M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'importation de trophées d'espèces menacées en France. En effet, entre 2014 et 2018, la France a importé 752 trophées de 36 espèces inscrites à la CITES, ce qui fait d'elle le 6e importateur de trophées de chasse d'espèces protégées en Europe. Parmi elles, certaines sont inscrites sur la liste rouge de l'UICN comme l'éléphant d'Afrique, le léopard, l'hippopotame ou le guépard. Alors que l'on fait face à la 6e extinction de masse des espèces, la chasse aux trophées agit bel et bien comme un accélérateur de la crise mondiale de la biodiversité en menaçant la survie des espèces chassées et en bouleversant les écosystèmes. En effet, la chasse d'animaux spécifiquement dans le but d'en faire un trophée conduit à une sélection non naturelle des individus en capacité de se reproduire. En conséquence, elle impacte le taux de reproduction (ratio mâles-femelles déséquilibré, maturité sexuelle précoce, consanguinité), le comportement (dispersion spatiale et structures sociales perturbées, taux d'infanticides croissant), la diversité génétique des espèces (taille, traits physiques), ce qui, combiné, affaiblit la descendance et la survie des espèces chassées. Les écosystèmes sont perturbés et toute la biodiversité s'en trouve donc menacée. Lorsque les grands prédateurs sont ciblés, le déséquilibre de la chaîne alimentaire conduit à une multiplication des prédateurs plus petits, conduisant au déclin des espèces qu'ils consomment, entraînant un déséquilibre général de la faune et de la flore. La France s'est engagée non seulement à mettre un terme à la perte de biodiversité, mais plus largement d'en inverser la tendance d'ici à 2030. Dans la réponse à la question n° 7901 publiée par Mme Anne Stambach-Terrenoir à ce sujet, le ministère convient que le sujet de la chasse aux trophées « revêt une importance majeure au regard de la conservation des espèces concernées et des écosystèmes qui les hébergent ». Toutefois, celle-ci semble privilégier les intérêts de certaines sociétés de chasse, qui génèrent des revenus importants du commerce des trophées, par l'organisation des chasses, du dépeçage, de la transformation de la dépouille en trophée et de son importation. Une activité lucrative, réservée à quelques très riches, qui n'occasionne de ressources aux populations limitrophes que de façon marginale, contrairement à ce que prétendent les chasseurs, l'essentiel étant empoché par les sociétés organisatrices. Par ailleurs, les pays qui organisent le tourisme de l'observation de la vie sauvage, sans chasse, peuvent dégager pour les populations limitrophes plus de ressources qu'une chasse réservée à une petite élite fortunée. L'argument économique évoqué par le Gouvernement peine donc à convaincre. Les Français sont majoritairement opposés à l'importation de ces trophées, à hauteur de 89 % d'entre eux selon un sondage IFOP de 2017. Les Pays-Bas ont déjà une législation plus restrictive concernant l'importation de trophées, des initiatives sont en cours en Allemagne ou encore en Belgique pour limiter ou interdire les importations de trophées. La 6e extinction de masse des espèces est engagée. Le Gouvernement doit agir et non se perdre en atermoiements stériles et perdre un temps précieux pour la conservation des espèces. La France peut être moteur et force d'initiative, plutôt que de se défausser derrière l'Union européenne, en interdisant l'importation sur son territoire d'espèces menacées. En conséquence, il souhaite savoir quand le Gouvernement compte enfin cesser de délivrer des permis d'importation pour les trophées d'espèces menacées.
Le sujet de l'importation des trophées de chasse revêt une importance majeure au regard de la conservation des espèces concernées et des écosystèmes qui les hébergent. La question de l'importation des trophées doit être examinée dans le contexte de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). Cet accord intergouvernemental réunit 183 pays avec pour objectif de garantir que le commerce international d'espèces animales et végétales sauvages ne menace pas la survie de ces espèces. Dans le cas des États membres de l'Union européenne, tous parties à cette convention, le cadre réglementaire résultant de la CITES est fixé par le règlement (CE) n° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce. Les pays adhérens à la CITES ont adopté, en octobre 2016, une résolution précisant « qu'une chasse aux trophées bien gérée est compatible avec la conservation des espèces et y contribue, dans la mesure où elle offre des possibilités aux communautés rurales d'améliorer leurs moyens d'existence, les incite à conserver les habitats et génère des bénéfices qui peuvent être investis dans la conservation". Plus récemment, en juillet 2022, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a publié un rapport sur l'utilisation durable des espèces sauvages. Celui-ci a révélé qu'en Afrique 1,4 million de km2 sont gérés pour la chasse récréative. Ce rapport conclut notamment que les revenus provenant d'activités telles que la chasse fournissent un flux de revenus important et substantiel pour les agences de conservation et les communautés locales dans certains pays. Cependant, il a aussi conclu qu'il existe des différences considérables dans la manière dont la chasse récréative est régie et administrée dans différentes régions, ce qui rend difficile toute généralisation quant à sa durabilité ou non et que la chasse sélective d'espèces, d'individus ou de populations qui présentent des caractéristiques particulières (par exemple, des animaux ou des cornes de grande taille) peut avoir un impact sur la structure et la conservation des écosystèmes. C'est pour cette raison que la Commission européenne et les États membres viennent de lancer une démarche spécifique aux trophées de chasse dans le cadre du Plan d'action de l'Union européenne contre le trafic d'espèces sauvages. En premier lieu, ce plan prévoit de renforcer le contrôle des importations de trophées de chasse et, plus précisément, d'étudier la pertinence d'imposer un permis d'importation pour davantage d'espèces. Pour mener à bien cette action, le Groupe d'examen scientifique CITES de l'Union européenne étudie actuellement une liste de 146 espèces en prenant en compte leurs statuts de conservation, la tendance de leurs populations et le nombre de trophées importés dans l'UE au cours de la période 2012-2021. Il est important que cette analyse aille à son terme, afin que la science éclaire les réflexions préalables à la prise de décisions. Par ailleurs, le commerce d'espèces menacées étant un sujet de compétence communautaire, il est essentiel que les adaptations réglementaires soient décidées au niveau de l'Union européenne, afin qu'elles s'imposent aux 27 États membres et ne donnent pas lieu à des divergences de régimes réglementaires au sein de l'Union. La France entend prendre toute sa part lors de ces échanges.
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