Mme Cécile Untermaier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les modalités de placement de l'enfance en danger. Les articles 375 à 375-9 du code civil consacrent les mesures de l'assistance éducative, lesquelles sont prises « si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ». Au titre des deux premiers alinéas de l'article 375-1 du code civil, « le juge des enfants est compétent, à charge d'appel, pour tout ce qui concerne l'assistance éducative. Il doit toujours s'efforcer de recueillir l'adhésion de la famille à la mesure envisagée et se prononcer en stricte considération de l'intérêt de l'enfant ». Et, selon l'alinéa 3 de l'article 375-7, « le lieu d'accueil de l'enfant doit être recherché dans l'intérêt de celui-ci et afin de faciliter l'exercice du droit de visite et d'hébergement par le ou les parents et le maintien de ses liens avec ses frères et sœurs. L'enfant est accueilli avec ses frères et sœurs en application de l'article 371-5, sauf si son intérêt commande une autre solution ». Or dans certains cas, le juge qui décide du placement des enfants d'une fratrie ne se prononce pas sur la nécessité de garder les frères et sœurs ensemble, dans leur nouveau milieu d'accueil, conduisant à des situations dramatiques de séparation de fratries, déjà marquées par un passif familial très compliqué, contredisant ainsi l'article 375-7 du code civil. Pourtant, « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». Tels sont les mots de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), texte contraignant adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989, signé et ratifié par la France en 1990 et qui oblige donc le pays. L'intérêt supérieur est entendu comme la prise en compte du point de vue de l'enfant dans toutes les décisions le concernant, dans l'objectif de préserver son bien-être et son droit au développement dans un environnement favorable à sa santé mentale et physique. Cet objectif implique donc de préserver autant que possible les éléments de l'environnement initial concourant à la stabilité de l'enfant, afin que celui-ci ne soit pas dépourvu de ses repères rassurants. L'avocat, dont Mme la députée voudrait la présence obligatoire auprès de l'enfant en danger, insiste sur cette exigence qui n'apparaît pourtant pas toujours dans le jugement rendu. Le prononcé par le juge du maintien des liens de la fratrie, dès lors que ceux-ci ne présentent pas de menace, est donc essentiel et devrait être systématique, quel qu'en soit le sens donné. L'orientation ainsi rappelée contraint les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) à un même lieu d'accueil lorsqu'il est disponible et rassure l'entourage de l'enfant. Aussi, elle lui demande si une mesure d'ordre législatif ou réglementaire est envisagée par le Gouvernement, pour imposer que cette question apparaisse clairement dans la décision du juge.
Le principe de non séparation des fratries est reconnu depuis de nombreuses années par le droit français, et ce, dans l'intérêt de l'enfant. Il s'impose à toutes les formes de placements qu'ils soient judiciaires ou administratifs. S'agissant des décisions de placement judiciaire, toute décision du juge des enfants est d'abord guidée par la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant (art 375-1 du code civil). Ainsi, le juge des enfants doit prioritairement prononcer des mesures permettant de maintenir le mineur dans son environnement, afin de le préserver du traumatisme de la rupture familiale, tout en le protégeant du danger auquel il est exposé (art 375-1 et 375-2 du code civil). Le placement judiciaire en assistance éducative doit donc intervenir en dernier recours. Lorsqu'une décision judiciaire de placement est indispensable pour protéger l'enfant, la loi prévoit un certain nombre de garanties, parmi lesquelles le principe de non-séparation des frères et sœurs. En effet, depuis 1997, l'article 371-5 du code civil affirme que « l'enfant ne doit pas être séparé de ses frères et sœurs ». Cette affirmation générale a récemment été renforcée en assistance éducative par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants (loi n° 2022-140, ci-après, dite « LPE »). L'article 375-7 du code civil relatif au placement dispose désormais que l'enfant « est accueilli avec ses frères et sœurs en application de l'article 371-5, sauf si son intérêt commande une autre solution. » De plus, la LPE, en son article 27, oblige tout service départemental de l'aide sociale à l'enfance (ASE) qui modifie une décision de placement conduisant à la séparation d'une fratrie à « [justifier] sa décision et à en inform [er] le juge compétent dans un délai de quarante-huit heures » (art L. 223-3 CASF). Ce principe de non-séparation des fratries ne peut souffrir que deux dérogations : d'une part lorsque l'intérêt de l'enfant le commande (art 375-7 précité), d'autre part lorsque le placement de la fratrie en un même lieu « n'est pas possible » (art 371-5 précité). La loi prend donc non seulement en compte le bien-être de l'enfant mais aussi les conditions matérielles qui peuvent parfois empêcher, de manière temporaire, le maintien d'un enfant avec ses frères et sœurs. De plus, l'ASE étant responsable de la mise en œuvre des décisions du juge des enfants, il lui appartient de prendre en considération les relations entre frères et sœurs et d'éviter toute séparation (art 223-1-1 CASF). Par ailleurs, les règles de procédure applicables au juge des enfants garantissent déjà la prise en compte de ce principe dans la décision du magistrat. En effet, comme pour toute décision judiciaire en matière civile, les décisions du juge des enfants sont motivées (art 455 du code de procédure civile) et fondées sur les règles de droit applicables, lesquelles doivent être rappelées dans la motivation (art 12 du code de procédure civile). Dès lors, il serait superfétatoire de faire du principe de non séparation des fratries une mention obligatoire, les principes généraux de procédure civile imposant déjà au juge de trancher conformément au droit en vigueur. Au surplus, une telle mention ne permettrait pas de garantir l'exécution par le conseil départemental des décisions de placement judiciaire ni des modalités déterminées par le juge. Ainsi, les dispositions actuelles apparaissent suffisantes en l'état pour garantir le respect du principe de non-séparation des fratries.
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