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Sarah Legrain
Question N° 11230 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 12 septembre 2023

Mme Sarah Legrain attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'inaction politique criminelle face à la série noire de féminicides en France. Le jeudi 31 août 2023, une quadragénaire, fonctionnaire de police à Chambéry, a été tuée. Son ancien mari a été mis en examen. Il avait déjà été condamné en 2020 pour non-respect d'une ordonnance de protection. La victime avait déposé plainte récemment pour non-paiement de la pension alimentaire. Il s'agit du 90e féminicide de l'année 2023, marquant une funeste et alarmante série de 8 féminicides en 8 jours. Or le lendemain, on apprend que la Fondation des Femmes lance un fonds d'urgence pour soutenir les associations d'aide aux femmes victimes de violences, en raison d'une baisse de 25 % du budget de l'État par femme victime ! Quatre ans après le Grenelle des violences conjugales, les violences patriarcales n'ont fait qu'augmenter ; les moyens, dès le départ insuffisants, deviennent dérisoires face à l'augmentation du nombre de femmes qui se signalent. Les associations sont au bord de la faillite et en sont réduites à lever des fonds pour ne pas fermer les places d'hébergement d'urgence, faute de financement. Face à ce constat, Mme la députée cherche en vain une réponse politique de la part de M. le ministre de l'intérieur. Elle tient à rappeler qu'assurer la protection de ces femmes et financer ces dispositifs d'accompagnement essentiels est du ressort de l'État et ne devrait pas dépendre de la générosité des particuliers. Dans un pays où une femme meurt tuée par son conjoint ou ex-conjoint tous les trois jours et où le Président a décrété que la lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes était une « cause nationale », le Gouvernement devrait tout mettre en œuvre pour l'éradication des féminicides. On connaît les mécanismes à l'œuvre dans ces crimes, qui font suite à des violences physiques et psychologiques répétées par les conjoints ou ex-conjoints des victimes. Pourtant, le nombre de féminicides ne diminue pas, les femmes souhaitant porter plainte sont toujours victimes de la « double peine » et les plaintes des victimes ne leur permettent pas d'être protégées, 70 % des affaires de violences physiques ou sexuelles étant classées sans suite. Quand M. le ministre se décidera-t-il à déployer dans tous les commissariats et gendarmeries des cellules dédiées au traitement des violences sexistes et sexuelles (VSS), à former correctement les agents de police, à améliorer le processus de dépôt de plainte, à instaurer des ordonnances de protection sans plainte préalable et à lutter contre la récidive des auteurs de violences ? À l'occasion du projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement allouera-t-il enfin les 2 milliards d'euros que demandent les associations féministes pour lutter contre ces violences patriarcales, rouvrir les places d'hébergement d'urgence qui ont été fermées et en développer massivement de nouvelles ? Enfin, elle lui demande s'il faudra encore déplorer de nouvelles séries de féminicides avant de le voir réagir.

