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Fabien Di Filippo
Question N° 11099 au Ministère de la justice


Question soumise le 5 septembre 2023

M. Fabien Di Filippo alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité d'augmenter de manière urgente et significative le nombre de places de prison dans le pays. En 2017, le candidat Emmanuel Macron promettait de créer 15 000 places de prison, soit 7 000 places nettes en 2022 auxquelles s'ajouteraient 8 000 places nettes en 2027. Le programme « 15 000 » a donc été défini dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Mais à la fin de l'année 2022, 11 établissements avaient été livrés, regroupant 2 441 places nettes et 17 établissements étaient en travaux. Sur les 7 000 places annoncées en 2018, seules 35 % avaient effectivement été mises en service. Parmi ces places, 2 081 relevaient de programmes de construction annoncés en 2012 ou 2014. 1 127 places nettes ont par ailleurs été livrées dès l'année 2017 et ont donc été mises en service bien avant l'annonce du plan « 15 000 ». Des retards sont par ailleurs à prévoir sur la seconde tranche d'exécution du programme. Sur les 13 415 places restant à ouvrir, la majorité (7 360) sont attendues pour 2027. Tout porte donc à croire que ce délai ne sera pas tenu et qu'un reliquat significatif de places sera livré d'ici 2029 ou 2030, au mieux. La densité carcérale atteignait 140,7 % en maison d'arrêt en mars 2023, contre 118,7 % pour l'ensemble des établissements. Ce résultat s'explique en partie par l'incapacité du ministère à respecter les délais et les objectifs définis lors de la conception des différents plans de construction de places. Or la place des criminels est en détention et le caractère effectif des sanctions est un impératif si l'on veut que la République et ses règles soient respectées. Des places de prison doivent donc être construites en urgence. Actuellement, en raison du manque de places, 6 mois après une condamnation à de la prison ferme, près d'1 criminel sur 2 n'est toujours pas en prison. De plus, le programme « 15 000 » apparaît d'ores et déjà sous-dimensionné par rapport aux besoins. Les projections du ministère montrent que le nombre de détenus atteindra près de 75 000 en 2027, ce qui correspondra au nombre de places opérationnelles. L'encellulement individuel ne sera pas respecté à horizon 2027. Le rapport d'information « La planification de la construction des prisons : une inexorable procrastination » déposé en mai 2023 par la commission des finances et présenté par le député Patrick Hetzel, avance quatre recommandations principales : concevoir dès à présent une extension du plan « 15 000 » afin de mettre en service des places de prison supplémentaires à horizon 2030 ; favoriser l'adhésion des élus locaux à l'implantation d'établissements pénitentiaires sur leur territoire, notamment en modifiant les modalités de calcul de la dotation de solidarité urbaine et en comptabilisant les places de détention au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain dite « loi SRU » ; améliorer sérieusement le pilotage budgétaire des programmes immobiliers de l'administration pénitentiaire et présenter dans les documents budgétaires un échéancier d'ouverture des crédits actualisé en fonction de l'avancée des projets et, enfin, renforcer la formalisation des commandes passées par l'administration pénitentiaire auprès de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) en définissant des cibles claires et renforcer l'évaluation par la performance des programmes immobiliers du ministère de la justice. Alors que la confiance dans la justice atteint son niveau le plus bas en 2023, d'après une note de recherche du Cevipof sur la confiance police-population publiée le 18 avril 2023, qui indique 70 % des Français trouvent l'institution judiciaire « laxiste », il lui demande quelles suites il entend donner à ces recommandations et quelles mesures il compte prendre pour atteindre réellement d'ici à 2027 l'objectif de création de places de prison affiché et réaffirmé par l'exécutif depuis 6 ans.

Réponse émise le 2 janvier 2024

Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin de lutter contre la surpopulation carcérale et d'améliorer les conditions de détention. L'ambitieux programme immobilier pénitentiaire, qui vise à réduire la surpopulation carcérale dans les maisons d'arrêt et à atteindre l'objectif de 80 % d'encellulement individuel, permettra d'améliorer la prise en charge des personnes détenues et les conditions de travail des personnels. Conjugué aux effets attendus des lois de programmation de la Justice 2018-2022, 2023-2027 et de réforme pour la Justice (LPJ), et de la libération sous contrainte de plein droit issue de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, il doit permettre, à l'issue de son achèvement, d'atteindre l'objectif de 80 % d'encellulement individuel. La typologie des établissements est diversifiée pour mieux adapter les régimes de détention au profil des personnes détenues selon leur parcours, leur peine et leur projet de réinsertion : le programme prévoit ainsi des maisons d'arrêt sécurisées et à sûreté adaptée, la création de 2 000 places au sein de structures d'accompagnement vers la sortie, accueillant des condamnés à des peines de moins de deux ans ou en fin de peine, des quartiers « modules respect » et les projets InSERRE (Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi), tournés vers le travail. Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants, à savoir principalement dans les grandes agglomérations. Au 1er novembre 2023, 19 établissements ont été livrés représentant 6 076 places brutes, soit 4 103 places nettes une fois prises en compte les fermetures d'établissements. Parmi les derniers établissements livrés, trois l'ont été en 2022 pour un total de 360 places, et huit l'ont été en 2023 pour un total de 1 662 places nettes. Par ailleurs, au 1er novembre 2023, 10 établissements pénitentiaires sont en travaux sur les 31 opérations restant à livrer au sein du programme 15 000. Cinq établissements sont entrés en phase études de conception. Trois opérations sont en appel d'offres en vue du choix du groupement constructeur. Enfin, les études préalables se poursuivent pour 13 opérations représentant un total de 5 177 places nettes. En 2022 et 2023, la mise en œuvre du programme a dû faire face à un allongement des délais d'approvisionnement et à la pénurie touchant certains matériels et matériaux, en raison de la crise sanitaire et du contexte international. Cette pénurie s'est accompagnée d'une hausse des coûts des matériaux et une indemnisation supplémentaire des titulaires des marchés de construction au titre de l'imprévision. Également, il est souligné que régulièrement, certains élus locaux tout à la fois appellent au développement du parc pénitentiaire en même temps qu'ils refusent que ces nouveaux établissements s'installent sur leur territoire.  Enfin, outre ces entraves locales persistantes et malgré une mise en œuvre du programme marquée à ses débuts par la difficulté des recherches foncières, force est de noter que les terrains nécessaires au lancement de l'ensemble des projets sont désormais identifiés, permettant aux opérations d'entrer dans leur phase active avec un rythme de livraisons qui s'accélère.

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