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Nicolas Dragon
Question N° 10986 au Ministère auprès du ministre du travail


Question soumise le 29 août 2023

M. Nicolas Dragon interroge M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur les conséquences pour l'apprentissage dans l'artisanat de la baisse globale de 5 % des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage, telle que proposée par le Conseil d'administration de l'opérateur France compétences, lors de sa réunion du 17 juillet 2023. Désormais il appartient au Gouvernement de décider s'il donne suite à cette proposition adoptée grâce au vote favorable des représentants de l'État à France compétences. Aussi, il serait utile de prendre l'arrêté indispensable à l'entrée en vigueur prévue au 1er septembre 2023 de cette baisse des « coûts contrats ». Le président de CMA France a déjà écrit au Président de la République et à la Première ministre pour les alerter et les informer sur les conséquences d'une telle décision pour la formation par apprentissage, pour les centres de formation des apprentis (CFA) et plus largement pour le secteur de l'artisanat. La politique de soutien à l'apprentissage mise en œuvre depuis 2018 est un succès auquel le réseau des CMA et les entreprises artisanales ont largement contribué, si bien que le cap du million d'apprentis formés chaque année pourrait être franchi avant même la fin du présent quinquennat. Aujourd'hui les 137 CFA du réseau des CMA forment 112 500 apprentis par an, ce qui en fait le premier formateur par apprentissage dans le pays. Au regard des enjeux concernant la formation des jeunes et le niveau de l'emploi pour nombre de métiers en tension dans l'artisanat, les évolutions budgétaires, fussent-elles à la baisse, doivent être décidées à l'aune des objectifs de la politique d'apprentissage comme de l'évaluation de ses effets réels sur l'offre et la qualité de la formation. Autrement dit, quand on parle d'apprentissage la méthode budgétaire appliquée ne peut être celle du rabot et d'une baisse généralisée ! Par exemple, il n'est pas raisonnable de mettre sur un même plan l'apprentissage dans l'artisanat et l'apprentissage dans le « supérieur » ! Très concrètement si l'on applique cette nouvelle baisse, le « coût contrat » pour un master en droit des affaires passe de 8 500 euros à 8 393 euros, soit une baisse de 1,25 %, quand pour un CAP boulanger il passe de 6 683 euros à 6 015 euros, soit une baisse de 10 % ! Force est de constater que la méthode et le calendrier appliqués aujourd'hui par France compétences ne satisfont nullement à l'exigence d'une vision stratégique destinée à répondre aux objectifs d'insertion professionnelle des jeunes, ni aux besoins des métiers en tension de l'artisanat (métiers non délocalisables), ni aux besoins des entreprises dans les territoires. La méthode de calcul actuellement retenue ne prend pas en compte des coûts supportés par les CFA, des coûts qui sont pourtant inhérents aux caractéristiques des formations délivrées et des publics visés. Or ces coûts ont explosé en raison de la hausse des prix de l'énergie et des matières premières. Former un boucher, un mécanicien ou un coiffeur suppose des ateliers équipés pour des effectifs dépassant rarement la douzaine quand d'autres forment des apprentis dans un « amphi » rempli en projetant un Powerpoint. Si l'apprentissage est consubstantiel à l'artisanat, ce n'est pas le cas de tous les métiers qui aujourd'hui bénéficient de la politique de l'apprentissage. Il convient de garder à l'esprit ce distinguo quand on évoque le financement de l'apprentissage dans le pays. La méthode de calcul des niveaux de prise en charge des contrats qui serait appliquée dès la rentrée de septembre 2023 fait donc peser une menace bien réelle sur les CFA du secteur de l'artisanat et remet en question très clairement la qualité des formations dispensées. En l'état de la décision de baisse des niveaux de prise en charge, plusieurs des CFA situés sur le territoire devront fermer, à court ou moyen terme, des sections de formation, ce qui signifie très concrètement que des artisans ne seront plus formés à certains métiers et donc qu'à moyen terme des entreprises artisanales seront dans l'impossibilité d'être reprise. Ce serait un « mauvais coup » porté à l'artisanat dans le pays. C'est pourquoi CMA France et le réseau des CMA, comme d'autres réseaux de formation, demandent l'ajournement de la baisse des NPEC des contrats d'apprentissage actuellement en préparation pour le 1er septembre 2023 et l'instauration d'une concertation sur le financement de l'apprentissage afin de définir collectivement des niveaux qui soient à la fois soutenables et conformes aux objectifs stratégiques précisés par l'État et les branches professionnelles.

