M. Mickaël Bouloux interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les conclusions du rapport de la Cour des comptes du 30 juin 2022 relatives aux politiques de soutien à l'agriculture biologique. Alors que les objectifs pour 2022 avaient été fixés par le Gouvernement à 15 % des surfaces agricoles en agriculture biologique et à 20 % de produits bio dans les cantines, le premier président de la Cour des comptes a dressé un constat d'échec. Le rapport de la Cour des comptes constate en effet : « 13,4 % des fermes sont bio, soit 19 % des agriculteurs français. Or en 2021, alors que la consommation alimentaire totale des Français diminue de 2,3 %, le marché des produits bio baisse pour la première fois de 1,3 %. Et le repli s'accentue en 2022 en grande distribution non spécialisée (50 % des ventes de bio en 2021) - et spécialisée (27 % des ventes) ». Selon les conclusions du rapport, les soutiens financiers « ne sont pas à la hauteur, avec des aides à la conversion sous-dimensionnées et au maintien supprimées ». Il relève par ailleurs que le soutien à l'innovation pour les industries agroalimentaires est « moins développé qu'en conventionnel » et regrette ce « décalage » qui ne pourra pas se résorber sans une inflexion majeure de la politique agricole française. La Cour des comptes a formulé 12 recommandations afin notamment de réorienter et d'amplifier les soutiens publics à l'agriculture au profit de la filière bio. Par ailleurs, le soutien à la filière bio doit aussi passer par une réflexion sur la politique du coût, pour les consommateurs, des produits issus de l'agriculture biologique et distribués en circuits courts. En effet, acheter bio coûte en moyenne plus cher qu'acheter des produits issus de l'agriculture intensive et hors des circuits courts. De fait, les citoyens les moins aisés doivent renoncer à bénéficier de produits bio, que la Cour des comptes estime pourtant bénéfiques « pour la santé de la planète Terre et des humains ». Or les citoyens ne sauraient être écartés de facto, pour des raisons de coûts, de l'accès à produits qui améliorent leur santé et qui sont produits et distribués dans des conditions bénéfiques pour l'environnement. Aussi, il lui demande quelles suites le Gouvernement entend donner aux 12 recommandations de la Cour des comptes et quelles mesures il compte engager pour que les prix d'achat des produits bio et en circuits courts revienne moins cher aux consommateurs que les produits issus de l'agriculture conventionnelle.
Le secteur biologique a connu, entre 2015 et 2020, un développement historique qui a permis d'atteindre, selon les chiffres de l'Agence Bio, près de 2,8 millions d'hectares cultivés selon le mode de production biologique en 2021, soit 10,34 % de la surface agricole utile (SAU) française, plaçant la France à la première place européenne en matière de surface agricole bio. La consommation des produits issus de l'agriculture biologique a également doublé en cinq ans, atteignant en 2021 un marché de plus de 13 milliards d'euros. Cette dynamique a été soutenue par l'État, depuis plus de quinze ans par une succession de programmes d'action nationaux, élaborés avec l'ensemble des acteurs du secteur. Ils fixent des objectifs ambitieux pour le développement du secteur et coordonnent l'action de l'ensemble des parties prenantes. Le programme Ambition bio 2022, actuellement en vigueur, bénéficie de trois outils financiers majeurs : l'aide à la conversion à l'agriculture biologique de la politique agricole commune (PAC), le fonds « Avenir Bio » géré par l'Agence Bio, et le crédit d'impôt bio qui ont tous été renforcés ces dernières années, pour accompagner au mieux le secteur dans son développement. Suite à la période de croissance très soutenue de ces dernières années, le secteur biologique français arrive, structurellement, dans une nouvelle étape de son développement. La production biologique a changé d'échelle et atteint un palier qui doit mener vers de nouveaux relais de croissance. Une attention particulière doit donc être portée à la consolidation et la pérennisation des filières biologiques et à la création de nouveaux débouchés, afin de poursuivre un développement harmonieux de l'offre et de la demande. De manière conjoncturelle, la pandémie du covid-19 et la guerre en Ukraine ont modifié la consommation alimentaire nationale (- 2,21 % de consommation en 2021 et - 1,7 % au premier trimestre 2022, selon l'institut national de la statistique et des études économiques) avec des impacts directs sur la consommation des produits biologiques. Malgré ce contexte perturbé, le Gouvernement continue d'encourager le développement durable du secteur biologique pour les années à venir, dans la mesure où il répond aux enjeux sociétaux actuels tels que la souveraineté alimentaire, la préservation de l'environnement, la protection de la santé humaine et la juste répartition de la valeur. Ainsi, le plan stratégique national (PSN) de la PAC fixe l'objectif de 18 % de SAU bio à horizon 2027. 340 millions d'euros (M€) par an en moyenne seront consacrés à l'aide à la conversion à l'agriculture biologique, représentant ainsi une augmentation de 36 % de l'effort financier public dédié à l'agriculture biologique sur le second pilier de la PAC. Le crédit d'impôt bio a également été prolongé jusqu'en 2025, et porté de 3 500 euros (€) à 4 500 € par an à compter du 1er janvier 2023. Enfin, le fonds de structuration des filières biologiques (fonds Avenir bio), géré par l'Agence Bio, a été porté à 13 M€ par an dans le cadre du plan de relance pour 2021 et 2022. De plus, il existe plusieurs leviers et outils de soutien à la consommation des produits biologiques. La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous dite « EGALIM » » du 30 octobre 2018 et la loi dite « Climat et Résilience » du 22 août 2021 ont fixé des objectifs ambitieux en matière d'introduction de produits biologiques en restauration collective publique (20 % en 2022) et privée (20 % en 2024). Pour accompagner l'atteinte de ces objectifs, le Gouvernement a dédié, via le plan de relance, 50 M€ au soutien des cantines scolaires des petites communes pour financer les investissements et les formations nécessaires. Par ailleurs, une enveloppe de 80 M€ du plan de relance a permis de soutenir 176 projets alimentaires territoriaux émergents et plus de 650 actions opérationnelles. Concernant la consommation des ménages, l'État a contribué à hauteur de 500 000 € à une campagne exceptionnelle de promotion du bio, lancée en mai 2022 par l'Agence Bio, dans le cadre du Printemps Bio 2022. Cette campagne, élaborée avec et reprise par huit interprofessions, vise à stimuler le « bioréflexe » chez les consommateurs en rappelant les garanties associées au mode de production biologique. Le Gouvernement sera en tout état de cause attentif dans les mois qui viennent à l'évolution des conditions de marché de l'agriculture biologique afin d'apporter les réponses les plus adaptées. Afin de mobiliser le secteur dans une projection à moyen terme, l'élaboration du prochain programme Ambition bio 2027 fera l'objet d'une concertation avec les acteurs du secteur bio afin de déterminer les actions prioritaires, les moyens associés et les structures mobilisées notamment pour atteindre l'objectif inscrit dans le PSN français, de 18 % de SAU bio à horizon 2027, mais aussi plus largement s'inscrire dans le cadre fixé par le plan d'action européen en faveur du secteur biologique de 2021. L'élaboration du programme Ambition bio 2027 a également vocation à prendre en compte de certaines observations formulées par la cour des comptes pour dépasser la période actuelle de déséquilibre et renouer avec la dynamique observée ces dernières années.
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