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Charlotte Leduc
Question N° 11579 au Ministère de l’économie


Question soumise le 26 septembre 2023

Mme Charlotte Leduc attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le traitement scandaleux réservé par les services de Bercy à la lanceuse d'alerte Stéphanie Gibaud. Alors que Mme Gibaud a permis aux finances publiques de récupérer 1,8 milliards d'euros grâce à ses révélations sur les pratiques illicites de la banque UBS, l'État refuse aujourd'hui de l'indemniser. Mme Gibaud a joué un véritable rôle de lanceuse d'alerte, cet acte citoyen lui a pourtant coûté cher, elle a perdu son emploi, n'en a jamais retrouvé et vit désormais au RSA. La puissance publique ne peut rester passive face à une telle situation. La loi autorise pourtant, depuis 2017, « l'administration fiscale à indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques, dès lors qu'elle lui a fourni des renseignements ayant amené à la découverte d'un manquement [...] ou au code général des impôts ». Mais, dans une lecture ultra-restrictive de cette disposition, les services du ministère du budget refusent d'indemniser Mme Gibaud au prétexte que les renseignements qu'elle a apportés datent d'avant le 1er janvier 2017. Cette position est absurde en plus d'être mesquine. Mme Gibaud a continué à collaborer avec la direction nationale des enquêtes fiscales en 2017 et 2018. Le tribunal administratif de Montreuil a pointé l'incohérence du discours des services de Bercy en soulignant qu' « à la date de la décision attaquée, l'administration ne conteste pas qu'elle exploitait toujours les renseignements fournis par Mme Gibaud ». Ce tribunal a donc enjoint au ministère de reconsidérer sa position. Pourtant, loin de faire amende honorable, Bercy a fait appel et tente désormais d'obtenir gain de cause auprès du tribunal administratif de Paris. Cet épisode montre que, au-delà des discours de façade, la protection des lanceurs d'alerte et la lutte contre l'évasion fiscale n'est pas une priorité de ce Gouvernement. Il est urgent de reconsidérer le dossier de Mme Gibaud et de lui verser l'indemnisation qui lui permettrait de reconstruire sa vie et montrerait la reconnaissance de la Nation envers son action. Plus généralement, il est vital que la protection des lanceurs d'alerte et des aviseurs fiscaux devienne une réalité concrète. Elle est inscrite dans la loi, oui, mais la puissance publique elle-même refuse d'appliquer la loi, comme le montre l'exemple de Mme Gibaud. Les lanceurs d'alertes vivent un calvaire pendant que les évadés fiscaux mènent grand train en toute impunité. Il lui demande ce qu'il attend donc pour prendre des mesures fortes pour changer cet état de fait.

Réponse émise le 9 janvier 2024

L'article 109 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, codifié à l'article L. 10-0 AC du livre des procédures fiscales (LPF) a prévu, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, que le Gouvernement peut autoriser l'administration fiscale à indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques dès lors qu'elle lui a fourni des renseignements ayant amené à la découverte de certains manquements aux règles fiscales. Le II de ce texte indique que celui-ci entre en vigueur le 1er janvier 2017. L'article 4 de l'arrêté du 21 avril 2017 dispose que « seuls les renseignements fournis à l'administration postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 109 de la loi du 29 décembre 2016 susvisée peuvent donner lieu à indemnisation ». Dans le cas cité par le parlementaire, par un jugement du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a jugé que ce dernier texte ne pouvait fixer comme unique condition la date à laquelle les renseignements ont été fournis en ne tenant pas compte de ce que ceux-ci sont encore exploités par l'administration. Contestant cette interprétation conférant à la loi un effet rétroactif que le législateur n'a pas entendu lui donner, l'administration a fait appel de cette décision. Par un arrêt en date du 27 septembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a censuré l'analyse des premiers juges et a confirmé l'analyse de l'administration selon laquelle, d'une part, la loi n'avait ni pour effet ni pour objet d'imposer l'indemnisation des personnes ayant fourni des renseignements antérieurement à la date fixée par le dispositif et, d'autre part, aucune disposition législative n'impose au Gouvernement de prendre en compte pour déterminer les possibilités d'indemnisation, la période au cours de laquelle les renseignements ainsi recueillis sont exploités par l'administration fiscale. Ainsi, c'est en stricte conformité avec la loi que l'administration fiscale a refusé d'accorder une indemnisation. Indépendemment des conditions d'entrée en vigueur de l'article 109 de la loi du 29 décembre 2016, l'administration fiscale n'est par ailleurs susceptible de verser une indemnisation à un aviseur que si les informations fournies ont un caractère opérationnel et permettent d'assurer le recouvrement effectif de sommes ayant échappé indûment à l'impôt. Enfin, il résulte de l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dans sa rédaction issue de l'article 1 de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte qu'un lanceur d'alerte ne doit tirer aucune contrepartie financière directe de son signalement. Ainsi, le statut de lanceur d'alerte est exclusif de celui d'aviseur fiscal, pour lequel l'article L. 10-0 AC du LPF prévoit la possibilité d'une indemnisation.

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