d'absorber les listes d'attente. Cette situation est particulièrement préjudiciable pour les adultes handicapés contraints de rester en IME alors qu'ils seraient en mesure d'intégrer un ESAT et de vivre une véritable insertion dans le milieu ordinaire par le travail. Aujourd'hui, faute de places dans l'Hexagone ou face à des listes d'attente sur plusieurs années, un certain nombre de personnes handicapées ont été obligées de s'exiler en Belgique (environ 7 000 adultes et 1 250 enfants), ou contraintes de rester chez elles, avec les difficultés que cela peut engendrer pour les familles. Il est important de souligner que les structures d'accueil saturent également en raison de la détérioration de l'état des services de psychiatrie en France. En effet, depuis de nombreuses années, un glissement s'est opéré du secteur psychiatrique vers le secteur du médico-social et une partie des publics habituellement pris en charge en psychiatrie et pédopsychiatrie s'est retrouvée prise en charge par le secteur du médico-social. Malgré cela, aucun moyen supplémentaire n'a été mis à la disposition de ce secteur pour faire face à ces nouveaux besoins. La situation est pourtant alarmante et ne cesse de s'aggraver. Alors que la maladie mentale et les troubles psychiques touchent un Français sur cinq, un quart des établissements psychiatriques ont dû fermer 10 à 30 % de leurs capacités d'accueil fin 2022. Dans près de la moitié des établissements, entre un quart et trois-quarts des postes de médecins sont vacants. Depuis une décennie, des financements spécifiques ont été dégagés pour la prise en charge des personnes atteintes d'autisme. Il serait pertinent d'agir de la même manière pour les personnes atteintes de troubles psychiatriques, afin que celles-ci puissent bénéficier d'un suivi adapté et que les personnes en situation de handicap disposent de places d'accueil et de moyens spécifiques. Afin que chaque personne en situation de handicap en France puisse se voir offrir une prise en charge adaptée à sa situation et que cessent les importantes disparités selon les territoires dans ce domaine, il est essentiel que l'État alloue des moyens supplémentaires au secteur du médico-social et engage un plan national pour la création de places d'hébergement ou de places en accueil de jour pour les adultes et les enfants porteurs de handicap, mais aussi pour la mise en place de « dotations soins » dédiées pour les personnes atteintes de troubles psychiatriques accueillies dans ces établissements. Ces dotations spécifiques pour le traitement des troubles psychiatriques doivent également pouvoir être attribuées aux structures pour personnes handicapées vieillissantes, qui accueillent les personnes handicapées qui atteignent l'âge de la retraite, souvent à 60 ans et qui tombent alors dans le droit commun. Pour cela, les financements nécessaires doivent être mis en place, notamment par la création d'enveloppes dédiées à destination des départements et des ARS. Une telle mesure permettra également que les adultes sous amendement « Creton » libèrent des places dans des établissements destinés aux enfants et adolescents. Parallèlement à cela, la politique de fermeture ou de transformation de places dans les instituts médicoéducatifs (IME) au profit d'une prise en charge en service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) doit cesser, celle-ci n'étant pas tenable au vu de la longueur des listes d'attente, du poids qu'elle va entraîner sur les familles concernées, mais aussi du fait que l'inclusion en milieu ordinaire n'est pas adaptée à tous. M. le député demande donc à Mme la ministre comment le Gouvernement entend mieux soutenir le secteur médico-social et quels moyens supplémentaires il entend allouer à la création de places dans les établissements spécialisés, en hébergement ou en accueil de jour, pour les enfants et les adultes en situation de handicap. Il lui demande également comment il compte améliorer la prise en charge des troubles psychiatriques et pédopsychiatriques en France, trop souvent assurée par ce secteur médico-social.
Le Président de la République a annoncé la création de 50 000 nouvelles solutions à destination des personnes en situation de handicap à l'horizon 2030. Cette mesure vise à proposer à chaque personne en situation de handicap une réponse adaptée à sa situation, considérant ses besoins et attentes. Fort de cet engagement, le ministère des solidarités et des familles a décliné cette mesure avec une attention toute particulière pour les territoires les moins dotés en termes de solutions, dans une logique d'équité territoriale tant sur le territoire métropolitain qu'en Outre-mer. La circulaire DGCS/3B/DSS/1A/CNSA/DFO/2023/176 du 7 décembre 2023 relative à la mise en œuvre du plan de création de 50 000 nouvelles solutions et de transformation de l'offre médico-sociale à destination des personnes en situation de handicap 2024-2030, issue de la conférence nationale du handicap 2023, précise les modalités de mise en œuvre de ce plan. Doté de 1,5 milliard d'euros financés par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ce plan constitue un effort inédit de la Nation en direction de ce public afin de permettre à chaque personne de réaliser son projet de vie. Ces crédits visent à faire émerger de nouvelles solutions modulaires et tournées vers le milieu ordinaire, pour accélérer la transformation des établissements et services et passer d'une logique de places à une logique de plateformes de services coordonnés avec la personne en situation de handicap. Les agences régionales de santé réaliseront des diagnostics territoriaux en lien étroit avec l'ensemble des parties prenantes, et notamment les associations représentant les personnes ainsi que les départements, chefs de file de l'action sociale sur leur territoire. A partir des besoins identifiés dans les territoires avec l'ensemble des acteurs concernés, seront établies, à la fin du printemps 2024, des programmations pluriannuelles des solutions à développer dans les territoires. Afin de suivre ce plan, un suivi national est assuré par la ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées, dans le cadre d'un comité de pilotage national de la transformation de l'offre, installé par la ministre en décembre 2023 et qui se réunira deux fois par an.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.