M. Paul Molac attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la place accordée aux artistes interprètes en langues régionales sur les scènes subventionnées ainsi qu'au sein de l'audiovisuel public. En effet, les artistes interprètes qui ont choisi de s'exprimer dans leurs pratiques artistiques en langues régionales de France subissent une discrimination spécifique. Ce constat vaut aussi pour l'audiovisuel public. Cette discrimination peut s'apparenter à celle d'ores et déjà relevée, fondée sur l'origine ethnique, s'apparentant à cette dernière. Elle est en outre en conflit avec l'article 75-1 de la Constitution selon laquelle « les langues régionales appartiennent au patrimoine de France ». Ce même article implique aussi que les langues concernées et, par conséquent, les expressions artistiques qui en font usage, ne doivent pas être confinées dans leur seule aire linguistique mais doivent être, chacune, présente sur l'ensemble de l'Hexagone. Cette présence et prise en considération participe pleinement de la diversité culturelle et doit être revendiquée à ce titre, sans quoi tout positionnement des pouvoirs publics en faveur des langues régionales ne saurait être que pure hypocrisie. C'est pourquoi il lui demande si sera prise en compte la présence de la création artistique en langues régionales sur les scènes subventionnées ainsi qu'au sein de l'audiovisuel public national en proportion, non pas anecdotique, mais conséquente ; cette obligation restant à inscrire dans leurs cahiers des charges.
Le ministère de la culture est particulièrement attaché à la défense et à la promotion des langues régionales en France. Il conduit pour cela, à travers sa délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), une action concrète et déterminée pour valoriser les langues de France et accompagner leur promotion, dans un dialogue avec les collectivités locales et avec les élus. Pour le secteur de la création, les programmes de soutien aux artistes et aux établissements de création et de diffusion permettent aujourd'hui d'accompagner les projets en langues régionales. De nombreuses équipes artistiques sont soutenues dans le cadre des aides déconcentrées au spectacle vivant par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), dès lors que les productions considérées correspondent aux critères d'éligibilité de ce dispositif, à savoir un professionnalisme avéré et un nombre défini de partenaires en production et en diffusion. C'est régulièrement le cas en Bretagne avec par exemple la compagnie théâtrale « Ice » de Patricia Allio, artiste associée au Théâtre national de Bretagne, centre dramatique national à Rennes, soutenue pour ses projets par la DRAC. Cette compagnie s'intéresse particulièrement aux « minorités politiques, linguistiques, sexuelles et de genre ». Le spectacle « Autoportrait à ma grand-mère » évoque les conversations enregistrées entre Patricia Allio et sa grand-mère concernant la difficulté de parler breton à une certaine époque. De nombreux passages sont en breton. Créé à la Fondation Cartier à Paris, il été coproduit par le Quartz, scène nationale de Brest, le festival Terre de paroles en Seine-Maritime, la Filature, scène nationale de Mulhouse, et a bénéficié de l'aide à l'écriture du centre national du livre. Il a été donné dans les centres dramatiques nationaux de Rennes et Lorient, dans les scènes nationales de Brest, Saint-Brieuc et Quimper, dans de nombreux théâtres de Bretagne et d'autres régions françaises, ainsi qu'en Grande-Bretagne à Jersey. Cette saison, il est joué au Théâtre du Rond-Point à Paris, au centre culturel et artistique d'Uccle en Belgique, à la Maison de la danse à Lyon et en septembre et octobre 2024 au Théâtre des Célestins à Lyon. On rencontre les mêmes principes pour la compagnie basque « Le petit Théâtre de pain », conventionnée par la DRAC Nouvelle-Aquitaine, qui joue certains de ses spectacles en français et en basque et possède un réseau de diffusion national. En ce qui concerne le soutien aux structures de production et de diffusion, le ministère de la culture porte également une forte attention à celles qui défendent les artistes en langues régionales. Plusieurs théâtres sont aidés au titre du programme des scènes conventionnées d'intérêt national, comme le théâtre de Choisy-le-Roi en Île-de-France, dont