Mme Véronique Louwagie attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le sujet de la surpopulation carcérale. Le 31 janvier 2020, la France comptait 70 651 détenus pour 67 millions d'habitants, soit environ 0,10 % de sa population. À la même date, 10 179 personnes étaient incarcérées aux Pays-Bas pour 17 millions d'habitants, soit 0,06 %. Autre indicateur pour comparer les deux pays, le taux d'incarcération, c'est-à-dire le nombre de détenus pour 100 000 habitants : en 2020, il était de 105,3 en France contre 58,5 aux Pays-Bas. Paradoxalement, le nombre d'entrées en prison est, proportionnellement à la population, plus important en Hollande que dans l'Hexagone. Les Pays-Bas ne connaissent pas les mêmes problèmes de population carcérale que la France. Au contraire, des établissements sont fermés ou réaffectés à d'autres usages. Néanmoins à l'heure où la France vient de voter des crédits afin d'augmenter le nombre de places de prison, celles-ci mettront du temps avant de sortir de terre. Une solution immédiate consisterait à chercher un accord avec ces pays en situation de « sous-population carcérale » respectant par ailleurs les mêmes principes fondamentaux en matière de respect des droits humains. Elle souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet afin d'améliorer de manière immédiate la réponse pénale en France.
Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin d'assurer une réponse pénale, améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires, et les conditions de détention. S'agissant de la lutte contre la surpopulation carcérale, plusieurs pays européens ont envisagé la pratique de la location de places de prison. A titre d'illustration, de 2010 à 2016, la Belgique et les Pays-Bas ont conclu un accord, dénommé Nova Belgica. Cette coopération a permis aux Pays-Bas de fournir une capacité carcérale supplémentaire aux établissements pénitentiaires belges en échange d'un paiement. En 2015, la Norvège a également signé un accord avec les Pays-Bas, permettant aux personnes détenues norvégiennes de purger leur peine dans un établissement néerlandais dédié, PI Norgerhaven. Cet accord a permis aux Pays-Bas de trouver une utilité aux établissements vides en raison de la diminution significative de leur propre population carcérale. Cette pratique pose toutefois de nombreuses difficultés notamment en matière de politiques carcérales et lutte contre la récidive (coûts, transport, maintien des liens familiaux, préparation à la sortie). L'ambitieux programme immobilier de livraison de 15000 places supplémentaires de prison, souhaité par le président de la République, permet en revanche d'assurer l'effectivité de la réponse pénale tout en améliorant les conditions de travail pour les personnels et les conditions de détention. Au total, près de la moitié des établissements seront opérationnels en 2024 sur les 50 que compte ce plan 15000. C'est un des premiers léviers, pérenne, en la matière. Par ailleurs, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis de renforcer le sens et l'efficacité des peines prononcées en limitant le recours aux courtes peines d'incarcération, en favorisant les aménagements de peine ab initio pour les infractions de faible gravité. Le travail d'intérêt général est aussi une mesure utile pour les collectivités. Plus encore, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire est venue réaffirmer le principe selon lequel la détention provisoire doit demeurer exceptionnelle. Ses dispositions visent à favoriser le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE). A cet égard, le recours à cette mesure a augmenté de manière sensible : 309 mesures en janvier 2020 et 446 en janvier 2022. La loi du 22 décembre 2021 introduit également une mesure de libération sous contrainte de plein droit, dans le but d'éviter les sorties sèches et prévenir la récidive. Depuis l'été 2022, les directeurs centraux de l'administration pénitentiaire, des affaires criminelles et des grâces ainsi que des services judiciaires ont rencontré l'ensemble des chefs de cour et de juridictions au sein des directions interrégionales afin d'échanger sur la problématique de la surpopulation carcérale et d'identifier les leviers existants. Enfin, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus suroccupés, mène une politique volontariste d'orientation des personnes détenues vers les établissements pour peine, y compris à faible reliquat de peine. Les actions de pilotage mises en œuvre permettent un suivi en temps réel des besoins et capacités d'accueil des établissements pénitentiaires. Cette politique a donné des résultats significatifs puisque, si au 1er juin 2020, le taux d'occupation des quartiers centre de détention (QCD) et des centres de détention (CD) était de 84,1 %, au 1er décembre 2023, il était de 96,9 %.
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