Réponse émise le 12 décembre 2023

Le Gouvernement a fait de la lutte contre les violences conjugales ou sexuelles une priorité majeure. Le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer se mobilise au quotidien sur ce sujet, avec l'appui de tous ses partenaires. Depuis le « Grenelle » organisé en 2019, une approche globale, visant à mieux traiter judiciairement ce type de violences et à protéger les victimes, est ainsi déployée partout en France. Une doctrine relative à l'accueil et à la prise en charge des victimes de violences conjugales ou sexuelles par les services de police et de gendarmerie, régulièrement mise à jour, détaille l'ensemble des mesures à appliquer. D'importantes actions ont été mises en œuvre : utilisation d'une grille d'évaluation du danger (élaborée en lien avec la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains), prise de plainte en milieu hospitalier, plainte en mobilité, formation des policiers et des gendarmes tout au long de leur carrière, audit des inspections générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale sur l'accueil et l'orientation des victimes de violences conjugales, etc. La Gendarmerie nationale a déployé une chaîne territoriale de référents "violences intrafamiliales"se déclinant du niveau national jusqu'au niveau brigade. Les Maisons de Protection des Familles (MPF), créés en 2021 et déployées dans chaque département, sont chargées de missions de prévention, d'appui et de partenariat dans le domaine des violences intrafamiliales, notamment. La Direction générale de la police nationale s'appuie pour sa part, au 1er octobre 2023, sur 150 groupes de protection de la famille et 1 667enquêteurs spécialisés (dont 1 317 affectés en groupes de protection de la famille et 350 référents protection de la famille) et 622 référents"violences intrafamiliales", ainsi que sur plus de 700 correspondants aide aux victimes et près de 500 référents accueil. De plus, 452 postes d'intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie (ISCG) ont été formalisés à partir de 2006 et participent à l'accueil, à l'écoute et à l'orientation des victimes de violences intrafamiliales. Ils sont chargés d'informer les services compétents des situations sociales dégradées qui se révèlent à l'occasion de l'exercice des missions de police. La Police nationale bénéficie en outre du travail de psychologues en commissariat : ils sont 84 dans les services territoriaux de la Direction générale de la police nationale et 21 dans les services de la préfecture de police (PP). La loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur fixe de nouveaux objectifs au dispositif des intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie, prévoyant la création de 200 postes supplémentaires dans les territoires à horizon 2027 (pour atteindre plus de 600 postes). Les psychologues et intervenants sociaux sont systématiquement informés d'un dépôt de plainte ou de main courante d'une victime de violences conjugales ou sexuelles afin de prendre contact avec elle et de lui proposer un suivi. Au sein de la zone de compétence de la préfecture de police, un outil de prise de rendez-vous en ligne (appelé « police rendez-vous ») a été déployé. Il offre aux victimes un moyen d'accéder de manière plus confidentielle et rapide à un service de police en vue d'un dépôt de plainte. Par ailleurs, de nombreux partenariats ont été mis en place avec le monde hospitalier afin de permettre la prise de plainte au sein des structures hospitalières des femmes victimes de violences conjugales ou sexuelles. Afin de continuer à travailler à l'amélioration de l'accueil des victimes, des formations sont réalisées au sein des commissariats par des associations spécialisées dans les violences faites aux femmes. Des modules de formation continue au sein des centres de formation de la préfecture de police sont également déployés sur le thème de l'accueil des femmes victimes de violences et sont destinés en priorité aux agents des commissariats. Des associations tiennent des permanences dans les brigades de gendarmerie et dans les commissariats de police afin d'apporter une aide juridique et psychologique aux victimes telles que France Victimes, CIDFF, Solidarités Femmes, etc. Tous ces acteurs, en collaboration avec les MPF et les enquêteurs, assurent un suivi de la victime. Le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer et le ministère de la Justice ont en outre signé le 22 mai 2023 une nouvelle convention avec le collectif Re#Start de la Maison des femmes de Saint-Denis, pour organiser des permanences d'accueil et de prise de plaintes de femmes victimes. Depuis le 30 août 2021, le 3919, une plate-forme téléphonique d'écoute, d'information et d'orientation des victimes de violences sexistes et sexuelles est accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Par ailleurs, depuis avril 2022, la plate-forme numérique de signalement des atteintes aux personnes et d'accompagnement des victimes (PNAV), dispositif commun à la police et à la gendarmerie nationales, accessible notamment via l'application « Ma Sécurité », offre à toute victime ou témoin, notamment de violences conjugales, un accueil personnalisé, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pour être informé de ses droits et guidé dans ses démarches. En matière de police judiciaire, des enquêteurs spécialisés dans les violences intra-familiales sont formés chaque année. Un objectif de doublement des effectifs, portant à 4 000 le nombre de policiers et gendarmes travaillant exclusivement sur ces sujets, est fixé à l'horizon 2027. Enfin, un fichier de prévention des violences intrafamiliales sera mis en place très prochainement pour prévenir la récidive, mieux évaluer les signaux de dangerosité et sécuriser les interventions des policiers et des gendarmes. L'efficacité de l'action de l'État repose principalement sur la synergie entre les forces de sécurité intérieure, les représentants des collectivités territoriales et le monde associatif. La régularité des contacts entre parties prenantes, entretenue, entre autres, par des échanges concrets, la saisine des unités de police judiciaire ou encore la tenue de réunions publiques d'information et de sensibilisation, contribuent ainsi à la résolution des faits observés ou signalés. En ce sens, les services de l'État sont pleinement mobilisés dans la prévention et la lutte contre les violences conjugales dans le cadre d'une politique globale de sécurisation des espaces publics.

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