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Philippe Lottiaux
Question N° 1076 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 6 septembre 2022

M. Philippe Lottiaux appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur le coût total, pour les finances de l'État, de l'implication de la France dans le conflit en cours entre la Russie et l'Ukraine. Depuis le début de ce conflit le 24 février 2022, la France, bien que non-belligérante, apporte un soutien militaire, matériel, financier et humanitaire à l'Ukraine, comme le Gouvernement s'en fait régulièrement l'écho. En matière militaire, alors que la France était déjà, depuis 2014, le premier exportateur d'armes vers l'Ukraine, il apparaît que le pays fournit de nombreux équipements de défense tels des VAB, des missiles (sol-air, anti-char), des munitions, des mines ou encore des systèmes optiques. Toutefois, à l'inverse de nombreux autres pays européens, le Gouvernement a toujours refusé de communiquer, à défaut de la nature précise, sur le montant de cette assistance militaire. S'agissant de l'aide financière, l'Ukraine bénéficie de dons et de prêts de l'État français pour faire face aux conséquences économiques et sociales engendrées par le conflit. En particulier, les aides directes françaises se monteraient à 2 milliards de dollars à la date du mois de mai 2022, auxquelles il faut ajouter les prêts et garanties bancaires. Enfin, l'aide humanitaire s'est traduite par l'envoi de matériels médicaux, informatiques, de véhicules ou encore de tentes et de couvertures pour des montants qui semblent également importants, même si en grande partie assumés par la solidarité nationale. Parallèlement, l'accueil des réfugiés ukrainiens fuyant le conflit, dont le nombre a atteint 100 000 au mois d'août 2022, engendre des dépenses imprévues pour l'État, tels que les hébergements temporaires (hôtels, centres...), l'allocation pour demandeur d'asile, la prise en charge intégrale des frais de santé, la gratuité de l'accueil en crèche ou les formations à la langue française. Ce soutien représente de fait des sommes conséquentes pour le budget de l'État, sans véritable transparence financière. Il lui demande donc de préciser, de manière exhaustive, le coût total, à ce jour, de l'implication de la France dans le conflit russo-ukrainien.

