Mme Emmanuelle Ménard alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'épidémie de grippe aviaire et ses conséquences pour les élevages en plein-air. Depuis de début de l'année 2022, c'est plus de 8 millions de volailles qui ont été abattues en France pour parer à une nouvelle vague de grippe aviaire. C'est déjà plus du double qu'en 2021. Derrière ces chiffres, c'est la gestion de cette crise, pourtant prévisible, qui interroge. Afin de contenir la flambée de ce virus, les abattages massifs touchent non seulement les élevages infectés mais aussi, au titre de la « prévention », les élevages sains, souvent en plein-air. Sans compter les pertes financières colossales qu'ils engendrent - plus d'un milliard d'euros -, les éleveurs font état d'un sentiment d'abandon et d'incompréhension. L'administration n'étant plus capable de gérer la destruction des volailles, il leur est en effet demandé d'abattre leurs animaux de façon particulièrement indigne et cruelle en les enfermant dans les bâtiments sans eau, nourriture, ni ventilation. Sans compter sur l'efficacité toute relative des méthodes employées, les services d'équarrissages étant saturés, les cadavres d'animaux morts restent parfois plusieurs jours sur place avant d'être ramassés, au risque de provoquer d'autres désastres sanitaires. Il a été montré que ces claustrations, chaque année plus strictes, ne servent à rien pour endiguer la propagation de la maladie et qu'elles seraient mêmes contreproductives, notamment dans les élevages intensifs dans lesquels les animaux sont par nature plus fragiles. On peut d'ailleurs se demander si ce n'est pas à cause de ces mêmes élevages, déjà synonymes de souffrance animale et propices au développement des maladies par la concentration qu'ils impliquent, que les petits éleveurs sont obligés d'abattre leurs animaux. Comme l'explique Léopoldine Charbonneaux, de l'ONG Compassion in World Farming France (CIWF) : « Il faut s'attaquer aux sources du problème, c'est le système de production industriel qui est en cause et l'État ne fait que mettre des pansements sur une jambe de bois avec des mesures de claustration inefficaces et causant encore plus de souffrance animale. [...] Il faut non seulement réduire en nombre et en densité les élevages, source de propagation intense du virus, limiter les flux d'animaux et à plus long terme, mais aussi engager la sortie progressive des systèmes d'élevage de volaille les plus intensifs, qui démultiplient les mutation et transmissions ». Face à cette situation, il est urgent que l'État apporte des réponses claires et rapides afin d'anticiper de tels désastres. Un rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), publié en juin 2021, pointait plusieurs pistes qui permettraient de pallier l'impréparation manifeste des services d'État sur ce sujet particulier. En plus de la constitution d'un groupe d'intervention d'urgence spécialement formé pour intervenir en cas d'épizootie ou de zoonose, il s'agissait surtout de limiter le nombre d'animaux par mètre carré et par exploitation ainsi que lors du transport d'animaux vivants. Par ailleurs, des solutions pour un abattage plus éthique existent, telles que des étourdissements utilisant de la mousse à haut foisonnement contenant du gaz, des étourdissements au gaz contenant du CO2 ou l'utilisation d'anesthésiants dans l'eau de boisson ou l'alimentation. Elle lui demande donc quelles actions il compte mettre en place pour réviser les protocoles d'abattage, pour prévenir les risques d'épidémie, pour aider les éleveurs de volailles en plein-air face aux pertes d'exploitation qu'ils subissent et pour limiter la densité des élevages industriels qui sont de véritables « bombes sanitaires ».