le conventionnement porte précisément sur le soutien à la diversité linguistique, ou encore « le Plancher » à Langonnet (Morbihan), qui est une scène conventionnée d'intérêt national dédiée à la musique bretonne actuelle et aux musiques du monde. En matière de musique, la même attention est portée aux expressions régionales. Chaque année, plusieurs projets sont soutenus à la production par les DRAC et plusieurs ensembles sont conventionnés. Ceux-ci ont un rayonnement national et pour certains, international. De nombreuses structures sont soutenues par les DRAC comme le Centre de creacion musicau (CERC) à Pau, le Chantier à Correns, la Cité de la musique à Marseille, le Nouveau Pavillon à Nantes ou encore la scène de musiques actuelles Art-Cade en Ariège, qui sont autant d'exemples de lieux particulièrement attentifs aux créations en langues régionales. Le soutien à une présence élargie de ces expressions fait en outre l'objet d'échanges réguliers avec la Fédération des acteurs et des actrices des musiques et danses traditionnelles et Zone Franche (réseau des musiques du monde). Ces dernières années, plusieurs spectacles ont été également soutenus directement par la DGLFLF : « Ma langue maternelle va mourir » de Yannick Jaulin (poitevin-santongeais), « Paroles autochtones » du Théâtre C'hoariva (alsacien, basque, breton, catalan, corse, occitan), réalisé dans le cadre du festival Estivada de Rodez en 2021, « Zentray » de la Compagnie du Grand Carbet (créole guadeloupéen), « Tape Dru » de la Compagnie Clic-Clac (francoprovençal), les différentes éditions du « Mois créole » de la Compagnie Dife Kako (spectacles en créoles guadeloupéen, guyanais, martiniquais et réunionnais). Enfin, s'agissant des services de télévision, de radio et de médias audiovisuels à la demande, la réglementation assimile les œuvres en langues régionales en usage en France à des œuvres d'expression originale française, que ce soit pour le respect des obligations de diffusion que de contribution à la production. À ce titre, les prestations chantées en langues régionales peuvent être comptabilisées dans les quotas de diffusion et les obligations de production d'œuvres francophones. Elles peuvent bénéficier des dispositifs de soutien à la musique enregistrée, notamment sur le crédit d'impôt, qui tient compte des langues régionales au même titre que la langue française pour l'appréciation du critère francophonie. Les titres en langues régionales sont donc soumis aux mêmes règles que les titres en langue française. Un soutien particulier en faveur des langues régionales est demandé au secteur audiovisuel public. Aux termes de l'article 40 du cahier des charges de France Télévisions, la société « veille à ce que, parmi les services qu'elle édite, ceux qui proposent des programmes régionaux et locaux contribuent à l'expression des principales langues régionales parlées sur le territoire métropolitain et en outre-mer ». De même, l'article 6 du cahier des charges de Radio France précise que la société doit veiller à l'expression des langues régionales sur les stations locales. Pour la première fois, France 3 proposera, du 13 au 19 novembre prochains, une programmation inédite « Spéciale langues régionales », avec la diffusion notamment du concert Canta Kanañ enregistré en septembre dernier au théâtre de l'Alhambra à Paris avec des artistes interprétant des chansons en alsacien, basque, breton, corse et occitan. Les politiques publiques en faveur des langues régionales connaissent une dynamique inédite, tant par les évolutions législatives récentes que par l'installation du Conseil national des langues et cultures régionales en mars 2022. Les États généraux du multilinguisme dans les Outre-mer, organisés en octobre 2021 à La Réunion, ont également rappelé les enjeux spécifiques propres aux Outre-mer. Enfin, la Cité internationale de la langue française inaugurée à Villers-Cotterêts illustre également la prise en compte de ces questions au plus haut niveau, à travers une salle du parcours permanent entièrement dédiée aux langues régionales. Le ministère de la culture entend poursuivre avec détermination une politique volontariste en faveur de la diversité linguistique française, afin de lutter contre toutes formes de discrimination.
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