Réponse émise le 3 janvier 2023

Premièrement, s'agissant de l'aide militaire, dès la fin du mois de février, la France a fourni aux forces armées ukrainiennes des équipements défensifs et des équipements de protection. Dans un second temps, ont été livrés des systèmes plus lourds et plus complexes : des véhicules légers, des blindés et surtout des systèmes d'artillerie Caesar avec leurs munitions. Cet effort se poursuit : nous avons notamment formé les soldats ukrainiens. Par ailleurs, un fonds de 100 M€, porté à 200 M€ lors de la première lecture du projet de loi de finances rectificatif (PLFR) II 2022 à l'Assemblée nationale, est en cours de mise en place pour permettre à l'Ukraine d'acheter directement du matériel militaire auprès des industriels français, via le programme 146 « Equipement des forces » de la mission « Défense ». Deuxièmement, s'agissant de l'aide économique, l'État a accordé sa garantie à la Banque de France pour la mise en place d'un dispositif permettant aux bénéficiaires de la protection temporaire en provenance d'Ukraine de convertir des espèces libellées en devise ukrainienne. Ce dispositif public permet d'assurer la mise en place d'un service de change des espèces de la devise ukrainienne qui soit gratuit afin de garantir des conditions de change favorables et équitables aux bénéficiaires de la protection temporaire en provenance d'Ukraine au sein de l'Union européenne. Cette garantie est apportée dans la limite d'un montant cumulé de 32 millions d'euros jusqu'au 31 décembre 2023 et est encadrée par une convention tripartite entre l'État, la Banque de France et la Banque nationale d'Ukraine. Cette convention est à la disposition des présidents et des rapporteurs généraux des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ainsi qu'aux rapporteurs spéciaux compétents des mêmes commissions. Il est prévu qu'un bilan du dispositif soit établi, conjointement avec la Banque de France, une fois celui-ci achevé. Troisièmement, s'agissant de l'aide au développement, le gouvernement a tout d'abord annoncé une cible de 1,7 Md$ en soutien à l'Ukraine, qui a ensuite été portée par le Président de la République à l'occasion de la conférence internationale des donateurs le 5 mai 2022, à 2,0 Md$. Ce montant global de 2,0 Md$ correspond, une fois converti de dollars en euros, à 1,7 Md€, décomposé comme suit : 1,2 Md€ d'assistance économique, correspondant à des financements exports, eux-mêmes décomposés en 1 Md€ de garanties publiques et 200 M€ de prêts du Trésor. Les 1 Md€ de garanties publiques correspondent à des garanties octroyées en vertu de l'article L.432-1 du code des assurances. Les 200 M€ de prêts du Trésor sont prélevés sur les crédits du programme 851 du programme « Prêts du Trésor à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France » du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». 200 M€ d'aide humanitaire. 300 M€ de prêt de l'Agence française de développement (AFD) pour le compte de l'État, pour faire face aux conséquences économiques et sociales du conflit. Ces 300 M€ de prêts ont été annoncés en mars 2022, et ont donné lieu à ouvertures en première loi de finances rectificatives (PLFR 1) pour 2022 du 16 août 2022, sur le programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers » du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » (en plus des 15 M€ de prêts pour la Moldavie, sur ce même programme, pour l'aider à faire face aux conséquences économiques et sociales du conflit russo-ukrainien). Ce prêt de la France à l'Ukraine constitue une opération pour le compte et aux risques de l'Etat, mise en œuvre par l'Agence française de développement. À cette aide économique et à ces 1,7 Md€ d'aide humanitaire évoqués au premier semestre 2022, on peut rajouter les éléments suivants : L'article 25 de la première loi de finances rectificatives (LFR 1) pour 2022 du 16 août 2022 a permis d'accorder la garantie de l'Etat à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) au titre de deux prêts que celle-ci consent à l'entreprise d'Etat ukrainienne Naftogaz et à la société nationale des chemins de fer ukrainienne UkrZaliznitsa, pour 50 M€ chacune. Les 300 M€ de prêts de l'Agence française de développement précédemment évoqués se sont vus rajouter 100 M€ supplémentaires, annoncés en novembre 2022 et ayant donné lieu à ouvertures en seconde loi de finances rectificatives (PLFR 2) pour 2022 du 1er décembre 2022, sur le programme 853. Enfin, la France contribue activement à l'effort financier international en soutien à l'Ukraine à la fois grâce à une aide bilatérale directe (financière et humanitaire) telle que précédemment évoquée, mais aussi au niveau multilatéral, via l'Union européenne. Ainsi, l'article 37 quater du PLF 2023, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, prévoit d'accorder la garantie de l'État à l'Union européenne sur un prêt de 6 Md€ en provenance du fonds d'assistance macro-financière, potentiellement rehaussé à 9 Md€. La quotité garantie par la France représente sa quote-part x 61% du prêt soit un montant maximal garanti de 1 Md€. Si le risque d'appel de cette garantie est non-négligeable, il ne pourra avoir lieu avant 2024 et n'a donc pas d'impact budgétaire chiffré en 2023. S'agissant de l'accueil des réfugiés, les Ukrainiens bénéficient d'une protection temporaire partout dans l'Union Européenne (décision du Conseil de l'Union européenne du 4 mars 2022). Il s'agit d'un statut protecteur qui dispense les bénéficiaires de déposer une demande d'asile pour avoir le droit au séjour dans les pays de l'UE. À ce titre, les réfugiés ukrainiens en France disposent d'un certain nombre de droits et prestations : autorisation provisoire de séjour, allocation de subsistance (ADA), autorisation d'exercer une activité professionnelle, accès aux soins, scolarisation des enfants mineurs, soutien dans l'accès au logement… Le montant exact des surcoûts liés à l'accueil des réfugiés ukrainiens est difficile à prévoir en raison de la volatilité des flux de réfugiés. Le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance a ouvert 300 M€ sur le programme 303, pour en financer une partie. À ce stade, les coûts s'articulent principalement autour de deux postes de dépenses : le versement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), pour un montant estimé à ce stade à ~ 230 M€ en 2022 (ce coût est couvert partiellement par la budgétisation initiale de l'ADA) ; le financement de places d'hébergement pour un montant difficile à prévoir, estimé à ~ 300 M€ en 2022 ; D'autres coûts demeurent plus limités, tels que l'accompagnement social des réfugiés ukrainiens ou la fourniture de formations linguistiques pour quelques millions d'euros.

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