La menace des crises sanitaires liées à l'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) est de plus en plus importante chaque année en France. Le virus, en évolution permanente, dispose d'une phase d'activité de plus en plus longue et d'une étendue géographique accrue. L'épizootie de 2021-2022 a été d'une ampleur inédite, s'agissant du nombre d'élevages contaminés et de volailles abattues, et a nécessité le déploiement de fortes mesures de biosécurité. Dans ce contexte, il est nécessaire d'anticiper davantage et de renforcer les outils à disposition des éleveurs et des vétérinaires pour mieux suivre et anticiper l'évolution de la situation sanitaire. Il s'agit donc de revoir les indicateurs qui permettent de définir les périodes à risque, ainsi que de capitaliser l'expérience acquise pour redéfinir ces indicateurs et mieux prendre en compte les spécificités des territoires et des modes de production. Les retours d'expérience ont confirmé que les mesures de biosécurité ont joué un rôle majeur dans la lutte contre l'IAHP mais l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), a identifié quelques failles. À cet égard, il est nécessaire de travailler étroitement avec les éleveurs et d'aligner les dispositifs de biosécurité existants en élevage aux intervenants en élevage et aux transporteurs. Par ailleurs, la maîtrise de l'exposition au risque sanitaire pendant les périodes à risque nécessite de travailler sur l'organisation et les modes de production des élevages. Des propositions ont été faites par les organisations professionnelles et sont en cours d'instrumentation. Enfin, il faut souligner que ces crises successives nécessitent au-delà des réponses conjoncturelles apportées une réflexion de fond pour définir l'élevage de demain. L'objectif est de travailler à une transformation en profondeur des modes d'organisation pour des élevages plus résilients et aptes à répondre à la demande dans un contexte concurrentiel très marqué. Dans ce contexte, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a annoncé, le 29 juillet 2022, un plan d'action construit en concertation avec les acteurs professionnels pour gérer la sortie de crise et préparer l'avenir, en s'appuyant sur les dernières analyses de l'Anses afin de renforcer la feuille de route en vigueur depuis juillet 2021. Ce plan permettra d'améliorer la prévention, par une application stricte des règles de biosécurité, de renforcer, en particulier, les capacités de détection précoce (auto-contrôle), de surveillance en élevage, comme dans les transports et de lutte collective. Des mesures réglementaires et incitatives seront déployées dans les prochaines semaines. La situation sanitaire s'est récemment à nouveau dégradée. Le niveau de risque a été relevé de « modéré » à « élevé » et, dès le 11 novembre 2022, toutes les volailles ont été mises à l'abri sur l'ensemble du territoire et les rassemblements de volailles sont interdits. Compte tenu de ces éléments, de nouvelles mesures de protections spécifiques ont été décidées par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire pour les régions Bretagne et Pays de la Loire, sur préconisation de l'Anses. Dans ces deux territoires, le risque de propagation rapide du virus est renforcé par un nombre élevé d'élevages. Afin de préserver les exploitations, une zone de contrôle temporaire est appliquée à l'ensemble de ce territoire depuis le mois d'octobre 2022. Les mises à l'abri y sont obligatoires et des tests réguliers doivent être menés avant tout déplacement. Toute mise en place de volaille est par ailleurs conditionnée à la réalisation d'un audit de biosécurité favorable. Face à la dégradation de la situation sanitaire observée fin novembre 2022 en région Pays de la Loire, des mesures de gestion complémentaires aux mesures de prévention et de lutte déjà en vigueur ont été annoncées le 6 décembre 2022 après concertation avec les filières professionnelles. Elles ont pour principal objectif de diminuer la production dans les zones les plus fortement impactées pour prévenir un emballement de la situation. Le déploiement de ces mesures, bien que contraignantes, est rendu possible par la volonté unanime des filières professionnelles de lutter contre le virus de l'influenza aviaire, dans un contexte de difficultés économiques et climatiques. Tous les services départementaux sont activement mobilisés aux côtés des opérateurs concernés pour accompagner leur mise en œuvre. Dans une optique de prévention, et en complément des mesures de biosécurité, une feuille de route sur la stratégie vaccinale est en cours de mise en place. Enfin, le plan d'action validé en juillet 2022 par l'ensemble des acteurs de la filière comprend une dimension prospective afin de penser l'élevage de demain, afin de gagner en résilience vis-à-vis de l'influenza aviaire et ainsi garantir la souveraineté alimentaire.
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