M. Christian Girard alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la grave mise en danger de la filière française de volailles depuis la décision de la Commission européenne d'exonérer de droits de douane les importations de volailles en provenance d'Ukraine. Depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, la Commission européenne a donné son aval à l'ouverture du marché européen aux volailles industrielles du groupe MHP en l'exemptant complètement de droits de douane leurs exportations. Pourtant ce groupe MHP, sous la direction de l'oligarque milliardaire ukrainien Yuriy Kosiuk, produit chaque année des millions de tonnes de volailles, élevées en batterie, en violant toutes les normes sanitaires, économiques et éthiques en vigueur au sein de l'Union européenne. Ce privilège accordé nuit gravement aux acteurs français de la filière ainsi qu'aux consommateurs français, qui vont pâtir dans leur assiette de l'expansion de la « malbouffe ». C'est donc la restauration collective scolaire, hospitalière et gériatrique, dont déjà plus de 90 % de la nourriture est importée, qui va être alimentée par ces volailles élevées dans des conditions sanitaires scandaleuses. Alors que le Gouvernement a la possibilité de préserver les Français en activant les mesures de sauvegarde prévues par le règlement (UE) n° 2015/478 si un État-membres estime que sa souveraineté est menacée, il lui demande s'il envisage de déclencher de telles mesures afin de protéger l'industrie avicole française, déjà confrontée aux assauts de le grippe aviaire et aux abattages anticipés des volailles touchées.
En soutien à l'économie ukrainienne face à la guerre d'agression russe, l'Union européenne (UE) a libéralisé, avec le soutien du Gouvernement français, depuis le 4 juin 2022, ses échanges avec l'Ukraine pour une durée initiale d'un an. Le 6 juin 2023, le règlement (UE) 2023/1077 a prolongé la libéralisation d'une année supplémentaire soit jusqu'au 5 juin 2024. L'ouverture des échanges avec l'Ukraine a entraîné des augmentations des importations de plusieurs produits agricoles ukrainiens dans l'UE. La part des importations ukrainiennes dans les importations européennes totales de viande de volaille est en augmentation, passant de 13 % en 2021 à 28 % entre janvier et avril 2023 (deuxième fournisseur de l'UE, dépassant le Royaume-Uni et la Thaïlande mais restant derrière le Brésil). Face à cette augmentation, le Gouvernement est particulièrement vigilant et a demandé à la Commission européenne de renforcer le suivi de l'impact sur le marché européen des importations ukrainiennes. La décision d'activer une clause de sauvegarde prévue soit par le règlement (UE) 2015/478 relatif au régime commun applicable aux importations, soit par le règlement (UE) 2023/1077 susmentionné relève de la Commission européenne. Selon le règlement (UE) 2015/478, elle peut activer la clause de sauvegarde si elle considère qu'un produit est importé « dans l'Union en quantités tellement accrues […] qu'un dommage grave est causé ou risque d'être causé aux producteurs de l'Union ». En outre selon le règlement (UE) 2023/1077, la Commission prend en considération « l'incidence des importations concernées sur la situation du marché de l'Union » en tenant compte notamment du taux et du volume de la hausse des importations en provenance d'Ukraine en termes absolus ou relatifs. Concernant les importations de viande de volaille ukrainienne dans l'UE, la Commission a considéré en juillet et en octobre 2023 dans le cadre du suivi régulier des effets des mesures de libéralisation en faveur de l'Ukraine prévu par le règlement (UE) 2023/1077, que la situation sur le marché européen de la viande de volaille ne le justifiait pas. Selon ces mêmes règlements, un État membre peut également solliciter l'activation d'une clause de sauvegarde s'il dispose d'éléments de preuve suffisants concernant des importations qui ont des effets préjudiciables sur le marché de l'UE. À l'heure actuelle, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ne dispose pas d'éléments de preuves suffisants. Si la hausse des importations de viande de volaille ukrainienne dans l'UE du fait de la libéralisation tarifaire est indéniable, cette hausse doit toutefois être relativisée au regard du niveau de production, d'exportations et d'importations européennes et de la tendance à la hausse du prix du poulet. La hausse des importations participe d'une tendance générale d'augmentation de l'ensemble des importations européennes, dans laquelle les importations ukrainiennes semblent davantage avoir remplacé des importations en provenance d'autres pays (Royaume-Uni principalement). Il est néanmoins probable qu'une partie des importations françaises en provenance de Pologne et, surtout, des Pays-Bas soient la conséquence directe ou indirecte des importations ukrainiennes (c'est-à-dire issues de poulets d'origine ukrainienne et/ou conséquence d'une réorientation d'une partie de la production domestique remplacée par des importations ukrainiennes). Ainsi, sur les sept premiers mois de 2023, les importations françaises de viande de volailles ont progressé en volume [+ 4,1 % soit 18,2 kilos tonnes équivalent carcasse (ktec)] avec une hausse des volumes importés en provenance de l'UE, particulièrement depuis la Pologne (+ 11,2 % soit 15,2 ktec), les Pays-Bas (+ 13 % soit + 10,3 ktec) et la Belgique (+ 6,6 soit + 7,7 ktec). Cependant, en juin et juillet 2023, les importations totales de viandes et préparations de poulet en France ont enregistré des baisses successives (respectivement - 2,4 % et - 4,8 %), une première depuis 2021. Ces chiffres s'inscrivent dans une tendance lourde d'augmentation des importations de viande de volaille en France depuis une vingtaine d'années. La filière française de viande de volaille est en déficit structurel de production pour couvrir la consommation intérieure, notamment certains segments de marché. Entre 2018 et 2022, la France a exporté en moyenne 457 000 tec de viande de volaille par an (55 % à destination de l'UE) et importé en moyenne 699 000 tec de viande de volaille par an (93 % originaires de l'UE). Face à cette situation, la reconquête de la souveraineté alimentaire est une priorité de l'action du Gouvernement. C'est pourquoi les ministres chargés de l'économie et de l'agriculture ont annoncé le 6 octobre 2023, à l'occasion du sommet de l'élevage de Cournon, un plan de reconquête de la souveraineté sur l'élevage, décliné en quatre axes : - objectiver et promouvoir les apports de l'élevage ; - améliorer le revenu des éleveurs, y compris en renforçant la compétitivité des filières d'élevage ; - accroître l'attractivité du métier d'éleveur ; - replacer l'élevage au cœur de la transition écologique.
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