M. Hadrien Clouet alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur le retard de développement des méthodes de contraception dite masculine dans le pays. Un nombre croissant d'hommes recourent à des méthodes contraceptives. En témoigne la croissance exponentielle des vasectomies (+ 491 % entre 2010 et 2019) et l'augmentation du nombre d'associations dédiées à l'échange de connaissances concernant les contraceptions utilisées par les hommes. Chaque année, des dizaines de milliers de personnes utilisent ou s'informent sur la contraception masculine. Face à cette demande, il semble urgent de déployer une véritable politique contraceptive à destination des hommes, s'appuyant sur la recherche et les professionnels du secteur de la santé. C'est une question de liberté individuelle et collective, ainsi que de droit à disposer de soi. De plus, il s'agit d'un enjeu d'égalité entre les femmes et les hommes, car de telles méthodes permettent de soulager les femmes de la charge exclusive des méthodes contraceptives et augure d'une prise en charge partagée au sein des couples hétérosexuels. Pourtant, aujourd'hui, seuls la vasectomie, le préservatif et la pilule sont reconnus, accompagnées et validées par les autorités de santé. La vasectomie, consistant à rompre les canaux transportant les spermatozoïdes des testicules jusqu'à la prostate, est parfaitement efficace mais peu développée : faute de réversibilité certaine, elle ne peut contenter tout le monde. Le préservatif ne peut également être considéré comme un moyen de contraception suffisant pour toutes et tous, n'étant efficace en pratique qu'à 85 %. Quant à la pilule, ses effets secondaires posent des problèmes redoutables à nombre d'utilisatrices. Actuellement, d'autres méthodes sont utilisées sans reconnaissance publique, à l'image de la méthode thermique. Le slip chauffant, développé au CHU de Toulouse, garantit de bons résultats dès lors que la posologie est correctement respectée. Il en va de même pour l'anneau en silicone. En décembre 2021, l'Agence nationale de sécurité du médicament en a cependant proscrit la vente et la distribution, jugeant nécessaire d'effectuer les tests préalables. Parmi les méthodes en développement, les solutions hormonales comme la pilule contraceptive masculine en sont encore au stade expérimental et leur succès dépend des moyens alloués à la recherche pour obtenir des résultats concluants. Le retard français dans ce domaine est d'autant plus étonnant que le pays dispose de toutes les ressources pour devenir pionnier en la matière. Son réseau de planning familial, ses 230 000 médecins et 770 000 infirmiers, ses centaines de chercheurs dans le secteur public et privé, sont en capacité d'appuyer une politique publique sur ce sujet. Aussi M. le député demande-t-il à M. le ministre comment il donnera suite à cette demande populaire de choisir sa propre contraception, quel que soit le sexe et de démocratiser les différentes méthodes existantes. La grande concertation attendue par les acteurs du secteur - chercheurs, professionnels de santé, représentants associatifs - pour évaluer les besoins à propos de contraception masculine, définir des modalités d'intervention et en planifier la mise en œuvre aura-t-elle lieu sous son autorité ? Sur le plan financier, entend-il accorder le budget de 50 millions d'euros demandé par les scientifiques et les associations spécialisées de proximité pour la recherche, l'accès à l'information et la formation aux méthodes de contraception dite masculine ? Le cas échéant, comment sera-t-il ventilé ? Donnera-t-il consigne d'agréer et subventionner les associations spécialistes de ces enjeux, comme le font d'ores et déjà certaines ARS, afin que ces mêmes associations garantissent l'accès à l'information et à la formation des agents et des usagers ? Sur le plan de la sécurité sociale, M. le ministre résorbera-t-il aussi cette inégalité contraceptive qui voit l'accès à la contraception remboursé pour les femmes jusqu'à 25 ans sans que le préservatif ne soit concerné ? Est-il en conséquence favorable au remboursement à 100 % des méthodes de contraception masculine reconnues ? Sur le plan de l'éducation et de la formation, inclura-t-il un volet relatif aux méthodes de contraception masculine approuvée et en voie de développement dans le parcours de formation des professionnels de santé, notamment ceux exerçant dans les plannings familiaux ? Œuvrera-t-il avec son collègue du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse pour réviser les programmes relatifs au parcours éducatif de santé en vue d'y inclure les méthodes de contraception dite masculine ? Finalement, le ministre marquera-t-il son arrivée au ministère par une rupture, publiant enfin le rapport sur les moyens de promouvoir la contraception masculine, prêt depuis le cinquantenaire de la loi Neuwirth en 2017 mais tenu dissimulé depuis ? Il lui demande ses intentions à ce sujet.
