M. Antoine Villedieu interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la prolifération de refus à l'instruction en famille. L'article 49 qui porte sur l'instruction en famille de la loi confortant les principes de la République est entré en vigueur en 2022. À l'époque, M. Blanquer, ministre de l'éducation nationale avait promis que les familles qui instruisaient leurs enfants conformément aux principes de la République pourraient continuer d'exercer leur liberté d'instruction. Or à l'heure actuelle, le constat démontre l'inverse puisque de nombreuses familles avec des projets éducatifs sérieux se sont vues opposer des refus massifs d'autorisation dans plusieurs académies. Certaines familles doivent se battre pendant des mois avant d'obtenir gain de cause auprès des tribunaux compétents alors que les frais judiciaires leur imposent un coût supplémentaire dont elles se seraient bien passées compte tenu du contexte actuel. Les dispositions de la loi confortant les principes de la République ont prévu de nouvelles modalités avec l'instauration de contrôles annuels pour vérifier la conformité de l'instruction en famille. Néanmoins, les familles qui pratiquent l'instruction en famille avec des contrôles pourtant positifs et même avec l'approbation des inspecteurs d'académie demeurent en proie au doute quant à la possibilité de pouvoir poursuivre l'instruction en famille de leurs enfants. En outre, le nombre d'autorisations données dépend des académies et les données présentent de grandes disparités entre les territoires. À titre d'exemple, des familles ayant envoyé le même dossier dans des régions différentes ont reçu une réponse positive dans une région et une réponse négative dans une autre. Ainsi, la grande majorité des premières demandes d'instruction en famille a été refusée par les inspecteurs d'académie au motif que le projet éducatif n'établissait pas l'existence d'une situation propre à l'enfant justifiant la non scolarisation en établissement publique ou privé. L'entrée en vigueur de cet article, aux intentions nobles, a grandement contribué à la détérioration du principe de liberté d'instruction. Son objectif de lutter contre le séparatisme à travers le renforcement des règles régissant l'instruction en famille afin de faciliter l'identification des dérives sectaires et de risques de radicalisation est injustifié. En effet, les rapports de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) confirment qu'il n'existe aucun lien entre séparatisme et l'instruction en famille. Ce constat fait l'état d'une législation amplement suffisante pour résorber le phénomène sans qu'il soit nécessaire de durcir l'encadrement de l'instruction en famille. Une solution doit donc être trouvée pour garantir aux familles un encadrement juste et proportionné de la liberté d'instruction. Un projet éducatif doit être possible pour les parents qui souhaitent offrir à leurs enfants une éducation respectueuse des valeurs de la République française. Aussi, il voudrait que l'éducation nationale prenne toutes les mesures adéquates pour garantir la possibilité de l'instruction en famille aux parents qui souhaitent transmettre une éducation de qualité sans déroger aux principes fondamentaux.
Pour chaque dossier de demande d'autorisation d'instruction dans la famille fondée sur l'un des quatre motifs, les responsables de l'enfant doivent transmettre les pièces justifiant la réalité du motif invoqué. Ces éléments permettent à l'administration d'effectuer une analyse de chaque situation. Le Conseil d'État, dans sa décision n° 467550 du 13 décembre 2022, a explicité les modalités de traitement des demandes d'autorisation d'instruction dans la famille fondée sur l'un des quatre motifs. L'administration doit ainsi « rechercher, au vu de la situation de [l'] enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part, dans un établissement ou école d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, […] retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt ». Il en résulte que l'administration est seule compétente pour apprécier, au regard du dossier de demande transmis par les responsables de l'enfant, les situations qui justifieraient ou non le recours à l'instruction en famille au titre d'un des quatre motifs. Le Conseil d'État a également apporté des précisions sur le traitement des demandes fondées sur l'existence d'une situation propre motivant le projet éducatif (motif 4°). Ainsi, lorsque l'autorité administrative est saisie d'une telle demande, celle-ci « contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire ». Il en résulte que les responsables légaux sollicitant une autorisation d'instruction dans la famille pour ce motif doivent justifier que le projet éducatif est conçu en fonction de la situation propre de leur enfant, laquelle doit être étayée et adapté à celle-ci, de telle manière que l'enfant puisse bénéficier d'un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire. Par exemple n'est pas recevable un projet éducatif standard qui n'expose nullement en quoi il répond à la situation propre de l'enfant. Tel est le cas d'un projet éducatif qui se contente de reprendre la plaquette commerciale d'un organisme d'enseignement à distance sans étayer la situation personnelle de l'enfant et sans préciser en quoi ce projet est adapté à cette situation. Chaque situation fait donc l'objet d'un examen individualisé par les services académiques afin de déterminer le mode d'instruction le plus conforme à l'intérêt de l'enfant, conformément aux dispositions de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. S'agissant des données chiffrées relatives au nombre d'autorisations délivrées au titre de l'année scolaire 2023-2024, sur les 51 229 demandes instruites au 1er décembre 2023, 45 275 ont donné lieu à une autorisation, soit 88,4 % des demandes. Sur les 6 169 demandes instruites d'autorisation d'instruction dans la famille effectuées au titre du motif 4°, 4 041 ont donné lieu à une autorisation, soit 65,5 % des demandes.
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