Mme Angélique Ranc appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels, sur la baisse globale de 5 % des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage, telle que proposée par le conseil d'administration de l'opérateur France compétences, lors de sa réunion du 17 juillet 2023. Cette nouvelle baisse, cumulée aux autres sources de dépenses, risque d'engendrer un déficit pour les 137 CFA du réseau des CMA qui forment 112 500 apprentis par an et qui en fait le premier formateur par apprentissage dans le pays. Au regard des enjeux concernant la formation des jeunes et le niveau de l'emploi pour nombre de métiers en tension dans l'artisanat et compte tenu des objectifs fixés par le Gouvernement sur l'apprentissage, cette décision paraît totalement incompréhensible. En outre, l'ambition annoncée de former 1 000 000 d'apprentis d'ici 2027 pour remédier au manque de main-d'œuvre qualifiée dans le pays est, en effet, en totale contradiction avec cette décision de réduction des financements des outils de formation qui se sont pourtant révélés jusqu'alors efficaces pour atteindre ces objectifs. De plus, la méthode de calcul actuellement retenue ne prend pas en compte des coûts supportés par les CFA, des coûts qui sont pourtant inhérents aux caractéristiques des formations délivrées et des publics visés. Or ces coûts ont explosé en raison de la hausse des prix de l'énergie et des matières premières. Pour exemple, former un boucher, un mécanicien ou un coiffeur suppose des ateliers équipés pour des effectifs dépassant rarement la douzaine quand d'autres forment des apprentis dans un « amphi » rempli en projetant un PowerPoint. Si l'apprentissage est consubstantiel à l'artisanat, ce n'est pas le cas de tous les métiers qui aujourd'hui bénéficient de la politique de l'apprentissage. Très concrètement, si l'on applique cette nouvelle baisse, le « coût contrat » pour un master en droit des affaires passe de 8 500 euros à 8 393 euros, soit une baisse de 1,25 %, quand pour un CAP boulanger il passe de 6 683 euros à 6 015 euros, soit une baisse de 10 %. Il convient de garder à l'esprit ce distinguo quand on évoque le financement de l'apprentissage dans le pays. La méthode de calcul des niveaux de prise en charge des contrats qui serait appliquée dès la rentrée de septembre 2023 fait donc peser une menace bien réelle sur les CFA du secteur de l'artisanat et remet en question très clairement la qualité des formations dispensées. En l'état de la décision de baisse des niveaux de prise en charge, plusieurs des CFA situés dans l'Aube devront fermer des sections de formation, ce qui signifie très concrètement que des artisans ne seront plus formés à certains métiers et donc qu'à moyen terme des entreprises artisanales seront dans l'impossibilité d'être reprises. Il est crucial de cesser de considérer le coût de la formation professionnelle comme une charge pour l'État. Au contraire, il faut la percevoir comme un véritable investissement pour l'avenir des territoires, des entreprises et des jeunes. L'apprentissage dans l'artisanat est un investissement pour l'avenir qu'il est précieux de continuer à développer avec des moyens garantis. En conséquence, Mme la députée demande à Mme la ministre si elle va revenir sur la baisse des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage. Par ailleurs, elle souhaite connaître ses intentions sur l'instauration d'une concertation sur le financement de l'apprentissage, notamment avec les chambres consulaires, afin de définir collectivement des niveaux qui soient à la fois soutenables et conformes aux objectifs stratégiques précisés par l’État et les branches professionnelles.
L'apprentissage constitue une réponse efficace et concrète aux tensions de recrutement que rencontrent de nombreuses entreprises partout sur le territoire, y compris dans le secteur de l'artisanat, historiquement porté sur cette voie d'entrée dans les métiers. Depuis 2018, le Gouvernement a considérablement favorisé son développement, en lui consacrant des moyens exceptionnels. D'abord pour les jeunes bien sûr, à travers la garantie d'une formation gratuite et de qualité, mais également pour toutes les entreprises, notamment les TPE-PME, à travers la création d'une aide à l'embauche d'alternants, qui permet de maintenir une dynamique d'entrée en apprentissage importante dans notre pays. Conformément à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l'Etat, grâce à son opérateur France compétences, est chargé d'assurer un travail de régulation des niveaux de financement de l'apprentissage, afin d'en assurer la pérennité et de garantir un usage efficient des fonds mutualisés des entreprises. Ce travail de régulation repose sur l'analyse annuelle des données de la comptabilité analytique des Centres de formation d'apprentis (CFA), qui permet de déterminer les coûts réels de formation, afin d'en adapter le niveau de financement. A ce titre, il est de la responsabilité des pouvoirs publics, et notamment de la mission de régulation de France compétences, de garantir un juste niveau de financement au regard des coûts réels constatés. La baisse des niveaux de prise en charge ne s'inscrit donc pas dans une logique stricte d'économie mais bien dans une démarche de fixation du juste prix, en responsabilité vis-à-vis de nos finances publiques. De fait, la méthode de régulation mise en place lors de cet exercice prend en compte les effets de l'inflation (de 5,2 % en 2022 selon l'Insee), puisqu'afin de fixer sa valeur maximale recommandée, France compétences a appliqué à l'ensemble des coûts moyens de formation constatés dans les CFA et par certification, une hausse de 10 %. Aucune baisse n'est intervenue en dessous de cette valeur. A cette première garantie quant à la préservation des équilibres économiques des CFA est venue s'ajouter une seconde garantie, puisqu'il a été acté que, pour les niveaux de prise en charge définis par les branches, l'Etat n'imposerait aux branches aucune baisse au-delà de 10 % pour une formation donnée, et ce même si pour certaines formations, les écarts constatés excédaient largement ce taux. Dans le respect de ces principes, le référentiel de France compétences organise une diminution de 5% en moyenne des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage conclus à compter du 8 septembre 2023. En complément, le Gouvernement a souhaité préserver la capacité de l'appareil de formation à former des apprentis sur les métiers transverses, sur lesquels les branches professionnelles avaient été peu nombreuses à proposer des valeurs, et auxquelles étaient appliquées les valeurs de carence, dont certaines accusaient des baisses importantes. Parce que ces métiers sont essentiels au développement économique de nombreuses entreprises [dont celles de l'artisanat], le Gouvernement a réhaussé les valeurs de carence en limitant la baisse au maximum à 10 % par rapport aux valeurs de 2022. De surcroît, le Gouvernement est conscient que la complexité que revêt le système de régulation budgétaire de l'apprentissage ne favorise pas une prévisibilité et une stabilité optimale pour le développement de l'appareil de formation en apprentissage. C'est en ce sens que celui-ci est ouvert au dialogue avec les acteurs de l'apprentissage dont les réseaux représentants des CFA, et notamment les chambres des métiers et d'artisanat, afin d'envisager les pistes d'amélioration de ce processus. Une large consultation sera organisée en ce sens à la fin de l'année 2023. Ainsi, le Gouvernement maintient-il son engagement majeur en faveur de l'apprentissage, tout en conduisant des mesures en faveur de la rationalisation du fonctionnement des centres de formation des apprentis qui participent à l'objectif de soutenabilité budgétaire du système de financement de l'alternance, gage de sa pérennité, avec pour objectif d'atteindre un million de nouveaux apprentis par an dans notre pays d'ici la fin du quinquennat.
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