La charge de la contraception incombe encore trop souvent aux seules femmes. Il paraît donc essentiel de permettre un meilleur accès aux méthodes de contraception masculine validées. Il s'agit d'une orientation portée par le ministère de la santé et de la prévention, qui figure dans l'axe III de la stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 (SNSS). Actuellement, aucune recommandation ne permet d'appuyer une éventuelle promotion des méthodes de contraception masculine thermique et hormonale car seule la vasectomie, le préservatif et le retrait ont fait l'objet d'une évaluation de la haute autorité de santé (HAS). Ainsi, l'action 26 de la feuille de route 2021-2024 de la SNSS prévoit de saisir la HAS afin de réaliser un état des lieux des connaissances et d'établir des recommandations sur l'ensemble des méthodes de contraception masculine. C'est sur la base de ces recommandations que la promotion de méthodes de contraception masculine validées scientifiquement et disponibles pourra être mise en œuvre, que ce soit auprès du grand public, des professionnels de santé ou des professionnels intervenant en promotion de la santé sexuelle. En effet, toute évolution dans le champ de la contraception doit se réaliser dans un cadre sécurisé aussi bien pour les hommes que pour les femmes, afin que chacune et chacun puissent disposer d'une santé sexuelle et reproductive satisfaisante. Par ailleurs, la commercialisation des méthodes thermiques sera également conditionnée par l'obtention d'un marquage CE, permettant de garantir l'efficacité et la sécurité d'utilisation. Ce marquage constitue un prérequis à la mise sur le marché de tout dispositif médical dans l'Union européenne. Concernant les méthodes d'ores et déjà évaluées, si la vasectomie est remboursée par l'assurance maladie, il s'avère que moins d'1 % des hommes y ont recours en France (15 à 20 % au Royaume-Uni et aux Pays Bas). En conséquence, l'action 25 de la feuille de route 2021-2024 de la SNSS vise à mener une étude sur les freins à la contraception définitive, vasectomie comme ligature des trompes, à la fois en population générale et chez les professionnels de santé. Par ailleurs, deux marques de préservatifs externes (masculins) sont actuellement remboursées à 60% sur prescription d'un médecin ou d'une sage-femme par l'assurance maladie (« Eden » et « Sortez couverts ! »). D'autres marques pourraient le devenir à l'initiative des fabricants qui sont les seuls à pouvoir demander l'inscription de leurs dispositifs sur la liste des produits et prestations remboursables définie à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Dans le but de faciliter encore davantage l'accès au préservatif, l'action 16 de la feuille de route 2021-2024 de la SNSS prévoit d'étendre cette prise en charge à 100 % par l'Assurance maladie. Enfin, la stratégie nationale de santé promeut l'amélioration des connaissances notamment en favorisant la recherche clinique. A ce titre, le ministère incite les professionnels de santé à répondre aux programmes couvrant les champs de la recherche clinique financés par ses appels à projets. Quant au rapport évoqué, l'article 85 du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2022 prévoyait en effet que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la contraception masculine, cinquante ans après la parution des derniers décrets d'application de la loi Neuwirth de 1967. Le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle cette disposition dans une décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021 au motif qu'elle n'avait pas pour objet d'améliorer l'information et le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale au sens des dispositions du 4° du C du paragraphe V de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale et n'avait dès lors pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale.
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