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Caroline Colombier
Question N° 10787 au Ministère de la culture


Question soumise le 8 août 2023

Mme Caroline Colombier alerte Mme la ministre de la culture sur les scandales engendrés par la représentation du spectacle « Carte noire nommée désir » au Festival d'Avignon de 2023. En effet, ce spectacle, écrit et mis en scène par Rébecca Chaillon, qui interroge « la figure de la femme noire comme objet de fantasmes », suscite depuis quelques jours de vives polémiques. Ces polémiques ont pour origine certaines scènes du spectacle, notamment au début de le représentation durant lequel les comédiens invitent les femmes noires du public à prendre place sur des canapés tandis que les autres spectateurs sont installés sur les gradins habituels. Par ailleurs, au cours du spectacle, une scène montre une comédienne embrocher des bébés de couleur blanche sur un pieu. Enfin, au cours d'une représentation, il semble que les acteurs de la pièce ont agressé un spectateur qui ne voulait pas donner son sac au cours d'une scène. Mme la députée demande donc à Mme la ministre sur quelle base légale une représentation artistique peut ouvertement mettre en place un système de discrimination fondé sur la couleur de peau. Elle lui demande ensuite dans quelle mesure ce spectacle a bénéficié de subventions publiques, le montant exact de cette subvention et si cette dernière, au regard des graves éléments résumés ci-dessus, sera reconduite dans le cadre des représentations à venir de ce spectacle en fin d'année 2023 et début d'année 2024 à Paris, au Havre et à Malakoff. Elle lui demande enfin quelles mesures elle souhaite prendre, en lien avec le ministre de l'intérieur, pour éviter que de nouveaux vols se reproduisent en plein spectacle.

Réponse émise le 7 novembre 2023

La ministre de la Culture réaffirme son attachement à la liberté d'expression et de création, protégée au plus haut niveau par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il est vital pour toute société démocratique que les artistes aient la liberté de questionner, de surprendre et au besoin de déranger. Ils expriment une vision du monde, proposent un point de vue, partagent des idées et contribuent à faire des lieux de culture des lieux de débats. Le spectacle « Carte noire nommée désir », mis en scène par Rébecca Chaillon, directrice de la compagnie Dans le Ventre, a été créé le 9 novembre 2021. Il a été joué à de nombreuses reprises, dans plus d'une vingtaine de villes en France et en Suisse. A travers ce spectacle, l'artiste Rébecca Chaillon dit vouloir interpeller et susciter les réactions du public, notamment sur des clichés dont elle a pu souffrir elle-même. Elle indique qu'elle ne procède à aucune discrimination mais que son spectacle vise, au contraire, à dénoncer les discriminations. Son intention est d'interroger les enjeux de la diversité. La dernière partie de la pièce, inspirée du théâtre interactif, est constituée d'un quizz avec le public. Si des sacs sont subtilisés aux spectateurs, ce faux « vol » fait partie de la performance, les sacs demeurant disposés à vue sur le plateau sont restitués à leurs propriétaires dès la fin de la représentation. Aucune plainte n'a été déposée par les nombreux spectateurs ayant assisté à ce spectacle. Ce spectacle, dont aucun propos ou acte ne semble susceptible de tomber sous le coup d'une infraction, est protégé par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, qui a consacré dans son article 1er la liberté de création artistique. La production de ce spectacle a été accompagnée à hauteur de 19 000 € par la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Hauts-de-France, région d'implantation de la compagnie Dans le Ventre, dans le cadre des Aides déconcentrées au spectacle vivant (ADSV). À la suite d'un avis acté à l'unanimité de la commission consultative - collège Théâtre, (commission organisée par la DRAC et constituée de professionnels reconnus de cette région), la compagnie est désormais conventionnée sur la période 2023-2024, à hauteur de 30 000 € annuels. De son côté, le Conseil régional des Hauts-de-France a apporté un soutien à hauteur de 15.000 euros au mois d'octobre 2021. En définitive, aucune aide apportée à cette production ne relève d'une décision de la ministre de la Culture ou de son cabinet. La ministre de la Culture tient à rappeler que l'art n'a jamais été consensuel. Chacun a le droit de ne pas aimer un spectacle, et rares sont les œuvres artistiques qui font l'unanimité. Mais interdire une œuvre qui déplaît ou qui choque reviendrait à la censurer. Notre boussole commune doit rester la loi, votée au Parlement par les représentants de la Nation, et la justice, rendue dans les tribunaux au nom du peuple français. Dans un Etat de droit soucieux de la séparation des pouvoirs, seule la justice peut en effet souverainement, et en toute indépendance, qualifier ce qui relève d'une infraction pénale, que ce soit une incitation à la discrimination, à la haine, une violence ou un vol. Les artistes sont essentiels à notre vitalité démocratique. En France, ils sont libres de déranger, de provoquer, dans les limites fixées par la loi. Le débat autour des œuvres reste tout aussi libre et permet à chaque citoyen d'avoir accès à différents points de vue pour construire son esprit critique.

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