M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conditions de travail des employés saisonniers agricoles. Certaines maisons viticoles font appel à des sociétés prestataires en arguant les difficultés de recrutement. Ces difficultés pourraient facilement être levées par une amélioration des conditions de travail, d'hébergement et une augmentation des rémunérations. Or il est de notoriété publique que certaines sociétés prestataires, fournissant des saisonniers pour les vendanges, ont des pratiques qui relèvent plus de méthodes mafieuses que de celles d'agences d'interim standard. En 2018, les gendarmes découvraient plus de 120 vendangeurs hébergés dans des lieux insalubres. De plus, des enquêteurs du comité opérationnel départemental anti-fraude de la Marne trouvaient une vingtaine de travailleurs clandestins chez un prestataire viticole d'Oiry. Leurs conditions d'hébergement étaient indignes, leurs conditions de travail inhumaines et leur rémunération parfois nulle. Les méthodes de recrutement de cette société relevaient de méthodes de bandes organisées, allant chercher leur personnel dans des centres d'hébergement de demandeurs d'asile. Ces personnels, en situation d'extrême vulnérabilité, travaillaient sous la contrainte d'hommes de main. Un procès a eu lieu et les chefs d'accusation étaient multiples : travail dissimulé aggravé et recours d'une personne exerçant un travail dissimulé aggravé, emploi d'étrangers sans titre, conditions d'hébergement indigne et traite d'êtres humains. Six personnes et trois entreprises étaient poursuivies. Cependant, aucune maison de champagne, en tant que telle, n'avait été mise en cause pénalement, au prétexte notamment de leur méconnaissance des conditions de travail et d'hébergement de leurs saisonniers. Cette année encore, des contrôles, diligentés par des agents de la MSA, des gendarmes ou des inspecteurs du travail, ont mis à jour des situations similaires à celle décrite plus haut. Ainsi, plus de soixante travailleurs migrants originaires d'Afrique de l'Ouest, la plupart démunis de papiers, ont été découverts. Ils étaient épuisés et affamés, vivant dans des lieux insalubres et confrontés à des conditions de travail dictées par des hommes de main. Là encore, les donneurs d'ordre ne seraient pas identifiés. Ainsi, les maisons viticoles qui font le choix de confier leur vendange à des sociétés prestataires se dédouanent de tout contrôle des conditions de travail ou d'hébergement des ouvriers travaillant sur leurs terres. Au regard de ces arguments, il lui demande s'il va instaurer des contrôles systématiques lors d'emplois de saisonniers agricoles et, qu'en cas de situations similaires à celles susmentionnées, les maisons viticoles donneuses d'ordre soient enfin mises devant leurs responsabilités pénales.
Dans le secteur agricole, les services du ministère du travail, de la santé et des solidarités constatent régulièrement des fraudes à la prestation de service, entraînant en particulier une concurrence déloyale entre les entreprises du secteur, des conditions de travail et d'hébergement dégradées, le non-respect du « noyau dur » des droits garantis aux travailleurs détachés ainsi que la dilution des responsabilités entre donneur d'ordre et prestataire de services. Ces cas sont d'autant plus fréquents que le secteur agricole connait des pénuries d'emploi. Les services de contrôle de l'inspection du travail sont principalement mobilisés pour identifier les situations frauduleuses. Le plan national d'action du système d'inspection du travail établi pour 2023-2025 a défini quatre sujets incontournables, dont la lutte contre le travail illégal et la protection des travailleurs les plus vulnérables. En 2023, une mobilisation d'ampleur a été mise en œuvre pour le contrôle de l'emploi saisonnier, durant les vendanges, avec : - d'une part, 103 entreprises agricoles contrôlées dans la région Grand-Est et la mise en évidence de situation de traite d'êtres humains et le relogement de 300 salariés, - d'autre part, des contrôles organisés dans le cadre des Journées d'actions communes européennes, initiées en France par l'office central de lutte contre le travail illégal. En complément de ces actions ciblées sur les vendanges, des contrôles réguliers sont menés par les agents sur l'ensemble du territoire, dans le cadre des comités opérationnels départementaux de lutte anti-fraude, en lien avec la caisse de mutualité sociale agricole et la gendarmerie. D'importantes concertations et réunions d'information sont également organisées en amont de ces contrôles. En cas d'infraction, les enquêtes doivent permettre de déterminer, en fonction de chaque situation et au regard des constats l'implication de chacun des acteurs, les responsabilités entre l'employeur de la société prestataire et le donneur d'ordre. La réglementation impose une obligation de vigilance du donneur d'ordre. En cas d'infractions constatées, l'implication du donneur d'ordre est possible. En matière d'hébergement, il existe une obligation de vigilance du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage, prévue par les dispositions de l'article L. 4231-1 du code du travail dont le non-respect peut être sanctionné pénalement. Plus largement, dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, il appartient au donneur d'ordre de vérifier que le prestataire de service auquel il recourt se conforme à la réglementation en la matière (L. 8222-1 du code du travail et L. 8222-2 du code du travail). Enfin, en matière de libertés individuelles, de rémunération, de conditions de travail, de santé et de sécurité notamment, en cas de manquements constatés par l'inspection du travail, le donneur d'ordre devra enjoindre à son sous-traitant de faire cesser la situation (article L. 8281-1 du code du travail). A défaut, sa responsabilité pénale pourra être engagée.
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