Réponse émise le 7 novembre 2023

L'apprentissage constitue une réponse efficace et concrète aux tensions de recrutement que rencontrent de nombreuses entreprises partout sur le territoire, y compris dans le secteur de l'artisanat, historiquement porté sur cette voie d'entrée dans les métiers.  Depuis 2018, le Gouvernement a considérablement favorisé son développement, en lui consacrant des moyens exceptionnels. D'abord pour les jeunes bien sûr, à travers la garantie d'une formation gratuite et de qualité, mais également pour toutes les entreprises, notamment les TPE-PME, à travers la création d'une aide à l'embauche d'alternants, qui permet de maintenir une dynamique d'entrée en apprentissage importante dans notre pays.  Conformément à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l'Etat, grâce à son opérateur France compétences, est chargé d'assurer un travail de régulation des niveaux de financement de l'apprentissage, afin d'en assurer la pérennité et de garantir un usage efficient des fonds mutualisés des entreprises. Ce travail de régulation repose sur l'analyse annuelle des données de la comptabilité analytique des Centres de formation d'apprentis (CFA), qui permet de déterminer les coûts réels de formation, afin d'en adapter le niveau de financement. A ce titre, il est de la responsabilité des pouvoirs publics, et notamment de la mission de régulation de France compétences, de garantir un juste niveau de financement au regard des coûts réels constatés.  La baisse des niveaux de prise en charge ne s'inscrit donc pas dans une logique stricte d'économie mais bien dans une démarche de fixation du juste prix, en responsabilité vis-à-vis de nos finances publiques.  De fait, la méthode de régulation mise en place lors de cet exercice prend en compte les effets de l'inflation (de 5,2 % en 2022 selon l'Insee), puisqu'afin de fixer sa valeur maximale recommandée, France compétences a appliqué à l'ensemble des coûts moyens de formation constatés dans les CFA et par certification, une hausse de 10 %. Aucune baisse n'est intervenue en dessous de cette valeur. A cette première garantie quant à la préservation des équilibres économiques des CFA est venue s'ajouter une seconde garantie, puisqu'il a été acté que, pour les niveaux de prise en charge définis par les branches, l'Etat n'imposerait aux branches aucune baisse au-delà de 10 % pour une formation donnée, et ce même si pour certaines formations, les écarts constatés excédaient largement ce taux. Dans le respect de ces principes, le référentiel de France compétences organise une diminution de 5% en moyenne des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage conclus à compter du 8 septembre 2023. En complément, le Gouvernement a souhaité préserver la capacité de l'appareil de formation à former des apprentis sur les métiers transverses, sur lesquels les branches professionnelles avaient été peu nombreuses à proposer des valeurs, et auxquelles étaient appliquées les valeurs de carence, dont certaines accusaient des baisses importantes. Parce que ces métiers sont essentiels au développement économique de nombreuses entreprises [dont celles de l'artisanat], le Gouvernement a réhaussé les valeurs de carence en limitant la baisse au maximum à 10 % par rapport aux valeurs de 2022.  De surcroît, le Gouvernement est conscient que la complexité que revêt le système de régulation budgétaire de l'apprentissage ne favorise pas une prévisibilité et une stabilité optimale pour le développement de l'appareil de formation en apprentissage. C'est en ce sens que celui-ci est ouvert au dialogue avec les acteurs de l'apprentissage dont les réseaux représentants des CFA, et notamment les chambres des métiers et d'artisanat, afin d'envisager les pistes d'amélioration de ce processus. Une large consultation sera organisée en ce sens à la fin de l'année 2023.  Ainsi, le Gouvernement maintient-il son engagement majeur en faveur de l'apprentissage, tout en conduisant des mesures en faveur de la rationalisation du fonctionnement des centres de formation des apprentis qui participent à l'objectif de soutenabilité budgétaire du système de financement de l'alternance, gage de sa pérennité, avec pour objectif d'atteindre un million de nouveaux apprentis par an dans notre pays d'ici la fin du quinquennat.

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